Elle transpose principalement une partie des mesures trouvées dans le cadre de l’accord national interprofessionnel (ANI) de décembre 2020 au sujet du télétravail. La proposition de loi sur la santé au travail, portée notamment par deux députées de la majorité La République en Marche (LREM), a été votée en première lecture par l’Assemblée nationale mercredi 17 février – 104 voix pour (largement issues de la droite et du centre), 12 contre (issues de la gauche). On notera notamment que la définition du harcèlement sexuel au travail sera alignée sur la définition pénale de cet acte.
Les autrices du texte notent que les règles jusqu’ici en vigueur ont "permis de diminuer au fil des années la sinistralité liée aux accidents du travail et d’améliorer l’indemnisation des personnes victimes de maladies professionnelles" , mais relèvent que "ces approches montrent depuis quelques années leurs limites, notamment dans la prévention de la désinsertion professionnelle ou la prise en charge des individus atteints de maladies chroniques ou d’affections de longue durée".
Plutôt que de poursuivre avec ces mécanismes de "réparation" à la suite d’un accident du travail, "une culture de la prévention" doit désormais l’emporter selon Carole Grandjean, qui est à l’origine de la proposition de loi avec Charlotte Parmentier-Lecocq. À noter que le changement de paradigme n’est pas du goût du patronat. Cette transposition diffère quelque peu de l’ANI de décembre 2020. Il introduit notamment des obligations à l’égard des entreprises de moins de 50 salarié·e·s. Toujours est-il que le texte doit encore être examiné par le Sénat, dont la majorité est de droite, avant de revenir à l’Assemblée nationale en seconde lecture. Les principaux points peuvent encore bouger, d’autant plus que le gouvernement semble, lui, vouloir alléger les obligations – il a soutenu les amendements visant à supprimer ces dernières. Tour d’horizon des principales mesures prévues dans la proposition de loi, qui doit entrer en vigueur le 31 mars 2022 au plus tard.
Les différentes mesures votées
- Accentuer la prévention en matière de santé au travail
Le texte décloisonne la santé publique et la santé au travail. Le contenu du document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP) est renforcé. Une conservation successive du document est prévue pour assurer la traçabilité collective des expositions. Les missions des services de santé au travail (SST), symboliquement renommés “services de prévention et de santé au travail" (SPST) afin de traduire leur nouvelle ambition, sont étendues – évaluation et prévention des risques professionnels, promotion de la santé sur le lieu de travail, etc. Les SPST seront en charge de campagnes de vaccination et de dépistage, ce qui ne relevait pas de leurs compétences jusqu'ici.
- Repenser la gouvernance de la santé au travail
La proposition de loi réorganise la gouvernance, en adaptant l’organisation interne des SPST, en élargissant les conditions dans lesquelles le médecin du travail peut déléguer une partie de ses missions à d’autres membres de l'équipe de santé et en renforçant le pilotage national. En particulier, les médecins de ville pourront contribuer au suivi médical des travailleur·euse·s et le statut d'infirmier·e en santé au travail est officialisé. Aussi, les masseur·euse·s-kinésithérapeutes et ergothérapeutes seront amenés à intervenir au sein des équipes de santé au travail.
S'agissant du pilotage national, un comité national de prévention et de santé au travail (CNPST) aux compétences étendues est institué au sein du Conseil d’orientation des conditions de travail. Un amendement du gouvernement prévoit, par ailleurs, une ordonnance dans l’objectif de resserrer à terme les liens entre les différentes Associations régionales pour l’amélioration des conditions de travail (Aract) et l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact).
- Alerter sur les risques de désinsertion professionnelle
Les SPST seront tenus de mettre en place une cellule dédiée à la prévention de la désinsertion professionnelle. Les médecins du travail pourront recourir à la télémédecine. Une visite de mi-carrière professionnelle – à 45 ans, à défaut d'accord de branche – et un rendez-vous "de liaison" sont, par ailleurs, créés. Le suivi en santé au travail est étendu aux intérimaires, aux salarié·e·s des entreprises sous-traitantes ou prestataires ainsi qu'aux travailleur·euse·s indépendant·e·s. Un amendement élargit également les dispositifs d’accompagnement visant à essayer un nouveau poste de travail avant de l'occuper – à savoir le contrat de rééducation professionnelle en entreprise (CRPE) et l'essai encadré (destiné aux assuré·e·s en arrêt de travail).
- Créer un "passeport prévention"
L’ensemble des formations suivies en matière de sécurité et de prévention devront figurer dans ce nouveau document, qui sera lui-même intégré dans le passeport d’orientation, de formation et de compétences – dont le déploiement est prévu en 2021 pour tou·te·s les salarié·e·s. La définition du harcèlement sexuel au travail sera, par ailleurs, alignée sur la définition pénale de cet acte. Le texte améliore aussi la qualité du service rendu par les services de santé au travail, qui offriront un socle de services – comme prévu par l'ANI et une procédure viendra le certifier. Leurs règles de tarification sont revues. Afin d'assurer un meilleur suivi, le médecin du travail pourra alimenter le dossier médical partagé (DMP) – il est réciproquement prévu que les médecins et professionnel·le·s de santé du ou de la patient·e aient accès au dossier médical en santé au travail (DMST).