L'avenir du travail sera hybride. 79% des dirigeants d'entreprise prévoient de laisser leurs employés partager leur temps entre les bureaux de l'entreprise et le travail à distance, si leur poste le permet, rapporte une étude du géant du coworking WeWork. Côté salariés, la demande se fait de plus en plus pressante. 75% d’entre eux seraient prêts à renoncer à au moins un avantage professionnel pour avoir la liberté de choisir leur environnement de travail. Tandis qu’un employé sur deux préférerait passer trois jours par semaine ou moins au bureau ; et lorsqu'il y va, il voudrait y rester cinq heures par jour ou moins.
" La pandémie a accéléré une tendance que nous avions déjà remarquée chez WeWork : un besoin de plus de flexibilité " , assure Rebecca Nachanakian, directrice générale France et Europe du Sud de WeWork. Patrick Lévy-Waitz, président de la fondation Travailler autrement, abonde : " La crise sanitaire a questionné notre rapport au monde et nous a fait réfléchir sur les transitions à venir, les révolutions déjà en cours. Dans un sens, cela a déclenché une véritable prise de conscience auprès de la population et accéléré la mutation du monde du travail. "
Un monde professionnel qui mute
Flexibilité, télétravail, proximité avec son domicile… Les attentes sont nombreuses, surtout chez les nouvelles générations. " Elles sont à la recherche d’un équilibre vie pro-vie perso plus affirmée que les générations précédentes. Elles veulent pouvoir travailler à distance, proches de chez elles et en même temps réduire leur impact sur l’environnement, en utilisant moins les transports. On a toutes les raisons de croire que les tiers-lieux serviront de lieux de transition " , ajoute Patrick Lévy-Waitz, auteur en 2018 du rapport gouvernemental de la mission Coworking : Territoires, Travail, Numérique.
Mais plus de flexibilité ne signifie pas forcément plus de télétravail. Les salariés optent surtout pour un modèle plus hybride : travailler de chez soi, près de chez soi et du siège de l’entreprise. " Le télétravail a été un recours au début, mais ce n’est pas une solution durable, insiste Rebecca Nachanakian de WeWork. Nous sommes des êtres sociaux et le bureau reste un lieu incontournable pour interagir et collaborer, faire émerger des idées au sein d'une équipe et renforcer la culture d'entreprise. "
Face à l'incertitude de l'avenir, de nombreuses entreprises n’ont pas tardé à augmenter la part d'espaces flexibles dans leur portefeuille. " Les sociétés - notamment les grandes entreprises (de plus de 500 employés) représentent aujourd'hui plus de la moitié de notre base de membres " , confirme Rebecca Nachanakian. " Elles n'ont ainsi plus à prévoir leurs effectifs et leurs besoins immobiliers plus de 10 ans à l'avance. Donner aux employés un plus grand choix d'espaces de travail est également judicieux pour les employeurs - cela leur permet de “dédensifier” les sièges sociaux traditionnels à l'ère de la distanciation sociale tout en garantissant aux employés des espaces de travail adaptés à leurs besoins. " Forte de ce constat, l’agence de publicité Dentsu a, par exemple, investi un bâtiment complet de WeWork, au 67 avenue de Wagram, pour y établir son siège parisien. Quand d’autres entreprises - c’est le cas de Slack - préfèrent fournir à leurs employés des abonnements WeWork All Access pour leur offrir davantage de flexibilité.
Le coworking, un phénomène durable
L’âge d’or du flex-office aurait-il donc (enfin) sonné ? A priori, c’est bien parti pour. " Ce type de structure [les espaces de coworking, ndlr] pourra développer des bureaux de proximité pour le compte d’entreprises qui veulent offrir des espaces dédiés à leurs employés – et d’autres ouverts à tous les travailleurs ", observait en avril le sociologue Bruno Marzloff dans un entretien à Maddyness. Avant de souligner : " Ce n’est pas vraiment nouveau, IBM fait déjà ça depuis 1990. C’est la suite logique du coworking qui insiste sur la notion de proximité qui est nécessaire pour réduire les pénibilités et accroître la productivité. "
Même son de cloche chez Patrick Lévy-Waitz, pour qui le boom des tiers-lieux et espaces de coworking ne devrait pas être éphémère. " Sur cinq ans, les tiers-lieux ont été multipliés par plus de trois. On en compte aujourd’hui près de 3500 répartis sur tout le territoire français. On le voit bien : le mouvement se structure, les réseaux s’affermissent. Ce n’est pas si étonnant que cela, car ce phénomène embarque les questions de la mutation du monde du travail et de la transition écologique. "
Un bureau à réinventer
Et si le modèle hybride séduit autant, c’est aussi parce qu’il possède un certain nombre d’avantages : productivité accrue (avec des salariés flexibles qui peuvent mieux utiliser leur temps), réduction des coûts pour l’entreprise (grâce à une répartition plus modulable des frais), bien-être des employés... Il peut, toutefois, présenter des challenges, notamment pour les employés travaillant à domicile, avec un risque d’épuisement professionnel (avec des horaires plus longs, des pauses plus courtes), une plus grande dépendance à la technologie (afin de garantir l’efficacité des salariés même à distance, et la sécurité des données de l’entreprise), et surtout la capacité à développer un esprit d’équipe à distance, gage d’une bonne culture d’entreprise.
Pour Rebecca Nachanakian, le bureau doit donc être redéfini, " avec une vocation claire : être flexible, collaboratif, confortable, inspirant et se prêter à un équilibre plus intégré entre vie professionnelle et vie privée " . " Il ne s’agira plus seulement d'un lieu où l'on se rend de 9h à 17h, mais d'une ressource essentielle qui permet aux relations humaines, à l'innovation et à la culture d'entreprise de se développer " , prévient la cadre de WeWork. Chez le géant du coworking en tout cas, des offres encore plus flexibles ont récemment été lancées. Par exemple : WeWork On-Demand, qui donne la possibilité de réserver des espaces de travail et des salles de réunion via une application. Actuellement en phase de test aux États-Unis, elle sera bientôt disponible en France.
Le besoin de pédagogie
Malgré de nouveaux modèles alléchants, de nombreuses entreprises sont encore frileuses quand il s’agit d’envoyer leurs collaborateurs " dans des lieux qu’elles ne maîtrisent pas " , note Patrick Lévy-Waitz. " Il va falloir lever ces freins et faire un grand travail de pédagogie auprès des organisations. Mais, au fond, elles n’auront pas vraiment le choix. Elles font face à une crise de compétences et ont de plus en plus de mal à recruter. Pour avoir les meilleurs, les entreprises devront donc accepter les conditions des recrues, et leur permettre de travailler de là où elles veulent et quand elles veulent. " Et le président de France Tiers Lieux de conclure : " Le pouvoir est en train de changer de camp. Avant, c’était l’entreprise qui imposait ses conditions aux salariés. Désormais, c’est l’inverse qui se produit. Et demain, conserver des talents supposera de s’adapter à leur mode de travail. "
Maddyness, partenaire média de WeWork