Cet article est republié à partir de The Conversation France
Le nombre de nouveaux programmes d'accélération a en effet considérablement augmenté depuis le lancement du premier incubateur Y Combinator en 2005. Si l'accélérateur est reconnu pour soutenir la croissance des startups, il constitue aussi un outil stratégique hors pair pour les entreprises qui le développent. Pour les grands groupes, ces structures sont vues comme une nouvelle façon de soutenir une partie des objectifs stratégiques, tels que la promotion de l'innovation et la diffusion de la culture entrepreneuriale en apportant "'esprit start-up" dans les grandes entreprises.
Les accélérateurs d'entreprises sont souvent considérés comme un moyen de capter l'innovation des startups, mais on sait finalement peu de choses sur la manière dont ces derniers peuvent obtenir des ressources stratégiques autres que l'innovation et les dynamiques à l'œuvre. L'accélérateur est bien plus qu'une source d'innovation : il est un booster d'avantages concurrentiels, offrant aux grands groupes un accès à de nombreuses ressources stratégiques.
Ainsi, l'incubateur peut procurer un avantage de marque et de réputation pour l'entreprise qui le déploie comme c'est le cas du Village by CA qui récupère, selon ses estimations, plus de 4 millions d'euros en publicité gratuite, grâce à la communication autour des startups accompagnées.
Il peut aussi servir de sourcing en capital humain et ainsi conduire l'entreprise vers de nouvelles méthodes de management comme c'est le cas des accélérateurs de Capgemini et de La Poste, qui servent également comme outils d'attraction et de rétention de talents.
Une multitude de ressources stratégiques
Nous avons étudié dans une recherche exploratoire menée auprès de plusieurs accélérateurs en France, démarrée en 2019, comment les entreprises accédaient aux ressources stratégiques. Cette analyse nous révèle que le mécanisme d'accès à l'innovation, qui se met en place à travers l'accélérateur, passe par trois grandes étapes.
Premièrement, l'accélérateur doit gagner en visibilité afin de renforcer la valeur de la marque et la réputation de la grande entreprise. À cet égard, l'accélérateur d'entreprises constitue un moyen efficace de repenser l'identité d'un grand groupe, car il permet de se positionner par rapport à des entreprises plus jeunes et plus dynamiques. Ensuite, la nouvelle image et la visibilité qui se mettent en place ont un effet vertueux car l'entreprise devient plus attrayante, lui permettant ainsi d'attirer de nouvelles recrues et donc de développer son capital humain, puis de mettre en place de nouvelles méthodes et pratiques de gestion. Enfin, au sein de l'accélérateur, les start-up collaborent (entre elles et avec les employés du groupe) et génèrent de nouveaux produits et services, ce qui se traduit par le co-développement d'innovations en matière de produits, de services et de processus. Cela procure ainsi un souffle nouveau au niveau de la capacité d'innovation de la grande entreprise.
Ce processus dynamique fournit aux entreprises un nouvel ensemble de ressources stratégiques qui sont introduites par les startups et ensuite développées par les entreprises qui continuent à travailler avec elles. Cette relation est gagnant-gagnant : d'un côté, les startups en sortent grandies car elles profitent des connaissances, des ressources et des réseaux de la grande entreprise, et de l'autre, les grandes entreprises profitent de la jeunesse et de la vigueur des jeunes pousses pour se renouveler.
Quels avantages pour les entreprises ?
Premièrement, les incubateurs permettent aux entreprises d'évaluer et de tester la valeur potentielle que les ressources peuvent créer. Cela signifie qu'elles peuvent considérer leur accélérateur d'entreprises comme une stratégie d'investissement, donnant à l'entreprise un avantage informationnel, et améliorant la capacité des managers à mieux évaluer la valeur des ressources créées. Ainsi les entreprises sont en mesure de réduire les coûts de transaction et les risques liés à l'incertitude quant à la valorisation des ressources.
Deuxièmement, le processus d'accélération peut être considéré comme une sorte de leasing pour une période de temps fixe, pendant laquelle le groupe conserve la possibilité d'interagir et de générer de nouvelles opportunités commerciales ou d'expérimentation d'innovations puisque la startups n'est ni acquise ni absorbée. Il est donc nécessaire de donner aux startups suffisamment de temps pour examiner la viabilité de leur produit ou service et de leur business model.
Troisièmement, l'accélérateur d'entreprises agit comme une zone tampon et réduit les écarts entre les modes de fonctionnement des startups et ceux des entreprises. D'un point de vue collaboratif, il est ainsi plus facile de travailler avec la startups via l'incubateur que de l'absorber, de se heurter aux différences culturelles, et de réduire ainsi toutes chances de transmission efficace des ressources.
Un dernier aspect à considérer est que les accélérateurs d'entreprises permettent aux entreprises de passer d'un type d'interaction traditionnel – qui consiste simplement à acquérir une startup ou son innovation – à de nouvelles façons de collaborer, et éventuellement de nouvelles méthodes de gestion ou d'innovations managériales.
Pour conclure, le pouvoir de l'accélérateur d'entreprises est multiple : il réside dans le fait de donner accès à un écosystème ainsi que l'opportunité de tester la valeur des ressources avant de les acquérir (notion de leasing), de faciliter la collaboration entre les startups et les entreprises, de favoriser le développement de nouvelles compétences, de générer de nouveaux processus et de créer de nouvelles activités ou de nouveaux produits à forte valeur ajoutée pour la startup comme pour la grande entreprise !
Cette contribution s'appuie sur l'article de recherche intitulé " The corporate accelerator : A new kind of strategic factor market to access strategic resources " écrit par Arréola, Favre-Bonté et Tran prochainement publié dans la revue M@n@gement. Sébastien Tran, Directeur de l'École de Management Léonard de Vinci (EMLV), Pôle Léonard de Vinci – UGEI; Fernanda Arreola, Dean of Faculty & Research @ ISC Paris, ISC Paris Business School et Véronique Favre-Bonté, Professeur des Universités en Sciences de Gestion, Université Savoie Mont Blanc