Article initialement publié le 18 mai 2021
TL ; DR :
- Tous les financements ne sont pas dilutifs. Avant d’envisager une levée de fonds, veillez à considérer vos autres options telles que le prêt bancaire ou la subvention. Notez que ces options peuvent se combiner : il est plus facile d’obtenir de la dette après avoir obtenu de l'equity.
- Établir un executive summary et un business plan est une étape à laquelle vous ne pouvez pas couper. Ce sont les premiers documents qui permettront d’approcher des investisseurs privés qui, s’ils sont convaincus, demanderont un pitch deck.
- Ce dernier, toujours plus codifié, doit contenir un certain nombre d’informations au sujet de votre entreprise. Les KPIs doivent être détaillés, tout comme un cas client. L’enjeu principal est de rendre ce document simple et clair pour mieux le défendre.
- Un certain nombre de documents préexistants devront être mis à jour, dès lors que vous recevrez le feu vert d’investisseurs. Il s’agit d’assurer vos arrières, en actant la prise de participation et déterminant quelles seront les prérogatives de chacun. L’idée est de regrouper toutes les informations chiffrées dans un fichier pivot : le data pack.
Lever des fonds est un travail de longue haleine. Au-delà d’un réseau d’investisseurs à se constituer puis à mobiliser le temps venu, il s’agit de mettre sur pied un pitch deck à même de les convaincre de vous accorder leur confiance. Une étape cruciale pour soutenir le développement de l’entreprise, que vous cherchiez à lancer un nouveau produit ou à vous lancer à la conquête de l’international. Les pitch decks seraient, selon Romain Dehaussy, associé chez Cambon Partners, de plus en plus "codifiés et standardisés, même si les variantes sont nombreuses". Pour élaborer un document pertinent, il convient donc d’appréhender les bonnes pratiques. D’autant plus que cela déterminera l’issue de ce futur partenariat, qui sera sujet à négociations entre les deux parties. Maddyness décline des conseils pour vous permettre de vous y préparer.
Choisissez bien votre mode de financement
C’est sans nul doute l’un des points-clés à avoir en tête quand l'on devient entrepreneur. Contrairement à ce que l’on peut penser, tous les financements ne sont pas dilutifs. Par exemple, les prêts et avances remboursables peuvent être intéressants afin de démarrer une activité. Ces derniers sont disponibles auprès des organismes bancaires, mais aussi auprès de structures telles que le réseau Entreprendre ou Initiative France. Enfin, les subventions à l’image de la bourse FrenchTech, peuvent être généralement demandées auprès des organismes agréés ainsi que de Bpifrance. C’est notamment le cas du Crédit d’Impôt Recherche (CIR), destiné aux entreprises qui travaillent sur des projets de Recherche et Développement. Bien sûr, lever des fonds auprès d’investisseurs privés avec une prise de participation au capital reste une option très largement utilisée par les entrepreneuses et entrepreneurs. Et c’est là qu’un pitch deck devient primordial.
Établissez les documents préalables à l’opération
Pour lever des fonds, la première étape visant à séduire les organismes de financement (réseau de business angels ou fonds d’investissement) consiste à faire parvenir une copie de l’executive summary et du business plan aux intéressé·e·s. Il est impératif d’élaborer ces documents, qui recensent respectivement le projet et les perspectives commerciales qui lui sont associées. Les fournir à vos interlocutrices et interlocuteurs, avant même votre pitch deck, augmente vos chances de les convaincre. Cela est particulièrement utile pour vous démarquer, alors que jusqu’à 10 000 entreprises chercheraient à lever des fonds en France chaque année. Qui plus est, le fait d’avoir préalablement constitué ces éléments simplifie le travail pour votre pitch deck : une grande partie des informations déjà évoquées dans l’executive summary et le business plan seront, en effet, enrobées dans ce cadre. Les investisseurs privilégient la simplicité, c’est pourquoi ce décorticage est important à prendre en compte au moment de se lancer.
Optez pour la clarté et ne surchargez pas votre pitch deck
Le pitch deck idéal ne dépasse pas les 20-25 slides. Les fonds de venture français reçoivent "plus de 1 000 dossiers par an" et c'est même "autour de 5 000" pour leurs pendants anglais, d’après Romain Dehaussy. Leur temps d’instruction par dossier est donc limité. Présentez simplement le problème que vous ciblez, la solution que vous y apportez et expliquez comment vous entendez exécuter votre plan. Retenez deux ou trois points principaux, ceux qui vous démarquent de la concurrence et qui intéressent vos clients. Ne rentrez en aucun cas dans une granularité qui vous amènerait à multiplier les slides. Puisqu’une démonstration est la plupart du temps efficace, identifiez un ou deux cas clients – en intégrant une citation de la part de ces derniers, lorsque c’est possible – pour plonger les potentiels investisseurs dans votre quotidien. "Tant que vous n’arriverez pas à expliquer simplement votre solution, vous n’arriverez pas à convaincre" , martelait ainsi Pierre-Édouard Bérion, partner chez Raise, pour souligner le caractère essentiel de l’exercice de vulgarisation.
