Cet article est republié à partir de The Conversation France
N26, Revolut, Monzo, MonaBanq, B for Bank, Compte-Nickel (devenu Nickel)… les fintech jouent un rôle de plus en plus important au sein du paysage bancaire français. Ces startups de la finance disposent en effet d’un certain nombre d’atouts (culture d’internet, recentrage sur l’utilisateur, dynamisme commercial, absence de frais d’ouverture et de conditions de revenus, etc.). Mais cet essor menace-t-il les banques traditionnelles ?
Dans un article de recherche récent, nous montrons que, plus qu’un risque, ces nouveaux acteurs représentent une opportunité pour faire évoluer les enseignes historiques à l’ère du digital.
Les banques restent incontournables
En France, la part du financement des sociétés non financières réalisé par le crédit bancaire s’élevait à 63 % en 2019. L’avènement des fintech ne remet donc pas en cause le rôle des banques en tant que principal intermédiaire financier en France. Cependant, notre analyse montre qu’entre 2010 et 2017, les enseignes ont réalisé un effort de simplification de leur organisation, ce qui traduit une évolution de leur modèle économique en parallèle de l’essor des fintech. Sur la période étudiée, toutes les banques de notre analyse ont en effet réduit le nombre de leurs segments opérationnels. Actuellement, les banques disposent de plusieurs options dans la course à la digitalisation pour maintenir à terme le lien avec leurs clients : investir directement dans les nouvelles technologies et l’innovation, ou encore acheter des fintech.
En ce qui concerne la première option, les banques universelles françaises ont renforcé leur croissance organique en réalisant des investissements significatifs depuis plusieurs années. Par exemple, le Crédit mutuel s’est rapproché d’IBM en 2018 pour le déploiement de solutions d’intelligence artificielle. Plus largement, les banques européennes ont consacré 30 % de leur budget informatique aux nouvelles technologies, et 40 % pour les banques américaines. Dans les deux cas, on prévoit une augmentation de ce type d’investissements dans les années à venir.
Complémentarités
Les banques ont donc déjà fait un pas important en matière d’innovation. Toutefois, elles ne peuvent pas s’appuyer sur leurs seuls investissements pour évoluer dans l’environnement actuel. C’est pourquoi certaines ont opté pour la croissance externe à travers des rachats de fintech. Par exemple, le Crédit Mutuel – Arkéa a investi dans des start-up spécialisées à la fois dans les activités de financement, de banque d’investissement et dans les moyens de paiement (avec notamment les rachats de Leetchi en 2015 et de Budget Insight en 2019).
De même, BNP Paribas a acquis en 2017 la néobanque Compte-Nickel avec comme objectifs le renforcement de l’offre digitale et l’élargissement du réseau de distribution vers les buralistes pour conquérir de nouveaux clients. Cette tendance devrait d’ailleurs se poursuivre. En effet, l’étude de PwC FinTech 2.0, stipule que 82 % des établissements financiers traditionnels prévoient de renforcer leurs partenariats avec les fintech d’ici 2022.
Une complémentarité est donc en train de se mettre en place dans le paysage entre deux types d’acteurs aux atouts différents. D’un côté, la banque universelle française détient une quantité phénoménale de données, qui sont indispensables à la transformation numérique de l’activité bancaire. De l’autre, les fintech ont acquis un réel savoir-faire en termes d’innovation, d’agilité, de réduction des coûts et d’expérience client, en particulier sur le segment des services de paiement (74 entités identifiées en décembre 2019 en France).
Grâce à cette stratégie de rapprochement, les banques traditionnelles pourraient ainsi devenir de véritables banques inventives " prêtes à endosser des rôles spécialisés au sein de ce nouvel écosystème ouvert, avec un appui collaboratif de partenaires fintech qualifiés ", comme le soulignait le cabinet de CapGemini dans son WordlFinTech Report en 2020.
Joëlle Randriamiarana, Enseignante-Chercheure en finance et comptabilité, Université de Rouen Normandie; Pascal Barneto, Professeur des Universités, Université de Bordeaux et Stéphane Ouvrard, Professeur associé en Finance/Comptabilité, Kedge Business School