PayFit voit les choses en grand. La startup, à l’origine d’un logiciel de gestion de paie pour les petites et moyennes entreprises (PME), ne table plus seulement sur cette solution pour se développer. Elle veut mettre l’accent sur les fonctionnalités RH afin de faciliter le dialogue dans l’entreprise, ce qui doit in fine permettre au personnel administratif de gagner en efficacité. Pour traduire cette vision dans les faits, la société parisienne annonce boucler une série D de 90 millions d’euros auprès de ses actionnaires historiques — Eurazeo, Accel, Frst, Bpifrance et du fondateur d’Iliad (Free), Xavier Niel. Au total, depuis 2016, ce sont 180 millions d’euros qu’elle a réussi à collecter auprès des investisseurs. Une enveloppe conséquente, qui doit aussi permettre d’asseoir sa position en Europe.
Un boulevard dans certains secteurs
Ce travail de consolidation a démarré il y a près de deux ans. En juin 2019, PayFit avait pour ce faire levé 70 millions d’euros. "Nous avons recruté entre 200 et 250 personnes depuis cette date. 120 conventions collectives différentes ont été intégrées" , indique à Maddyness Mathieu Bernard, directeur général France. Les 550 employé·e·s de la startup ont ainsi planché sur l’activation de clients dans de nouveaux secteurs, mais aussi de nouveaux pays. "Nous avons aujourd’hui 4 000 clients en France et 1 000 à l’étranger" , pointe Mathieu Bernard, précisant s’être lancé en Italie en 2020 – juste après l’Espagne, le Royaume-Uni et l’Allemagne.
C’est sur son langage de programmation propriétaire, qu’elle a développé pour faciliter le codage des conventions collectives, que la startup fonde ses espoirs. "C’est notre grosse force, avance le DG France. Chaque équipe produit peut ainsi décorréler les aspects tech et métier." PayFit, qui édite quelque 90 000 bulletins de paie chaque mois, estime que cette stratégie lui permet d’être efficace dans ses déploiements. Et l’entreprise juge que le marché est "immense". "En Europe, il existe plus de 20 millions de PME. Des pans entiers de l’économie ne disposent pas encore de telles solutions du fait de règles spécifiques, à l’image du BTP, avance Mathieu Bernard. La profondeur de marché est donc extrêmement large."
Des résultats en-deçà des attentes en 2020
Sur cette lancée, PayFit s’attendait à "une croissance à trois chiffres" en 2020. La pandémie de Covid-19 lui a mis des bâtons dans les roues. "Cela a été plus calme que prévu. Nous avons tout de même enregistré une croissance de 40 % l’année dernière" , confie Mathieu Bernard, indiquant avoir géré des chantiers en urgence. Les salarié·e·s placé·e·s en chômage partiel étant légion au moment des confinements, la startup a dû étendre certaines fonctionnalités. "Avant la crise, l’activité partielle concernait moins de 100 bulletins de salaire sur les 70 000 que nous éditions à l’époque. Au moment du pic, c’était le cas pour 35 000 bulletins de salaire" , assure le DG France. Pour PayFit, l’exception est ainsi devenue la règle pendant quelques mois.
Pour autant, Mathieu Bernard assure que "la crise n’a pas changé" les plans de la scaleup, qui se voit "leader européen d’ici à trois ans". Elle anticipe, en 2021, "une croissance de 80 %". "Un plan de recrutement de 250 employés sur les volets produit, commercial et service client est prévu" , détaille le dirigeant. Alors que des chef·fe·s d’entreprise ont fait part sur les réseaux sociaux de difficultés à joindre PayFit, ce dernier axe est particulièrement surveillé par la jeune pousse. "Il y a un gros enjeu sur le contact client. Nous devons adapter notre manière de nous adresser à nos clients en fonction de leurs besoins pour constituer une offre granulaire. Nous sommes, par exemple, en train de tester un chatbot" , reconnaît Mathieu Bernard. C’est, là aussi, vers un renforcement de l’existant que se dirige la scaleup – plutôt qu’une poursuite de l'internationalisation.
Si PayFit entend "devenir irréprochable" sur la gestion de la paie, elle fait le pari des fonctionnalités liées aux ressources humaines pour fidéliser la clientèle. Forte d’intégration avec les services de certaines de ses homologues tricolores – Alan, Swile ou Qonto –, la jeune pousse développe ainsi "un module visant à faciliter la relation entre un manager et son N-1". De quoi "fluidifier les échanges" selon Mathieu Bernard, qui souligne l’importance d’un tel outil "à l’heure du télétravail généralisé". Les employé·e·s des entreprises ayant recours à la solution devraient aussi pouvoir demander une avance sur salaire dans les prochains mois. “L’idée, c’est de se détacher de la paie afin de s’intéresser au bien-être collaborateur, résume le DG France, précisant que, malgré cette levée en late stage, la startup n’envisage pas de s’introduire en Bourse à ce stade. C’est une option à plus ou moins long terme, mais il s’agit de se renforcer avant de pouvoir se positionner."