Par ailleurs, n’abusez pas de chiffres. S’il est important de mettre vos KPIs en avant, vous maîtriserez davantage votre discours au moment de le défendre à l’oral si vous présentez un pitch deck épuré. "Sont ainsi scrutés le chiffre d’affaires (revenus mensuels et annuels récurrents), le pourcentage de croissance, le nombre de clients ou d’utilisateurs, le churn net (taux d’attrition) ou bien l’efficacité opérationnelle et commerciale" , indiquait à Maddyness Dave Rosenberg, directeur marketing et responsable private equity chez Oracle NetSuite. Tous les critères ne sont, pour autant, pas quantitatifs. La stratégie de commercialisation, la modélisation du parcours d’achat, le taux de satisfaction des clients ou encore les besoins consommateurs sont aussi étudiés de près en amont d’un investissement - on peut adjoindre des chiffres sur ces sujets afin de prouver son discours. Pas la peine, non plus, de donner des projections trop précises à moyen terme. “Le but n’est pas de rentrer dans le détail des chiffres, qui seront forcément adaptés à mesure que le projet franchit des étapes" , assurait aussi Emmanuel Freund, fondateur de l’EdTech PowerZ, qui a rendu public le pitch deck lui ayant permis de lever 3 millions d’euros en amorçage.
Selon Romain Dehaussy, les designs des pitch decks sont "de plus en plus sophistiqués et jolis"... au point où "les entreprises qui ne jouent pas le jeu partent avec un malus". À noter également qu’une poignée de questions revient, à en croire Dave Rosenberg, "de manière quasi systématique" : "Quel est l’objectif final de votre société ? Savez-vous quelles sont les forces de votre produit ou service ? Quels canaux marketing vous apportent le plus gros retour sur investissement ? Disposez-vous d’une équipe afin de mettre vos idées à exécution ? Comment allez-vous trouver la somme nécessaire dans le but de passer à l’échelle ?" Il s’agit d’intégrer, a minima, l’ensemble de ces éléments à votre présentation.
N’hésitez pas à négocier avec les investisseurs
Après plusieurs rendez-vous et, généralement, une longue phase d’étude de dossier viendra la signature de la lettre d’intention (aussi appelée term-sheet), un document dont le but est de formaliser l’engagement et les paramètres négociés. Après une phase d’étude approfondie (la due diligence), il est nécessaire que tous les investisseurs signent le pacte d’associés. Tout d’abord, l’élément rapidement abordé est celui de la valorisation : combien vaut mon entreprise, et quel pourcentage donner à mes investisseurs en conséquence ? Des questions auxquelles les personnes qui entreprennent sont confrontées dès qu’elles appréhendent le démarrage d’un processus de levée de fonds.
La term-sheet peut intégrer certaines clauses qu’il est important de connaître, notamment d’exclusivité – qui stipule que le dirigeant ne signera pas de document, ni n’entamera des négociations avec d’autres investisseurs – ou de confidentialité – qui stipule le fait de ne pas dévoiler certaines informations jugées privées à des tierces personnes. Ce document, qui reprend tous les points importants avec votre interlocutrice ou interlocuteur, se doit de contenir le montant investi, la répartition des parts entre les investisseurs, la valorisation, les liquidations de préférence, les clauses de rachat et de sortie – bien que ça ne soit pas un élément amené à être discuté dès la prise de participation, il faut prévoir l’éventualité –, les clauses managériales ainsi que la gouvernance. La probabilité de l’investissement est très forte, une fois ce sésame signé. Mieux vaut donc s’assurer qu’il soit très bien calibré.
Au début de l’aventure entrepreneuriale, lorsque vous avez déposé les statuts, la question du pacte d’associés s’est posée lorsque vous avez rassemblé l’équipe qui porte le projet. Avec l’arrivée des investisseurs au sein de votre capital, le contenu de ce document doit être amendé et prendre en compte la nouvelle composition du conseil d’administration. Dans ce document, il s’agit de définir les futures conditions de vie de votre entreprise et des conditions de décision en cas de blocage. Si les investisseurs ont tendance à répéter que le premier critère déterminant est l’équipe, il faut composer l’équilibre effectif qui va régner entre les personnes physiques au cours de la gestion quotidienne de l’entreprise. À noter que le délai nécessaire aux fonds d’investissement pour prendre une décision après votre pitch tourne autour d’un mois, selon Dave Rosenberg. Vous aurez donc le temps de préparer l'adaptation.