Reconstruire les tissus sans provoquer de trauma. C’est le but de la startup parisienne Tissium, qui développe un matériau à même de favoriser la cicatrisation chez les patients. L’entreprise annonce ce mardi 30 août avoir levé 50 millions d’euros auprès de Cathay Health et Sofinnova Partners. Cette série C porte le total des fonds levés par la startup à 120 millions d’euros.
De quoi avoir les coudées franches pour mener ses produits jusqu’à la commercialisation, huit ans après sa fondation. "Notre technologie a émergé au sein du MIT [Massachusetts Institute of Technology, NDLR]. Lors des procédures, avec des techniques comme la suture, les agrafes ou les systèmes d'ancrage, les chirurgiens endommagent, malgré eux, les tissus qu’ils sont censés réparer. Changer de matériau et de technologie s’impose pour résoudre ce problème" , avance auprès de Maddyness Christophe Bancel, directeur général de Tissium, qui assure que la société a dépensé "moins de la moitié" de la somme totale levée. Ce qui lui permet de plancher sur de multiples aires thérapeutiques.
Fabriquer les polymères en propre
Membre du French Tech 120, Tissium a imaginé un polymère biocompatible et applicable à la peau. "Il passe d’un état liquide et visqueux à un autre, solide et flexible, expose ainsi Christophe Bancel. Cela lui confère des propriétés similaires à celles d'un adhésif." Faciliter son adoption sera, la startup le sait, un défi. C’est la raison pour laquelle elle a pensé des procédures pour simplifier son utilisation par les professionnels de santé. "Les accessoires diffèrent selon l’opération à mener. On n’a pas besoin de la même quantité de polymère pour chacune d’entre elles, et on ne dépose pas le produit de la même manière selon le type d'intervention" , relève le directeur général. La MedTech a imaginé des kits dans lesquels se trouvent le polymère et l’accessoire qui permet d’optimiser son application sur les patients. Avec trois indications : la réparation des nerfs périphériques, la réparation ventrale – pour les hernies, par exemple – et celle de l’appareil cardiovasculaire – les artères, notamment.
Avec sa dernière levée de fonds de 39 millions d’euros, annoncée en novembre 2019, la startup s'est notamment dotée d'une usine. Basée près de Lille, cette dernière lui permettra dans les prochains mois de " concevoir des polymères précis ". "Nous vendrons en direct pour les aires thérapeutiques de spécialité, à forte valeur ajoutée, détaille Christophe Bancel. Pour les cas d’usage plus larges, nous chercherons à nous associer à des acteurs traditionnels." Tissium sollicitera des laboratoires de dispositifs médicaux pour couvrir des segments de marché " où il est plus compliqué d’obtenir la taille critique ".
La série C doit lui permettre de lancer la commercialisation pour concrétiser ce modèle économique "hybride". Celle-ci est espérée dès 2023 aux États-Unis, le plus grand marché mondial. L’Union européenne doit suivre dans les prochaines années. Reste, pour l’heure, en suspens la question des autorisations réglementaires, que la MedTech devra obligatoirement se voir octroyer – l’agrément de la Food and Drug Administration (FDA) américaine et le marquage CE européen.
Une importante marche reste à gravir
Alors que la santé est un secteur où le développement produit se fait sur un temps long, la startup a réclamé sans attendre le marquage CE dès la première version de son produit. Elle avait alors obtenu le précieux sésame. Mais le produit ayant depuis été amélioré, une nouvelle demande sera nécessaire pour le commercialiser. Les enjeux sont colossaux. "Le marché est estimé à 4,5 milliards de dollars pour nos trois aires thérapeutiques actuelles, indique le PDG, qui affirme avoir déjà lancé le chantier sur trois nouvelles verticales. D’ici à 2026, nous voulons couvrir six domaines distincts." Le dirigeant affirme que "l’industrie intégrera les différents possibles de la plateforme dès les premiers succès réglementaires ou commerciaux".
Pour mettre toutes les chances de son côté, Tissium recrute. "De 39 salariés en 2019, nous sommes passés à 75, souligne Christophe Bancel. 13 nationalités sont représentées, et cela se poursuivra avec 14 recrutements prévus à date." Pour partir du bon pied sur le plan commercial, l’entreprise dispose d’une équipe à Boston, aux États-Unis. La capitale du Massachusetts s’est imposée, au fil des ans, comme celle de la BioTech. Les Big Pharma y ont tous élu domicile. "Notre équipe développement y a ses quartiers. Cinq personnes sont en contact avec eux" , se réjouit Christophe Bancel, qui appuie néanmoins sur le fait que " la R&D, la fabrication, tout comme les aspects administratifs restent en France " .
Le PDG, qui indique les polymères de Tissium seront distribués "sous la forme de seringues préremplies" , avance aussi qu’une "envergure internationale" est nécessaire afin d’espérer atteindre la rentabilité suite à des investissements aussi lourds. Il rappelle d’ailleurs que la série C menée par sa société est " l’une des plus importantes jamais réalisées dans le secteur de la Medtech en France ". Reste à savoir si elle créera un nouvel élan, alors que les MedTech tricolores avancent avoir tout intérêt à s’expatrier outre-Atlantique… quitte à se faire racheter, quelques temps plus tard, par un mastodonte étranger.