L'économie française pourrait connaître une croissance modérée au premier trimestre malgré les restrictions liées à la crise sanitaire, à condition toutefois d'échapper à un nouveau confinement. C'est ce qu'a détaillé lors d'un point presse ce jeudi l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) qui estime que, si les restrictions demeurent équivalentes à celles mises en place au mois de janvier, le produit intérieur brut augmenterait de 1,5 % par rapport au dernier trimestre de 2020.
Différents scénarios sont envisagés
Dans le cas d'un confinement du type de celui de novembre d'une durée d'un mois, cette croissance deviendrait nulle. Le produit intérieur brut (PIB) se rétracterait de 1 % si la mesure devait durer 7 semaines, a ajouté l'agence publique. Le niveau du PIB restera en retrait par rapport à son niveau d'avant-crise, c'est-à-dire celui du quatrième trimestre 2019, de 4,5 ou 6 points de pourcentage en fonction de chacun de ces trois scénarios. Sur l'ensemble de l'année 2020, l'objectif de 6 % de croissance que s'est fixé le gouvernement "n'est pas inatteignable" , a estimé Julien Pouget, chef du département conjoncture de l'Insee. Il a notamment mis en avant le recul moins important que prévu du PIB au dernier trimestre 2020 (-1,3 %) malgré le deuxième confinement: cela crée "un effet d'acquis plus important" permettant d'entamer l'année 2021 sur une meilleure base.
En supposant que le rebond au deuxième trimestre soit aussi fort que celui que la France a connu à l'été 2020, cet acquis de croissance pour l'année en cours serait compris entre 4 % et 5 %. La bonne résistance de l'économie dans son ensemble au deuxième confinement permet aussi de "réviser à la baisse le coût du durcissement des mesures sanitaires" , selon Julien Pouget.
Aussi, la diminution du temps passé hors de chez soi, qui jusqu'à l'été était étroitement corrélée à la chute de l'activité économique, l'est aujourd'hui beaucoup moins, selon un indicateur de Google Mobility Residential repris par l'Insee. Ce qui signifie que la moindre mobilité des personnes liée aux restrictions affecte moins l'activité qu'au début de la crise. Par conséquent aujourd'hui, "un confinement plus dur n'aurait pas le même impact qu'avril-mai" car "il y a eu énormément d'apprentissage et d'adaptation, le télétravail s'est développé, on a des masques, on a des tests" , détaille Julien Pouget.
La consommation des ménages demeure le point noir
"La crise est une épreuve d'endurance" et "plus ça dure, plus la capacité de rebond devient incertaine dans les secteurs les plus affectés" , a néanmoins estimé le responsable de l'Insee. La consommation des ménages, principale composante du PIB, est restée inférieure de 7 % en janvier par rapport à son niveau d'avant-crise. Une chute qui s'explique par la mise en place des couvre-feu à 18 h ainsi que par le décalage des soldes, qui ont débuté le 20 janvier cette année – ils avaient débuté dès le 8 janvier l'an passé. Une partie des achats pourrait donc être reportée en février.
Analysant des données de cartes bancaires et de caisses dans la grande distribution, l'Insee a notamment relevé une chute de 6 % à 7 % de la consommation au moment de l'avancée à 18 h des couvre-feu dans les différents départements. Décembre avait été marqué par un fort rebond de la consommation après le deuxième confinement, avec un écart de seulement 4 % par rapport au quatrième trimestre 2019, après -15 % en novembre durant le deuxième confinement. Si la consommation reste pour l'heure le gros point noir pour sortir de la crise économique, avec une propension des ménages à épargner qui atteint des sommets, une enquête de l'agence publique auprès des chef·fe·s d'entreprise laisse en revanche présager un net rebond de 10 % de l'investissement dans l'industrie manufacturière cette année, après une chute de 13 % l'an dernier.
Enfin, la chute de la consommation a permis de diminuer l'empreinte carbone des Français, jusqu'à 36 % en avril 2020, durant le premier confinement, et de 20 % en novembre durant le deuxième. Et même en août, alors que les dépenses des Français avaient temporairement retrouvé leur niveau d'avant-crise, leur empreinte carbone restait en baisse de 3 %, notamment à cause du poids important pour celle-ci du transport aérien, qui s'est effondré.