C'est ce qui s'appelle se trouver entre le marteau et l'enclume. Les startups françaises oscillent aujourd'hui entre une dépendance aux aides et à la commande publiques, notamment au début de leur existence, et celle aux Gafam. Le Baromètre de la performance sociale et économique des startups françaises, réalisé par EY pour France Digitale, montre ainsi que les startups tricolores usent massivement des aides publiques qui leur sont dédiées : 34% des startups sondées bénéficient ou ont bénéficié du statut jeune entreprise innovante (JEI), 48% du crédit d'impôt innovation (CII) et 57% du crédit d'impôt recherche. C'est d'autant plus vrai lorsque la startup ne dégage pas encore beaucoup de chiffre d'affaires - souvent en début d'aventure entrepreneuriale. Plus de la moitié des startups déclarant moins de 5 millions d'euros de chiffre d'affaires ont ainsi eu recours au statut JEI (52%), au CII (69%) et au CIR (73%).
Ces aides sont une bénédiction pour certain·e·s entrepreneur·se·s, notamment celles et ceux qui ne peuvent pas compter sur un réseau de contacts ou de bienfaiteurs pour se lancer. Elles peuvent cependant devenir un cadeau empoisonné face à des investisseurs parfois soucieux que leurs poulains soient adoubés par le marché avant de l'être par l'administration - comme le rappelait encore récemment Maëlle Gavet, la CEO de Techstars, à propos des investisseurs américains.
D'autant que les aides ne sont pas la seule addiction publique des startups françaises : la commande publique constitue un important moteur de leur développement. Pour 8% d'entre elles, elle représente plus de la moitié de leur chiffre d'affaires. Et si pour une large majorité (79%), c'est moins d'un quart, elles sont 55% à souhaiter avoir davantage accès à la commande publique. Ce qui nécessiterait de lever quelques freins, à commencer par les procédures fastidieuses (34%) et des critères de sélection inadaptés aux startups (30%).
Le faut-il vraiment ? L'État, les administrations et les collectivités doivent-ils perfuser les startups à l'argent public ? La question est d'autant plus d'actualité que les entreprises innovantes ont, pour certaines, bénéficié largement des aides d'urgence pendant la période de crise. Avant de trancher, il convient de recenser toutes les forces en présence. Car se passer de la sphère publique comme accélérateur de business - certes artificiel, diront les commentateurs les plus libéraux - risquerait de jeter les startups dans les bras des Gafam. En tout cas, un peu plus qu'elles ne le sont déjà : 73% estiment ainsi être déjà dépendantes aux Gafam. 43% jugent même qu'elles " ne pourraient pas se développer sans eux ".
Connecter les startups aux grands acteurs économiques
Pour sortir de cette double emprise, les startups s'organisent. D'abord en sécurisant leurs infrastructures, pour limiter l'impact stratégique des Gafam. 77% des répondantes disent ainsi stocker leurs données dans des data centers situés exclusivement en France ou au sein de l'Union européenne. Et 44% utilisent pour leur stockage un ou des prestataires dont le siège social est en France ; ce chiffre grimpe à 68% si l'on élargit à l'Europe. Les entreprises sont donc conscientes des leviers à activer pour réduire leur dépendance aux Gafam - mais il n'existe pas toujours d'alternative de qualité pour l'ensemble des outils qu'ils fournissent...
Côté financement, c'est du côté des fonds d'investissement que les startups tricolores cherchent la solution. 84% d'entre elles sont soutenues par des fonds de capital risque (VCs) - un chiffre d'autant plus élevé que la plupart de celles qui ne l'ont pas été n'existent probablement plus pour répondre au baromètre, puisque seule une minorité de startups (27%) dégagent aujourd'hui un bénéfice. Mais ce soutien pose aussi la question de la capacité des acteurs privés français à soutenir leurs champions : si 25% des pépites qui affichent moins de 5 millions d'euros de chiffre d'affaires sont soutenues par au moins un fonds international, c'est le cas de 58% de celles qui réalisent plus de 50 millions d'euros de CA.
Pour éviter que les plus beaux succès tricolores ne soient obligés de se délocaliser pour se financer, aux VCs français de se mobiliser. Mais aussi aux grands groupes, dont les caisses bien pleines ne profitent pour l'instant pas aux startups, comme le montre les 51% de répondants qui ont mentionné la difficulté de signer des contrats avec des corporates parmi les trois freins majeurs à leur développement - le deuxième obstacle derrière la difficulté à recruter. L'écosystème startup a bien grandi, il reste désormais à le connecter à ceux des financiers et des industriels !