Tribunes par Lucy Rand
8 juillet 2021
8 juillet 2021
Temps de lecture : 5 minutes
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Diversité : à l'aube d'un changement des investisseurs et des startups en Europe ?

Le label européen Diversity VC, créé il y a 5 ans, a constaté une amélioration de la diversité au sein du capital-risque et des startups grâce à des efforts concertés. L'étude "Diversity in Venture Capital 2019" rapporte que les femmes représentent désormais 30% des VCs, contre 27% en 2017, sur le Vieux-Continent.
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Republication d'un article du 12 avril 2021 publié initialement sur Maddyness UK

L'amélioration de ces dernières années en matière de diversité est positive, mais il reste du chemin à faire. Seuls 20% des équipes d'investissement en capital-risque comprennent des femmes, ce chiffre tombant à 13% pour les décideurs de haut niveau.

Je ne devrais pas avoir besoin d'expliquer pourquoi c'est un problème en 2021, mais je pense que cela vaut la peine de le répéter. En tant que VCs, nous donnons aux entreprises ambitieuses, qui veulent avoir un impact, les moyens d'accélérer leur évolution et de se rapprocher de leurs objectifs. Pour ce faire, nous utilisons des données, nous regardons les performances passées, en essayant d'être aussi scientifiques et rigoureux que possible, mais il arrive forcément un moment où les préjugés personnels s'infiltrent dans nos choix.

Comme l'a souligné Patrick Sheehan, fondateur d'ETF Partners, dans un article qu'il a co-écrit en 2019, tout le monde est biaisé à sa manière. Pour éviter de ne soutenir que les startups qui reflètent nos visions, parfois étroites, du monde, nous devons nous exposer, et exposer nos processus décisionnels, à un éventail d'opinions aussi diversifié que possible. Nous avons besoin d'une diversité de genre, d'expériences, d'origines raciales et ethniques, d'éducation et de milieux socio-économiques.

Une plus grande diversité pour de meilleurs résultats

La diversité permet d'améliorer les résultats. Une étude de 2018 note que "plus les investisseurs se ressemblent, plus les performances de leurs investissements sont faibles" . Par exemple, le taux de réussite des acquisitions et des introductions en bourse était inférieur de 11,5 %, en moyenne, pour les investissements réalisés par des partners ayant un parcours scolaire commun, par rapport à ceux réalisés par des partners issus d'écoles différentes. L'effet de l'appartenance ethnique commune était encore plus fort, faisant passer le taux de réussite comparatif d'un investissement de 26,4 % à 32,2 %.

Donc, en tant que VCs, nous devons être plus diversifiés. C'est plus facile à dire qu'à faire. Alors que les grandes multinationales, lorsqu'elles sont confrontées aux mêmes problèmes de diversité, ont de multiples occasions de faire vivre aux groupes sous-représentés des expériences accélérées, la petite taille des sociétés de capital-risque peut rendre la chose difficile. Aussi, dans notre secteur, une fois que les professionnels rejoignent un fonds, ils ont tendance à y rester. Il y a donc moins de roulement et moins de nouvelles opportunités qui s'ouvrent que dans d'autres types d'entreprises.

Ensuite, il y a la question du réseau, qui fait la valeur d'un capital-risqueur. Un grand nombre de VCs a, de facto, souvent fait partie dans son passé professionnel d'équipes de gestion ou a même été dirigeant de startup. Ils apportent donc, avec eux, le manque de diversité de la scène entrepreneuriale d'il y a 10 ou 20 ans. Cela ralentit le changement à grande échelle.

Un secteur sur le point de changer ?

Cela ne signifie pas pour autant que le secteur fait l'autruche. De plus en plus, les fonds prennent des mesures pour changer les choses, en étant plus ouverts sur la question de la diversité et sur la manière dont ils vont la favoriser grâce à des rapports plus détaillés. Même ceux qui ne se précipiteraient pas pour le faire n'ont pas vraiment le choix : de nombreux limited partners (ceux qui investissent dans les fonds) attendent des données sur la diversité des genres. Par exemple, la British Business Bank exige désormais que les entreprises qu'elle soutient fassent un rapport sur la diversité des genres, tant dans leur propre équipe que dans celle des entreprises dans lesquelles les fonds investissent.

Il y a également beaucoup plus de conseils disponibles sur la façon de s'améliorer. Le label Diversity VC dispose d'une boîte à outils proposant des actions qui couvrent tout, des préjugés inconscients à la formation des recruteurs. Cette structure a également élaboré la norme Diversity VC. Il s'agit d'un processus d'évaluation et de certification qui fixe un point de référence pour les meilleures pratiques en matière de diversité et d'inclusion (D&I) dans le secteur du capital-risque, les bénéficiaires de la norme étant considérés comme ayant des pratiques exemplaires.

Enfin, le meilleur moyen d'accélérer la diversité est d'investir dans des startups dirigées par des équipes plus diversifiées. Il est encourageant de constater que les nouvelles données disponibles sur Crunchbase suggèrent que cela pourrait être en train de se produire : dans les tours de table de 100 millions de dollars ou plus pour les entreprises américaines au stade des séries A et B entre janvier et mi-février, 30 % de ces investissements ont été orientées vers des équipes de direction dirigées par des femmes ou des personnes noires.

Un rythme de changement qui s'accélère

Nous commençons à voir des changements. Dans ma propre carrière, je suis passée de l'unique femme de l'équipe de décision en matière d'investissement d'ETF Partners à l'une des quatre collaboratrices de la team. L'essentiel est que nous continuions sur notre lancée, que nous demandions des comptes à l'écosystème et que nous ne permettions à personne de se satisfaire des progrès accomplis.

Je pense que ce rythme de changement ne fera que s'accélérer à mesure que davantage de personnes verront les fonds de capital-risque se diversifier et commenceront à considérer le secteur comme une véritable opportunité, indépendamment de la race, du genre ou du niveau d'éducation.

Lucy Rand est directrice des investissements chez ETF Partners, une société d'investissement basée à Londres.

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