Si la pandémie n'a pas déstabilisé économiquement le géant français des jeux vidéos, Ubisoft, les accusations de harcèlement sexuel au sein de l'entreprise ont coûté leur poste à trois cadres l'an dernier: Serge Hascoët, le numéro 2 du groupe ; Yannis Mallat, le responsable de l'unité canadienne et Cécile Cornet, la DRH du groupe. Leur départ n'aura pas suffit à protéger l'entreprise et une dizaine de salariés d'une plainte pour "harcèlement institutionnel" . Parmi les personnes visées par la plainte, on retrouve de nouveau Serge Hascoët et Cécile Cornet mais aussi Yves Guillemot, le PDG et Tommy François, vice-président chargé de l'éditorial et plusieurs personnes travaillant toujours aux ressources humaines de l'éditeur. Concernant Yves Guillemot qui n'est pas visé directement par des témoignages, "on estime qu'en tant que dirigeant, il était forcément informé. Il se doit de répondre de la politique RH de la société" , a affirmé l'avocate.
Déposée au tribunal judiciaire de Bobigny par deux anciennes salariées victimes de harcèlement lors de leur passage au siège d'Ubisoft à Montreuil, et par le syndicat Solidaires Informatique, cette plainte pourrait de nouveau délier les langues.
La résistance au harcèlement testé durant les recrutements
"Ce qui est symptomatique dans ce dossier, c'est que des faits réitérés de violence sexuelle ont été remontés régulièrement aux ressources humaines qui ne réagissaient pas" , a déclaré l'avocate des plaignants Maude Beckers, contactée par l'AFP. Selon elle, "il semblerait que les ressources humaines aient intégré le risque de harcèlement sexuel à la politique de l'entreprise" , et notamment aux procédures de recrutement en interrogeant les candidates sur leur résistance à ce type de comportement.
Contacté par l'AFP, Ubisoft n'était pas en mesure de réagir dans l'immédiat. Suite au scandale, son PDG avait promis l'an dernier un "changement structurel" de l'entreprise.
Un quart des salariés témoins ou victimes
Selon Marc Rutschlé, représentant de la section syndicale Solidaires Informatique chez Ubisoft Paris, l'affaire a initié 120 enquêtes internes et conduit au départ de 25 personnes, un nombre jugé limité alors qu'environ un quart des employés du groupe ont été victimes ou témoins de "mauvaise conduite au travail" , d'après une étude réalisée par le groupe. Environ 14 000 salariés, sur les 19 000 collaborateurs employés au total, avaient répondu à ce sondage. "On est face à des personnes qui se sentent en totale impunité. Même si Ubisoft a reconnu les faits, on voit qu'il n'y a pas eu de changement depuis" , a dit à l'AFP une des plaignantes, aujourd'hui freelance.
Le scandale qui touche aujourd'hui Ubisoft a mis les projecteurs sur le secteur tout entier. En avril dernier, Libération et le site Gamekult avaient publié une série d'articles dénonçant une culture du surtravail et du harcèlement sexuel dans les écoles de jeux vidéo.