Article mis à jour le 21 juillet 2021.
Pivoter non pas vers le panier, comme à son habitude, mais vers l’entrepreneuriat. C’est l’objectif du basketteur français Axel Toupane, 28 ans, qui, bien qu’il poursuive sa carrière sportive internationale, mobilise son riche réseau pour venir en aide aux startuppeurs. Une première étape avant de, peut-être, lui-même mouiller le maillot. Il se prépare en tout cas loin des projecteurs, à coups de formations et d’opérations financières. Il a investi dans Heex Technologies, une jeune pousse à l’origine d’une brique logicielle visant à optimiser la gestion des données par les voitures autonomes. Cette dernière a bouclé début avril 2021 un tour de table à hauteur de 840 000 euros auprès de Wilco, Transvalor, Tomcat Factory, Techstars, Bpifrance, ainsi que de business angels. L'actuel joueur des Bucks de Milwaukee, avec qui il a remporté son premier titre en NBA le mardi 20 juillet 2021, devenant par la même occasion le 6e Français à être sacré, en est même devenu l’ambassadeur. Ce qui lui a permis de nouer des contacts avec des personnalités.
Un rêve américain invitant à l'entrepreneuriat
L’intérêt naissant d’Axel Toupane pour l’entrepreneuriat s’est progressivement structuré au fil de sa carrière sportive. La SIG Strasbourg est le club qui l’a formé, lorsqu’il était jeune. C’est aussi celui qui lui a donné sa première opportunité professionnelle. "J’y ai fait quatre saisons en pro A [la première ligue nationale, N.D.L.R.], coaché par le sélectionneur de l’équipe de France Vincent Collet" , se souvient pour Maddyness Axel Toupane, qui confie qu’il caressait dès lors l’espoir de jouer, un jour, en NBA aux États-Unis, le Graal pour tout basketteur. Ambitieux, il s’était présenté à 21 ans à la draft en 2013 – l’événement annuel qui constitue, pour les lycéens et universitaires américains et étrangers, la porte d’entrée vers la prestigieuse ligue – avant de se rétracter. Il retente sa chance l’année suivante mais il n'est pas sélectionné par l'une des 30 franchises NBA.
Pas de quoi arrêter Axel Toupane, qui a de la ressource. Il signe finalement un contrat avec les Raptors 905, à Toronto (Canada), un club de D-League affilié aux Raptors de Toronto. "Quand on a un parcours atypique, il faut nécessairement avoir faim pour y arriver" , analyse-t-il rétrospectivement, relatant une "sorte de rêve éveillé" selon ses mots. C’est probablement cet état d’esprit qui l’a conduit à se livrer à une analyse du milieu dans lequel il évoluait à cette période. "Il y a tout un business qui entoure le basket" , appuie-t-il, affirmant avoir toujours été poussé "à la curiosité par [son] père". Après de courts séjours aux Nuggets de Denver (Colorado) et Bucks de Milwaukee (Wisconsin), l'arrière français rejoint les Pélicans de La Nouvelle-Orléans (Louisiane), courant 2017, pour disputer "une trentaine de matchs".
Au cours de ces expériences américaines, Axel Toupane fréquente des basketteurs qui ont déjà de la suite dans idées. C’est notamment le cas du Congolais Bismack Biyombo, lui aussi né en 1992 et francophone. À leur contact, le Français prend conscience que la NBA c'est du sport mais aussi un sacré business. "Il m’a expliqué son approche, inspirée d’autres grands joueurs tels que LeBron James, qui consiste à capitaliser sur son nom pour en faire une marque" , indique Axel Toupane, précisant que "la NBA elle-même encourage les joueurs à développer" une telle stratégie. C’est ce qui a poussé le Français, après son incursion américaine, à appliquer cette logique à son retour en Europe. De 2017 à 2020, il joue pour le Žalgiris Kaunas (Lituanie), l’Olympiakós (Grèce) et l’Unicaja Málaga (Espagne). C’est aussi la période où il réalise ses tout premiers investissements.
