Faire une levée sans but précis
Rappel utile : lever des fonds n’est pas une fin en soi. Ce n’est en rien une mesure du succès. D’ailleurs, beaucoup de startups se sont brûlées les ailes post opération en dilapidant leur trésor de guerre. Le seul et unique indicateur de réussite d’une société réside dans sa capacité à créer de la valeur dans la durée donc à être profitable. Lever de l’argent est donc la résultante d’une bonne exécution et doit répondre à un but bien précis.
Si vous êtes une startup en amorçage et que vous allez voir un investisseur en lui disant : "J’ai travaillé sur mon MVP les 6 derniers mois. J’ai 3 POC en cours. Je veux lever 800 K€ pour finaliser la V1 de mon produit et structurer mon équipe en vue d’une mise sur le marché avant la fin de l’année" , vous êtes crédibles ! À l’inverse, si vous lui dites : "J’ai besoin de lever pour aller aussi vite que mon concurrent qui vient de lever des fonds" , vous avez de grandes chances de vous faire remercier.
Aussi, frapper à la porte des investisseurs devrait se faire lorsque vous avez épuisé toutes les sources de financement obtenues au démarrage.
Lancer une levée de fonds sans préparation…ni traction
Démarrer une levée de fonds n’est pas une tâche à prendre à la légère. Surtout si vous êtes confronté à ce process pour la première fois. Aller voir des investisseurs, qu’ils soient business angels ou VC, nécessitera de démontrer une connaissance parfaite de votre métier, du problème que vous adressez et de votre écosystème. Pourquoi avez-vous lancé ce projet ? Quelle est la taille de votre marché adressable ? Qui sont vos clients ? Quelle est votre stratégie de Go to market ? Quels sont vos canaux d’acquisitions ? Votre stratégie de pricing ? Etc…
Si vous n'êtes pas en mesure de répondre à ces interrogations basiques et que votre storytelling n’est pas claire, alors vous essuierez une avalanche de refus. Au-delà du manque de préparation, le manque de traction constitue un autre motif d’échec. À moins d’avoir une équipe de serial entrepreneurs à succès, il y a peu de chances que vous soyez financé sans un minimum de traction. Par traction l’investisseur entend, par exemple, un nombre d’utilisateurs actifs en croissance ou encore la signature régulière de POC avec des clients. Autrement dit, il veut de signes tangibles que votre produit répond à un besoin et que cela constitue une opportunité fantastique.
Se lancer sans stratégie claire
La levée de fonds est un processus long et chronophage (4 à 6 mois) dont il convient de connaître les rouages. Surtout pour un amorçage. Il est essentiel d’avoir une vision claire des différentes étapes et une stratégie d’approche bien huilée. Concrètement, cela signifie tenir un fichier des investisseurs que vous allez solliciter. Définir qui vous irez voir en priorité et qui voir dans un second temps.
Faudra-t-il se tourner vers des business angels ou plutôt des VC ? Quel est le montant dont j’ai besoin pour être confortable dans l’exécution de mon plan ? Etc…Tous ces paramètres auront une influence sur le déroulé de l’opération et donc sur votre agenda. Prendre les bonnes décisions dès le départ est crucial. Vous éviterez de vous disperser et maximiserez vos chances de boucler votre tour.
Mal cibler vos investisseurs
Si 1 euro est 1 euro, tous les investisseurs sont différents. Gardez ça l’esprit. Ils ont chacun leurs secteurs de prédilection. Leurs thèses d’investissement. Ils déploient des tickets de tailles différentes, sur des segments variés (seed, Serie A, B, C). Il en va de même pour les attentes de retour sur investissement et la durée d’accompagnement. Ce sont des subtilités à connaître pour cibler au mieux vos futurs partenaires. Pour cela, pas de secret. Vous devez faire vos recherches. Inutile d’arroser la terre entière. Regardez les investissements qu’ils ont déjà réalisés. Vous gagnerez du temps, aurez plus de chances de développer du fit et vous vous épargnerez des refus, qui auront un impact sur votre moral.
Ne pas avoir conscience qu'il s'agit d'un marathon
Réussir un marathon requiert plusieurs ingrédients : un entraînement spécifique et régulier, une hygiène de vie irréprochable et un mental d’acier. L’objectif est simple : arriver au bout. À défaut de pouvoir terminer la course, il faut savoir dire stop quand le corps ne réagit plus correctement. De ce point de vue, la levée de fonds n’est pas très différente. Pire encore, le temps joue contre vous. Car plus le process est long, plus vos réserves de cash fonderont comme neige au soleil. Il est donc primordial de ne pas lancer sa levée au dernier moment.
Cela vous mettra dans une situation de stress, que ressentira votre interlocuteur. Mettez- vous à sa place. Comment pourrait-il avoir confiance en votre capacité à gérer votre startup si vous n’avez pas le sens de l’anticipation ? Pour être confortable, l’idéal serait d’avoir encore 7 à 9 mois de trésorerie devant vous au moment de lancer votre process.
Comme lors d’un marathon, il y aura des hauts et des bas. Il faut en avoir conscience et apprendre à gérer ces moments pour les surmonter. La réalité derrière la levée de fonds n’est pas toute rose. D’ailleurs, si à l’issue de vos rencontres vous n’obtenez pas de retours positifs ou des conditions satisfaisantes, cela veut peut-être dire que ce n’est pas le bon moment. Si vous avez la possibilité de vous financer autrement, alors mettez fin à l’hémorragie et repartez de l’avant pour démontrer que votre projet en vaut la peine. Revenez ensuite à la charge avec des éléments concrets.
Réussir sa levée n’est donc pas un long fleuve tranquille. Encore moins la première. Pour maximiser vos chances de convaincre des investisseurs, retenez deux choses : la préparation et la mise en évidence d’une traction. La préparation car vous devrez inspirer confiance à votre interlocuteur. Donc rédigez minutieusement votre deck, rôdez votre pitch et calibrez votre business plan. Maîtrisez vos chiffres et votre écosystème. Enfin, présentez une traction crédible. Les investisseurs sont de plus en plus réticents à l’idée de financer une simple idée.
Pour se faire une conviction, ils auront besoin d’un peu plus qu’une équipe avec un concept "sexy". Vos KPI, POC ou témoignages clients doivent leur donner le sentiment que votre projet peut fonctionner et que vous êtes au bon endroit, au bon moment. Malgré tous ces efforts, il se peut que vous ne soyez pas récompensé du premier coup. Cela peut arriver. Pour autant, si votre projet tient la route, vous trouverez tôt ou tard un investisseur pour vous financer.
Eric Seclet est consultant financier et mentor chez 1Kubator