Railcoop, entreprise créée fin 2019, vient d'obtenir sa licence d'entreprise ferroviaire et attend dans les semaines qui viennent son certificat de sécurité, indique Nicolas Debaisieux. Le problème du matériel roulant étant en passe d'être réglé, il reste à obtenir des sillons - des créneaux de circulation - auprès de SNCF Réseau. Et c'est là que le bât blesse: "Aujourd'hui, on n'a aucune garantie que SNCF Réseau nous donne nos sillons" , se désole-t-il.
Railcoop suspendu aux accords de la SNCF
Railcoop a bien reçu "des propositions" , mais elles ne répondent que partiellement aux demandes, dit-il. Par exemple, la société n'a pour l'instant obtenu qu'un seul sillon jusqu'à Roanne, à 70 km de Lyon. "Tous ces sillons sont conditionnés à des ouvertures de postes" car le personnel n'est pas assez nombreux pour occuper les postes d'aiguillage donnant accès aux voies uniques peu fréquentées que veut emprunter Railcoop. Quand bien même les péages - les droits de circulation - sont assez élevés. Le gestionnaire du réseau ferré lui demande d'assumer le coût du recrutement de cheminots supplémentaires, mais "ils ne sont pas en mesure de nous garantir qu'on pourra vraiment circuler" .
Initialement, la petite compagnie basée à Figeac (Lot) espérait faire rouler deux allers-retours par jour dès juin entre Bordeaux, Périgueux, Limoges, Montluçon, Roanne et Lyon, en 7 heures 30 environ, ressuscitant une liaison transversale abandonnée en 2014. Mais ce lancement est reporté finalement à décembre car "SNCF Réseau n'est pas en capacité de nous fournir des sillons de qualité" , a écrit la coopérative à ses sociétaires dans un courrier envoyé vendredi et obtenu par l'AFP. "On n'a pas de garantie non plus que SNCF Réseau sera alors en capacité de nous fournir des sillons de qualité" , redoute Nicolas Debaisieux.
Huit nouvelles destinations à la clé
"En deux ans, on a su démontrer qu'on en voulait et on ne va pas lâcher" , enchaîne-t-il aussitôt, soulignant - études marketing à la clef - que "la ligne est économiquement viable" avec des billets vendus au prix du covoiturage, soit environ 40 euros entre Bordeaux et Lyon. Railcoop estime ses coûts 25% inférieurs à ceux de la SNCF. Au-delà du Bordeaux-Lyon, la jeune compagnie a de grandes ambitions, et planche sur huit autres relations transversales à petite vitesse. Railcoop évoquait pour la fin 2022 Toulouse-Limoges-Poitiers-Le Mans jusqu'à Caen ou Rennes-Saint-Brieuc; et Thionville-Metz-Nancy-Dijon jusqu'à Grenoble ou Lyon-Saint-Etienne. Elle a aussi notifié à l'Autorité de régulation des transports des liaisons telles que Brest-Nantes-Bordeaux, Nantes-Rennes-Caen-Rouen-Amien
Pour le matériel roulant, Railcoop doit racheter d'occasion et réaménager neuf TER venus d'Auvergne-Rhône-Alpes. "On a réussi à trouver un point d'accord" , se réjouit le dirigeant, qui envisage pour la suite l'achat de trains neufs. "On ne fonctionne que grâce à la confiance qu'ont les gens dans le projet" , relève-t-il, notant que Railcoop a dépassé le cap des 10 000 sociétaires -particuliers, entreprises et collectivités- et collecté 3,9 millions d'euros. Des discussions sont en cours avec "des financeurs institutionnels" pour compléter.
Pour l'heure, c'est du côté du transport de fret que Railcoop va faire ses premiers tours de roue. La coopérative doit faire circuler des trains de marchandises à partir du 16 novembre entre Viviez-Decazeville, Capdenac (Aveyron) et la plateforme multimodale de Saint-Jory près de Toulouse, qui transporteront du chocolat, des fenêtres ou des pièces aéronautiques pour des PME du bassin de Figeac-Decazeville. "Il y a de quoi remplir les trains" qui devraient rapidement devenir quotidiens, assure Nicolas Debaisieux. Pour ce trajet, il a ses sillons.