Si, banques et startups sont capables de coopérer - à l'instar de BNP Paribas qui, via sa filiale L’Atelier, accélère des Fintech - ou même de fusionner — rachats de Compte Nickel par BNP Paribas, de Pumpkin par le Crédit Mutuel Arkéa ou de Shine par Société générale - ces acteurs du monde de la finance savent aussi affirmer leurs différences. Dans un entretien aux Echos, Nicolas Théry, arrivé en juillet à la présidence de la Fédération bancaire française (FBF), est monter au front en début de semaine dans une charge assez surprenante à l'adresse des fintech. " Je ne crois pas en l’open banking ", affirme-t-il sans détour, faisant référence au modèle d’ouverture des systèmes d’information des banques et du partage d’information des données de leurs clients à des tiers, acté depuis 2018 avec la deuxième directive européenne sur les services de paiement (DSP2).
Or, c’est précisément sur ce principe que repose l’expansion des fintech et des néo-banques puisque l’idée est de donner aux clients la possibilité de ne plus avoir uniquement une interface bancaire, et donc de permettre aux acteurs non bancaires d’accéder aux données des clients des banques pour créer de nouveaux services. Une belle opportunité pour favoriser la concurrence au sein de ce marché traditionnel. Mais pour le dirigeant, " la réglementation peut parfois être absurde ", poursuit-il en faisant référence à cette directive, qui mettrait selon lui en danger la protection des données bancaires.
Président de la Confédération nationale du Crédit Mutuel, Nicolas Théry craint une " vaporisation des données des clients " ajoutant. que " l'exigence de confidentialité et l'intimité numérique ne sont pas négociables. Les données bancaires devraient être inaliénables ". Le président de la FBF, qui se réjouit de voir les régulateurs se saisir de la question du risque informatique et des préoccupations de sécurité liées à l’open banking, n'y va pas par quatre chemins :
" Les gigantesques valorisations des Fintech correspondent à l'anticipation par les marchés d'une marchandisation des individus et de leurs données personnelles. Or, il ne s'agit pas d'un choix de marché, mais de société ", explique-t-il aux Echos.
" Le président de la Fédération française bancaire a poussé le bouchon très loin, en contradiction avec ses membres " , s’offusque Alain Clot, président et fondateur de France Fintech, contacté par Maddyness. L’entrepreneur ajoute, par voie de communiqué que "cette déclaration va à contre-courant des prises de position de nombreux dirigeants du monde bancaire, favorables à l’open banking" . Il ajoute que, si les banques européennes se sont engagées dans cette tendance, " les banques françaises ont aussi pris leur pleine part dans ce mouvement, plusieurs d’entre elles s’inscrivant en pointe dans ce domaine ".
Parmi les déclarations de Nicolas Théry, Alain Clot déplore aussi la contestation de la deuxième directive européenne sur les paiements, adoptée en 2013 et appliquée depuis janvier 2018. " Celle-ci constitue une véritable amélioration de l’offre de services bancaires pour les clients. Elle a donné lieu à d’innombrables concertations et groupes de travail - raison pour laquelle tant d’années y ont été consacrées - et a été transposée dans les législations nationales. Elle complète le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD) pour faire du citoyen le centre d’un dispositif à la fois protecteur et générateur d’opportunités ".
Pour contrecarrer les attaques concernant la sécurité des données, il précise que " la réglementation européenne et la DSP2 encadrent strictement l’Open Banking : l’échange de données prend place dans le cadre d’une instruction expresse donnée par le client à un acteur régulé (fintech ou établissement financier) et toutes sortes de dispositions techniques -comme les API- sont mises en place pour la sécuriser. La donnée associée à un client n’appartient ni à la banque ni à la fintech, mais au client lui-même. Il en dispose comme bon lui semble et est en droit de la partager avec un prestataire qualifié pour obtenir des services. "
Sur la préoccupation du président de la FBF concernant la dissémination des données et d’historiques de comptes bancaires des clients, Alain Clot la considère comme " parfaitement légitime ". Il ajoute : " Nous la partageons totalement, et elle est d’ailleurs au coeur des modèles des fintech ". Pour répondre aux inquiétudes, il précise : " les fintech sont contrôlées par les mêmes régulateurs et superviseurs que les banques (ACPR, AMF et CNIL). Deux philosophies de régulation coexistent en Europe et dans le monde : celle dite du " bac à sable " (une réglementation moins contraignante pour les start-up) et celle du " Level Playing Field " (traitement équitable) qui exige la même réglementation pour un même type d’opération. Cette dernière option est le choix de la France et, même si elle nous place à certains égards en situation délicate en termes de concurrence européenne, nous y souscrivons car l’objectif essentiel est de protéger le consommateur. "
S’allier face aux Big Tech
Pour appuyer son propos, le président de France Fintech rappelle que " deux tiers des fintech travaillent en BtoB avec des banques, lesquelles valident de ce fait la fiabilité des solutions offertes ". En effet, selon les chiffres de l'association, 500 accords de coopération entre fintech françaises et établissements bancaires et d’assurance sont déjà de mise en France. " La plupart des groupes bancaires sont allés plus loin encore en faisant l'acquisition de fintech et en les intégrant dans leur dispositif" , détaille-t-il.
Plutôt que d'avancer en opposition, le président de France Fintech invite les différents acteurs à coopérer, notamment pour lutter contre le vrai risque qui, selon lui, repose sur la montée en puissance des Big Tech sur le marché. " Les fintech ne sont pas le problème, mais un élément de la solution, y compris pour les banques qui le démontrent chaque jour en travaillant avec elles. Cette coopération est essentielle pour contrer l’offensive montante dans les services financiers des Big Tech (GAFAM américains et BATX chinois) qui, par une exploitation intensive des données, connaissent souvent mieux leurs utilisateurs que les banques connaissent leur clients. La coopération entre banques traditionnelles et fintech est un levier majeur de souveraineté technologique. Les fintech sont engagées dans cette bataille qui commence."
Et de conclure : La France dispose d’un tissu performant d’acteurs financiers, composé de banques, groupes d’assurance, sociétés de gestion et fintech, qui constitue une opportunité pour notre pays et contribue à maintenir sa souveraineté, à condition de fonctionner en écosystème ".