Article publié le 7 mai 2021 mis à jour le 16 juillet 2021
Le sujet de la santé mentale n’a jamais été autant abordé que depuis le début de la crise sanitaire. Longtemps tabou, il est devenu un sujet de société, à la faveur de la généralisation du télétravail depuis 1 an, bouleversant de fait le quotidien des salariés. À chaque problème sa solution ? C'est en tout cas ce qu'imaginent les nombreuses startups créées ou qui ont changé de modèle pour répondre au besoin accru des entreprises de répondre aux attentes de leurs collaborateurs et collaboratrices.
Certaines jeunes pousses avaient identifié et attaqué ce problème avant la pandémie de Covid-19. C’est notamment le cas de MonMartin, créé en 2017, qui propose un accompagnement de la prévention santé pour les entreprises et leurs collaborateurs. En 2020, la startup affirme avoir suivi 130 000 salariés. Moka.care a aussi, dès janvier 2020, développé une solution en collaboration avec des psychologues, coachs et thérapeutes pour proposer un accompagnement confidentiel des employés de ses entreprises clientes.
Upfeel.io, MindDay, Teale
Mais le marché a attiré beaucoup d’autres entrepreneurs pendant la crise. C’est ainsi qu’est par exemple née en 2021 upfeel.io, une plateforme créée pour contribuer au bien-être des salariés en les mettant en relation avec des professionnels de la santé mentale. De son côté, MindDay, qui a aussi vu le jour en 2021, affiche déjà sa volonté de proposer un accompagnement personnalisé ainsi que l’accès à des ressources, outils et contenus pour prendre soin de son moral au quotidien.
Officiellement lancé en janvier 2021, et incubé à Station F, Teale, un autre nouveau sur ce marché, a annoncé en mai dernier une levée de fonds de 2 millions d’euros. "La santé mentale est encore un sujet très tabou en société, et à plus forte raison encore en entreprise, estime Julia Néel Biz, cofondatrice de la startup. Ayant moi-même vécu un deuil important, je sais qu’il faut avoir beaucoup de chance pour trouver le bon spécialiste au bon moment" . En créant Teale, l’entrepreneuse et ses trois associés voulaient développer une "solution préventive concrète, simple et technologique".
Un salarié sur deux en proie à une détresse psychologique
Pour cette levée en amorçage, la startup a réussi à réunir des investisseurs bien installés dans l'écosystème tech français, à l'image des fonds ISAI, KIMA et du family office Evolem, mais aussi des fondateurs de pépites tech comme ceux d’efounders, Teads, Kapten, Meero, KelDoc ou Tiller. "Nous voulions nous entourer de gens capables de nous conseiller sur des sujets clés, comme la structuration d’une entreprise avec des ambitions de leader européen ou les choix de recrutements par exemple" , précise Julia Néel Biz. Comme souvent, cette levée doit permettre à Teale d’investir sur la technologie et de réaliser des recrutements clés.
Si les acteurs sont nombreux, le marché semble assez large pour les accueillir. En effet, en 2020, un salarié sur deux se déclarait en proie à une détresse psychologique, selon le cabinet Empreinte Humaine. "Le sujet de la santé mentale était important avant la crise, et il existait déjà une urgence sur ce marché, qui a été amplifiée pas la crise sanitaire, dont l’un des enjeux clés est la gestion de la dépression, poursuit Nicolas Merlaud, cofondateur de Teale. Le point positif de ce contexte est qu’il a permis de lever le voile sur ce problème de santé publique et a permis de libérer la parole".
Les États-Unis en avance
Et pour les créateurs de Teale, pas de doute, les solutions peuvent aussi résider dans l’innovation et la tech. "Il suffit de regarder les Etats-Unis pour voir qu’on peut aller beaucoup plus fort et plus vite… Là-bas, il y a déjà plusieurs licornes positionnées sur ce secteur" , précise Nicole Merlaud. Entourée de 20 psychologues et d'un conseil scientifique, la jeune pousse française, qui développe une application digitale proposant des outils quotidiens pour prendre soin de sa santé mentale et redirigeant vers des thérapeutes si besoin, espère bien suivre un jour les traces de ses consoeurs américaines. "L’équipe de Teale nous a très vite tapé dans l’œil, précise Jean de la Rochebrochard, managing partner chez Kima, dans le communiqué. La sensibilité et la compréhension que l’équipe a du sujet ainsi que sa culture produit ont fait la différence" .
"Selon un sondage que nous avons commandé à Opinion Way, 76% des collaborateurs considèrent que la santé mentale est l’affaire des entreprises, alors que seulement un tiers d’entre elles ont pris des dispositions pour agir" , explique Didier Meillerand, directeur général du Psychodon, une association de sensibilisation au sujet de la santé mentale.
"Un effet d’aubaine"
Ce dernier, qui définit la crise actuelle comme tripartite - sanitaire, économique et psychique — demeure réservé quant au foisonnement de startups qui tentent d'apporter des solutions technologiques à des problèmes mentaux et moraux. "Il y a un effet d’aubaine avec la crise et il faut faire attention à bien regarder vers qui vont les fonds et à quoi ils servent, explique-t-il. Il faut être enchanté que la santé mentale devienne un sujet de société, mais vigilant en même temps sur le fait que ces startups développent des solutions réelles et vérifiées" . Didier Meillerand invite donc à vérifier la caution scientifique et déontologique de ces jeunes pousses et appelle les entreprises en interne à réfléchir sur la question du bien-être de leurs collaborateurs, en imaginant des dispositifs internes comme la mise en place de lignes d’écoute téléphonique, de managers référents en santé mentale et de temps de parole dédiés plusieurs fois dans l’année. "Les sociétés ne doivent pas penser qu’elles peuvent faire appel à tel ou tel magicien pour régler le problème de la santé mentale de leurs collaborateurs, mais les impliquer directement, en faire un sujet de RSE sérieux" .
Une vision partagée par Marion Fouquet, DRH de la startup Cenareo. "Nous avons utilisé une solution appelée 'SuperMood' , quand nous étions tous en 100% remote. C’est bien, mais il faut pouvoir apporter des réponses derrière, donc nous n’avons pas investi à long terme dans l’outil. On ne peut pas limiter nos efforts à cela, il faut y réfléchir en interne et définir une stratégie complète pour agir en profondeur" .
Cet article fait partie d’un dossier consacré à la santé mentale. Détresse psychologique, chief happiness officer et solutions innovantes : Maddyness dresse l’état des lieux d’un sujet qui a longtemps été tabou au sein des entreprises, mais qui a resurgi avec la pandémie, les confinements et le télétravail obligatoire.
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