Le salon Vivatech à Paris est un rendez-vous privilégié d'Emmanuel Macron. Le Président de la République se sait à son aise, dans son élément, au milieu des entrepreneurs et entrepreneuses de la tech, accompagnés depuis 2014 lors de son passage à Bercy. En 2017, porte de Versailles, il avait annoncé lors de VivaTech un fonds de 10 milliards d'euros pour les startups. En 2018, il délivrait un véritable plaidoyer pour la tech et en 2019 il avait endossé l'habit de VRP de l'Europe sans laquelle, selon lui, les pépites françaises ne pourraient devenir des grandes entreprises attractives et créatrices de richesse.
En 2021, pour le retour d'un format hybride de VivaTech, annulé en 2020 pour cause de pandémie, Emmanuel Macron s'est exprimé lors d'une table ronde avec des dirigeants de startups qui ont réussi comme Aledia (microLEDs 3D), Believe, Neuroelectrics (thérapies du cerveau) ou Klarna (paiement différé). À un an de l'élection présidentielle, ce passage obligé avait aussi valeur de message politique face à une large partie de l'audience acquise à sa cause.
Interrogé en marge de cette prise de parole par Maddyness, Emmanuel Macron en a profité pour distribuer les bons points à certains acteurs de la tech, à l'instar de Doctolib ou BlaBlaCar, et balayer l'idée d'un écosystème qui serait réservé à un cercle d'initiés.
Il y a 4 ans au même endroit, quelques semaines après votre élection, vous parliez de faire de la France une startup nation. Quelle expression symboliserait aujourd'hui le bilan de votre action pour les entrepreneurs et entrepreneuses de la tech en France ?
On est en train collectivement de le faire. Il n'y a pas de doute là-dessus. Il y a une dynamique, une envie, des talents. La dynamique se mesure dans les chiffres. Les levées de fonds sur l'année 2020 sont de 5,4 milliards d'euros : on a plus que doublé. On est les premiers d'Europe occidentale, on est passé pour la première fois devant nos amis allemands. En 2021, on va aller encore plus loin, et on va rester les premiers. Les levées en Growth ont plus que triplé. La dynamique est très forte. La dynamique de création d'emplois aussi. Avec le Next 40 et le FT 120, on a créé entre 150 000 et 200 000 emplois directs et indirects. On a un écosystème qui est en train de totalement décoller et qui fait de nous le premier pays de la tech d'Europe occidentale. On est une vraie startup nation.
Les startups d'Île-de-France captent la grande majorité des financements et comptabilisent la majorité des emplois créés. Que comptez-vous réellement faire pour favoriser l'installation et le déploiement de solutions en région ?
D'abord, ça crée l'emploi partout dans le pays. Ce qui est vrai, c'est que quand je regarde les sujets de financement, les plus grosses structures lèvent aux deux tiers à Paris. Ça ne nous empêche pas d'avoir des champions en province et de se développer massivement : Ÿnsect et InnovaFeed sont dans une région qui m'est chère, les Hauts-de-France ; OVH est à Roubaix ; on a de superbes boîtes à Montpellier ou à Grenoble. Doctolib a développé une énorme plateforme à Nantes. Plus on aura une dynamique, plus on créera de l'emploi partout. La French Tech a depuis un an l'objectif de vraiment se développer partout dans les métropoles. Créés il y a quatre ans, les labels French Tech sont en train de se développer.
Il y a deux piliers selon moi : que le pays continue à grandir ; grandir car on crée de l'emploi. Et qu'on continue d'innerver tout le territoire avec la French Tech.
Vous vouliez construire une startup nation, vous avez eu les gilets jaunes : est-ce que la startup nation peut profiter à tout le pays ?
C'est important de casser les représentations sur ce sujet. Je pense que l'une des grandes forces de l'écosystème tech en France, c'est qu'il y a une coopération avec les pouvoirs publics et une forme de confiance. On y arrivera si tout le monde est inclus dans le mouvement et profite de cette croissance. Un, par une logique de formation et d'éducation. La clé, c'est qu'il n'y ait pas de fracture numérique. On continue à équiper le territoire, c'est le fameux New Deal afin de déployer partout la 4G internet mobile, la fibre et le plus vite possible la 5G, avec les opérateurs mobilisés. Il ne faut pas de fracture technologique.
Deux, c'est l'emploi. On en a créé plus de 150 000 depuis quatre ans. Ça profite à tous les territoires et tous les secteurs. Ce mouvement crée un formidable levier de transformation des entreprises existantes. Il ne faut pas y voir de rupture.
Enfin, il faut aussi que tous les salariés puissent en bénéficier. Je crois beaucoup à la réforme des BSPCE qui permet aux entrepreneurs de partager plus largement la valeur par une politique de participation qui permet à chacun d'avoir un salaire qui augmente en fonction de la valeur créée. Je crois aussi à la raison d'être de l'entreprise c'est-à-dire de changer les statuts, de mettre de la responsabilité sociale et environnementale dans l'entreprise. Formation, emploi, revenu : le mouvement de la tech, de la French Tech, est bon pour le pays. Notre rôle, c'est de le rendre de plus en plus inclusif.
À côté de ça, ce mouvement crée des usages et il est porteur de sens. Quand on parle de tech en France, nos concitoyens doivent comprendre qu'on parle aussi d'entreprises qui nous permettent de vacciner plus vite : c'est Doctolib qui a permis de l'organiser et désormais qui le fait dans certains Länder en Allemagne. Je sais pour nos jeunes combien les sujets de biodiversité, de souveraineté alimentaire, de lutte contre le CO2 sont importants. C'est Ÿnsect et Innovafeed qui nous permettent d'accélérer notre stratégie protéines et émissions. On a énormément de solutions concrètes apportées par la tech et qui répondent aux défis vécus par le pays.
Comment pensez-vous que peut se développer une tech plus durable, sans générer des pollutions minières ou des déchets technologiques qu'on laisse aux autres pays ?
Tech For Good s'imbrique dans cette démarche. Tout le sujet est de créer de l'emploi et de la valeur que l'on puisse partager avec le maximum de citoyens en réduisant les émissions de CO2. La clé est de changer nos pratiques et de faire de l'innovation pour changer les méthodes de production. C'est par exemple ce que nous permet de faire BlaBlaCar qui a très bien montré que le covoiturage n'est pas réservé à quelques-uns dans les villes mais que ça vaut pour tout le territoire. Nos startups DeepTech et innovations d'usages nous permettent de réussir la bataille de la réduction des émissions, qu'il s'agisse de la mobilité ou de la production d'énergie. Oui, l'innovation et le secteur de la tech sont absolument clés pour que nos concitoyens consomment moins au quotidien.