"C’est une proposition un peu révolutionnaire, je sais, mais si au lieu de dire ‘bonjour Monsieur, bonjour Madame’, on disait juste ‘bonjour’ ? Voire même ‘bonjour, comment allez-vous’ ? " , propose Océan au début de sa présentation. Un moyen de rappeler à quel point le genre fait partie intégrante de notre identité : “il nous est rappelé - au sens du rappel à l’ordre - en permanence. Partout, tout le temps, on doit renseigner notre genre, c’est une obsession".
Homme/femme, une distinction fragile
Face à cette obsession, qu’il attribue à la fragilité de la distinction binaire homme/femme, Océan milite notamment pour la suppression du sexe sur les papiers d’identité : "L'identification de quelqu’un peut tout à fait se faire avec ses noms, prénoms, lieu et date de naissance. Ça n’empêcherait absolument personne de se présenter comme homme ou femme s’il ou elle en a envie."
Afin d’appuyer son propos, il cite une donnée scientifique : "1,7% des bébés naissent intersexes : c’est une variation sexuelle qui peut prendre différentes formes, dont certaines font qu’on ne peut pas différencier un garçon d’une fille à la naissance. " Et d’insister sur le caractère non négligeable de ces naissances intersexes, qui remettent en question les distinctions binaires établies de longue date par la société : "1,7%, c’est autant que la proportion de personnes rousses" , souligne-t-il pour faire susciter une prise de conscience.
"Le masculin, le féminin, ce sont des construits, des apprentissages, et aussi des interdits… Nous serions toutes et tous sans doute non-binaires si la société nous apprenait la fluidité plutôt que cette rigidité et si on nous apprenait le respect de tout autre être humain. " Pour le réalisateur et comédien, c’est une évidence : tout le monde gagnerait à sortir de ces catégories limitantes. "La différenciation des genres est un système de domination des hommes sur les femmes, mais tout le monde y perd. La performance de la masculinité hétérosexuelle hégémonique est un costume très étriqué, qui n’est pas si épanouissant que ça."
Changer son vocabulaire, plus facile qu’il n’y paraît
Déconstruire ces normes sociales passe en particulier par l’adoption d’un nouveau vocabulaire. Des changements qui seraient plus faciles à opérer qu’ils n’en ont l’air. "Du nouveau vocabulaire, on en intègre en permanence" , explique-t-il en faisant référence à tous les nouveaux mots qui sont entrés dans notre vocabulaire avec la crise sanitaire, "d'hydro-alcoolique" à PCR en passant par "quatorzaine" et "naso-pharyngé".
Parmi les nouveaux mots à intégrer :
Cisgenre : "C’est très simple, c’est lorsqu’on est en adéquation avec son genre assigné à la naissance, c’est le contraire de 'transgenre'. "
Transgenre : "Les personnes transgenres ne sont pas en adéquation avec le genre qui leur a été assigné à la naissance et vont donc avoir besoin d’être soit reconnues dans le genre opposé, soit de n’entrer dans aucune de ces deux catégories et de se définir comme non-binaire, agenre, gender-fluid ou encore gender-fucker".
Passing : "le cis-passing, c’est le fait de passer pour cisgenre. Aujourd’hui, j’arrive ici et tout le monde me dit 'bonjour monsieur' , parce que j’ai un passing. Ça prend du temps.”
Racisé(e) : “La question de la race, c’est 'est-ce que je vis du racisme, est-ce que je suis perçu comme autre ?’ C’est pour cela qu’on emploie le terme 'racisé' : racisé, c’est-à-dire que c’est la société qui produit cette race.”
Nommer la norme pour combattre les violences qui lui sont associées
Mais pourquoi cette question du vocabulaire et du choix des mots est-elle si importante ? Pour Océan, refuser de nommer la norme, c’est refuser les violences qui y sont associées : "Si vous dites à une personne non-blanche que vous ne prêtez aucun importance à sa couleur, c’est un peu une façon de lui dire 'je ne vois pas le racisme, donc en fait tu n’as pas de problème' . C’est une violence en réalité."
Changer de vision sur les normes, ce n’est pas seulement repenser les distinctions homme/femme. C’est surtout avancer vers une société plus inclusive, pour toutes et tous. Océan cite l’exemple des personnes en situation de handicap : "si une personne à mobilité réduite veut se déplacer dans Paris, son premier handicap n’est pas qu’elle se déplace en fauteuil. C'est qu'il n'y a que la ligne 14 qui est accessible. " Pour déconstruire ce regard que nous portons sur ces personnes, il appartiendrait donc à la société de rendre leur quotidien aussi fluide et agréable que celles et ceux qui n’ont pas les mêmes contraintes.
Autre exemple avec la surdité : "Beaucoup de personnes sourdes parlent la langue des signes couramment. Si vous, vous n’êtes pas capable de discuter avec une personne sourde, c’est presque votre handicap. Penser que c’est elle qui est en situation de handicap, c’est une question de point de vue."
Et de conclure : "Il va nous falloir beaucoup travailler ensemble : je nous souhaite beaucoup de courage, d’ardeur et de créativité pour y parvenir, Mesdames, Messieurs et les autres."