"Avant de savoir ce que l'on entreprendrait, on avait la volonté d'innover dans la Tech, de créer quelque chose à l'interface des sciences et de la commercialisation, sans idée précise. On se voyait régulièrement pour écrire noir sur blanc les grands challenges de demain dont la mobilité. On a dessiné des croquis, et en se précisant, ils sont devenus notre projet de capsule volante" , raconte Paul Cassé, 27 ans, président de la startup Caps. Depuis sa maison familiale sur les hauteurs de Suresnes, en banlieue parisienne, accompagné par son "vieux pote" ingénieur et associé Kevin Laouer, Paul Cassé poursuit : "C'est venu d'un ras le bol des transports ! On n'en pouvait plus des RER, des rames bondées et du temps passé à se déplacer. Face à la problématique croissante du transport urbain et à la saturation des infrastructures, il est temps de passer à la troisième dimension : le ciel ".
Si Paul Cassé et Kevin Laouer se sont connus sur les bancs de l'Université Paris Descartes en licence de physiques, c'est dans la prestigieuse école normale supérieure de Paris-Saclay (ex-Cachan), qu'ils rencontrent en master une "pointure" en physiques : Pierre de Châteaubourg, leur troisième associé. Décidés à passer dans les airs, ils imaginent une toute nouvelle génération d’avions basée sur la technologie des drones : des capsules volantes, autonomes et mono-passager. Et déposent les statuts de Caps en juillet 2018.
Répondre aux enjeux de la mobilité urbaine
L'avenir de la mobilité urbaine sera aérienne ou ne sera pas ? Pour ces trois ingénieurs qui finalisent le premier prototype destiné à la démonstration, la question ne se pose pas. "On a au moins trois ans de recherche et développement devant nous. On tient le cap. On est sûr de notre idée" . Partant du constat que 70% des trajets urbains sont individuels et que le trajet périphérie-centre ville est trop long, les trois associés sont partis sur l'idée de "développer une solution de mobilité qui remette les périphéries à moins de 15 minutes du centre ville. Cela va permettre une internalisation et une cohérence plus importante de la ville, de fluidifier et d'accélérer les échanges" , précisent-ils. La capsule sera donc mono-passager. Et autonome. "L'autonomie est la clé. Un pilote va augmenter le coût et on veut que ces transports soient abordables, à 1 euro le kilomètre, avec une distance de 15 kilomètres maximum en ville" .
Haut de 3 mètres, le véhicule imaginé par la startup veut réduire la nuisance sonore corrélée au poids et à la taille. "On l'allégera au maximum" , lance Kevin Laouer qui planche principalement sur le design et l'adaptabilité urbaine. Pour l'heure, elle pèse 350 kilos (contre 3 tonnes pour un véhicule aérien collectif). Incubée à l'Essec — où Paul Cassé a obtenu son Master en finance — et à Polytechnique — dont est issu Kevin Laouer — la startup a rapidement pris son envol. "Deux incubateurs, c'est deux fois plus de réseaux. L'Essec nous donne un regard orienté business plan, et Polytechnique, des solutions avec des ingénieurs qui peuvent regarder tous les verrous techniques et technologiques dans le but d'avoir la certification" , souligne Paul Cassé.
Partenariats technologiques
Avec un apport personnel, une bourse de 30 000 euros de la bourse de French Tech de Bpifrance, et le Prix Innovation de la banque populaire de 15 000 euros, les startuppers ont pu sans tarder développer leur premier prototype. "La première fois qu'on a vu voler la capsule depuis la grange où est notre laboratoire, on a eu peur!" , lancent les deux compères dans un éclat de rire. Seul l'atterrissage est à améliorer. Et maintenant, deuxième étape : celle d'un second prototype certifié pour voler. Bien plus complexe, il nécessite des technologies innovantes que seuls des partenaires peuvent apporter. Caps a ainsi noué deux partenariats. Le premier pour les batteries avec Air Energie — concepteur des batteries de Solar Impulse, le premier avion a avoir fait le tour du monde en tout électrique. "Pour nos capsules, les batteries nécessitent une très haute densité énergétique, beaucoup de puissance en étant les plus légères possibles" , explique Pierre. Le second, avec une entreprise dont le nom n'est pas encore dévoilé, porte sur le système de guidage automatique de l'appareil tant pour se positionner en temps réel avec des capteurs visuels, que pour naviguer en toute sécurité en détectant l'environnement. "C'est une coopération 50/50. Eux nous apportent le système de guidage et nous, un système permettant de tester leur système de guidage" . Avec ces partenaire, Caps espère bien obtenir la certification... Et en attendant, l'entreprise prépare une levée de fonds pour cette année.
Voler à l'horizon 2024-2027
Si le projet est validé, la capsule verra le jour à l'horizon 2024-2027. On pourra alors la commander avec son smartphone en payant la course en ligne. Elle arrivera à la borne de collecte des passagers la plus proche de chez vous, vous conduira à destination, avant de repartir automatiquement au centre de stockage et de rechargement le plus proche. Si 200 projets à ce jour existent dans le monde, avec des géants comme Airbus, Boeing, RATP... qui misent sur des aéronefs collectifs, Caps est parmi le seul à proposer un monoplace 100% autonome. "Toute la réussite du projet va passer par l'automatisation et un design compact à l'intégration optimale dans l'espace urbain" , assurent les jeunes Normaliens.
Mais avant de s'envoler, reste un défi de taille : rassurer les futurs usagers et leur donner confiance. Le moyen ? Ces entrepreneurs de la Tech misent sur le sport. "Souvent, le sport a permis de 'démocratiser' des avancées technologiques majeures. La prouesse technologique et sportive développe la curiosité et la confiance chez les gens. On verra probablement des courses de voitures, taxis et capsules volantes un jour! "
D'ici là, leur projet est véritablement dans l'air du temps. En juin prochain, Cergy Pontoise accueille le premier hub de la mobilité aérienne et autonome d'Ile-de-France avec des tests de vol. Et pour les JO de 2024 à Paris, City Airbus (navette aérienne et autonome, conduite par un pilote) devrait voler au dessus de la capitale avec 7 passagers entre l'aéroport de Roissy et la Gare du Nord. "Cela témoigne d'une dynamique forte" , s'enthousiasme le trio.