Malt l'avait annoncé, Malt l'a fait : la plateforme qui met en relation entreprises et travailleurs indépendants dévoile ce mardi une levée de fonds de 80 millions d'euros. Elle est entrée en négociations exclusives avec Goldman Sachs Growth Equity et Eurazeo pour mener une nouvelle opération dont le closing est prévu à la fin du mois. Les anciens actionnaires restent au capital, Isai et Serena remettant au pot à l'occasion de ce nouveau tour. Et alors que les anciens et actuels salariés bénéficiant de BSPCE avaient l'occasion de les liquider, la plupart ont fait le pari de ne pas les vendre, preuve de confiance dans les perspectives de croissance de l'entreprise.
Après son précédent tour de table de 25 millions d'euros, conclu en 2019, et l'arrivée en tant que directeur général d'Alexandre Fretti l'année dernière, l'entreprise avait affiché de grandes ambitions, à commencer par "une croissance raisonnée" qui devait lui permettre de s'étendre en Europe. Et Malt a su raison garder, à l'heure où les compteurs des levées de fonds tournent plus vite que ceux des chiffres d'affaires. "On s'est battu pour ne pas lever plus que nécessaire, raconte le DG de Malt. Nous évoluons dans un environnement où le chiffre compte, surtout en ce moment. Mais je viens de la culture du private equity plutôt que de la scaleup. Nous allons atteindre la rentabilité en 2021 et, même si les investisseurs avaient envie de mettre davantage d'argent, nous ne voulions pas nous diluer plus que de raison."
Privilégier la croissance externe pour une expansion rapide
La plateforme pour freelances a finalement arrêté son choix sur un ticket rassemblant Goldman Sachs Growth Equity et Eurazeo. Un choix qui ne doit rien au hasard puisque les deux investisseurs avaient déjà travaillé de concert dans le dossier de la méga-levée de BackMarket, il y a quelques mois. Cette première expérience commune leur a permis de se concerter particulièrement vite pour convaincre Malt et avancer ensemble. "La levée s'est conclue très rapidement, en quatre semaines à peine, parce que nous avons un bon attelage, atteste Alexandre Fretti. Les deux fonds soutiennent déjà plusieurs scaleups, comme Talentsoft ou Voodoo et ont l'expérience d'entreprises qui opèrent à la fois en France et en Allemagne, comme Payfit ou Doctolib."
Un passif qui devrait se révéler précieux pour Malt, qui reste à l'affût d'opérations de croissance externe afin de se développer dans le reste de l'Europe. Ainsi, si l'entreprise privilégie une croissance organique pour son expansion en Italie, en Belgique ou en Autriche, elle est déjà à la recherche de concurrents à racheter dans les pays où le marché est le plus mature, afin de s'implanter en Scandinavie et au Royaume-Uni. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, "avec la crise, certaines boîtes ont besoin d’un second souffle, parce qu'elles ont cramé beaucoup d’argent" , observe Alexandre Fretti. "Nous pouvons avoir une convergence d’intérêts."
Valoriser les freelances
La crise n'a pas seulement eu pour effet de révéler de bonnes opportunités financières. Elle a aussi contribué à dessiner des lignes claires entre les acteurs qui favorisent le travail indépendant et ceux qui en profitent. "Il y a souvent un amalgame qui est fait entre le freelancing et le travail indépendant - qui regroupe notamment les livreurs, soupire le directeur général de Malt. Mais la crise a montré que le maillon fort des marketplaces, ce sont les talents indépendants, pas le client B2B. Cela a prouvé aux pouvoirs publics que le freelancing est un choix, pas un synonyme de précarité." Et si sur les plateformes de mise en relation, tout ou presque est affaire d'algorithmes, il suffit parfois d'un peu de bricolage pour leur indiquer la (bonne) marche à suivre. Ainsi, Alexandre Fretti précise que Malt est "vigilant à ce que ce soient les freelances qui affichent les meilleurs tarifs journaliers moyens qui travaillent le plus" et non pas ceux qui, au contraire, pratiquent des tarifs plus bas que la norme pour casser le marché.
Les difficultés qu'ont connues les freelances au cours de cette dernière année ont mis en exergue l'importance des services annexes proposées par les plateformes. "Le freelance crée sa boîte parce qu'il a envie d'exécuter les tâches dans lesquelles il excelle, d'être son propre directeur des opérations. Mais ce n'est souvent pas un chef d'entreprise à proprement parler. Malt devient alors sa direction marketing, commerciale et un peu financière aussi, égrène Alexandre Fretti. La couche servicielle est de plus en plus importante parce que c'est ce que les freelances cherchent aujourd'hui, juste après un levier pour trouver des missions. Et c'est ce qui les fera rester sur la plateforme."
Chouchouter les freelances a donc pris une importance capitale... au point que Malt est aujourd'hui prête à donner l'opportunité à 150 freelances de devenir actionnaires de l'entreprise. Cela a fait l'objet de négociations avec les nouveaux investisseurs, qui ont accepté de dédier une enveloppe d'un million d'euros à ce projet. Les critères pour choisir ces freelances dans les trois pays dans lesquels opère aujourd'hui l'entreprise - France, Allemagne et Espagne - doivent encore être affinés mais les premiers deviendront actionnaires avant la fin de l'année. "C'est un acte symbolique mais nous espérons aussi que cela deviendra un axe différenciant par rapport à nos concurrents" , résume le directeur général.