Faire jouer son réseau
Axel Toupane joue d’abord la fidélité. En choisissant de mettre un ticket de 50 000 euros dans Heex Technologies, dès la naissance de l'entreprise en mars 2019, le sportif vient en aide à des amis entrepreneurs. "J’ai rencontré Axel par le biais du basket, quand j’étais plus jeune, raconte Bruno Mendes Da Silva, président-fondateur de la startup. Mon club n’était pas si loin du sien, lorsqu’il était au centre de formation de Clermont-Ferrand" – son père Jean-Aimé Toupane, lui-même ancien joueur, entraînait alors le Stade clermontois Basket Auvergne. Mais, en affaires, faire preuve de bons sentiments n’est pas le plus important. Axel Toupane a été coaché par l’un de ses ex-coéquipiers des Nuggets de Denver : Mike Miller, qui a lui-même investi dans un certain nombre de startups. "Croire au projet est crucial. Et j’ai vite cru à la promesse de Heex. Je suis branché nouvelles technologies et la voiture autonome est porteuse d’espoir" , relève ainsi le joueur de basket, pragmatique.
Investir, surtout auprès de proches, représentait aussi l’opportunité d’apprendre davantage sur le terrain. "D’entrer dans l’écosystème et de se créer une carte de visite" , comme il le dit si bien lui-même. "Axel vient parfois au bureau, lorsqu’il est blessé et qu’il ne peut pas jouer. Alors on lui délègue des missions pour qu’il se forge une culture entrepreneuriale" , détaille Bruno Mendes Da Silva, qui dit avoir assuré à son ami qu’il "faut autant d’ambition pour rencontrer le succès dans ce domaine que dans le basket". Avant d’expliciter : "Plus gros est l’effort fourni, plus gros sera le chiffre d’affaires en bout de course". Axel Toupane sait être discret, sans perdre de vue qu’il faut avancer ses pions. Et sa notoriété lui permet d’élargir le cercle des relations de Heex Technologies. "J’ai récemment présenté le projet à Tony Parker, afin qu’il envisage d’investir à son tour" , explique-t-il. Une tentative qui n’a, pour l’heure, pas abouti selon Bruno Mendes Da Silva : "Ça n’était pas le bon moment de son côté, mais une telle rencontre n’aurait pas été possible sans Axel."
Mettre les valeurs du sport en pratique
À 28 ans, Axel Toupane n’en a pas fini d’expérimenter. Après Heex Technologies, il a investi dans la maison de haute-couture Mazarine. Le sportif entreprend aussi une reprise d’études. "Les entraînements de basket ne me permettaient pas d’aller à la fac quand j’étais plus jeune. Après le bac, j’ai uniquement suivi une formation estivale à HEC, détaille-t-il alors qu’il suit actuellement à distance un master en management à l’EM Business School. Quelque part, on peut dire que j’ai fait les choses à l’envers. Je suis allé sur le terrain avant de connaître la théorie." Pour monter sa propre entreprise, à terme ? "Je n’exclus rien" , affirme le basketteur, qui avance à cette heure-ci préférer se concentrer sur le lancement d’un programme de sa propre conception et destiné aux lycéen·ne·s âgé·e·s de 15 à 18 ans.
Son objectif : "Transmettre une éthique de travail ainsi qu’un réseau, tout en apprenant les rudiments de l’entrepreneuriat." De quoi compléter le cursus scolaire en tirant parti du basket, puisque tou·te·s pratiquent cette discipline sportive. La première promotion a été constituée au mois de juillet 2020 et bénéficie d’une dizaine de sessions tout au long de l’année. "Chaque participant doit développer, sur le papier, un projet entrepreneurial. Des sportifs entrepreneurs interviennent aussi pour expliquer comment ils ont monté leur boîte" , précise Axel Toupane. Conscient des points communs entre le défi entrepreneurial et la pratique sportive, l’athlète veut faire comprendre aux jeunes qu’ils et elles "ont en eux ce que recherchent les startups" – à savoir de "la résilience et le sens du sacrifice" , selon ses propres termes.
Aux entreprises, il adresse un message : "On doit provoquer l’éveil des sportifs, ils ont de l’or dans les mains." Et d'en plaisanter : "J’ai eu mal au poignet quand j’ai travaillé chez Heex. Je n’ai plus l’habitude d’écrire toute la journée, mais la mentalité fera toujours toute la différence." Axel Toupane a le partage au cœur et la détermination à l’esprit. Entre deux dribbles, il entend bien "continuer à écrire des essais" au sujet de l’entrepreneuriat. Avant d’envisager une seconde vie professionnelle dans cette direction une fois le moment venu.
Retrouvez les précédents articles de cette série :