Elle aurait une autoroute devant elle. Kili Technology, experte de l’annotation de données pour l’intelligence artificielle, ambitionne de s’établir comme l’un des principaux acteurs de ce marché à l’échelle mondiale – estimé à 4 milliards de dollars lorsqu'il arrivera à maturité, en 2025. "Nous sommes arrivés au bon moment. Peu d’acteurs existent et nous sommes déjà le plus important en Europe" , avance auprès de Maddyness François-Xavier Leduc, son président et co-fondateur, qui prédit qu’une poignée d’entreprises opérant sur ce créneau "vaudront plus d’un milliard de dollars à terme". Pour atteindre ses objectifs, la startup parisienne vient de boucler un tour de table de 5,8 millions d’euros auprès de Serena, d’e.ventures et de business angels.
Certaines données sont sous-exploitées
Créée fin 2018, Kili Technology a identifié que certaines entreprises disposaient de trop peu de données de référence pour entraîner leurs modèles d’IA. La jeune pousse s’est donc intéressée à la collecte et la valorisation de données brutes (textes, images et voix) dans le but de "faire le pont entre ces dernières et les données d’apprentissage" utilisées dans le cadre du machine learning. "Ce manque de matière est, dans les faits, le frein principal à la réussite des projets d’IA" , souligne François-Xavier Leduc. Les entreprises disposent de données dites "non-structurées" – comprendre celles qui ne sont pas organisées dans un document, tel qu’un tableur. Ces données, largement sous-exploitées, représenteraient même jusqu’à "80 % des données" en leur possession à en croire Kili Technology. Mais la difficulté à récupérer ces dernières pour automatiser des tâches reste un obstacle majeur.
Pourtant, les champs d’application sont légion. L’annotation permet ainsi à des banques de transférer automatiquement les courriels en interne ou bien de reconnaître un document caractéristique – un contrat, par exemple – pour en extraire les éléments d’importance. Un magasin peut ainsi identifier les différents articles contenus dans le panier d’un client et un média étudier la qualité d’une retransmission vidéo. "En médecine, cela permet d’analyser automatiquement toutes les lames placées sur un microscope pour repérer des cellules cancéreuses" , illustre Édouard d’Archimbaud, directeur de la technologie et co-fondateur. Ainsi, les "quelques dizaines de clients français, américains et chinois" de Kili Technology – parmi lesquels figurent le Crédit agricole, Louis Vuitton et Michelin – évoluent dans des secteurs variés. "C’est une problématique multi-industries" , relève François-Xavier Leduc.
Créer "une fusée" dans le domaine
La startup estime que sa solution "industrialise" plus qu’elle ne révolutionne l’annotation de données. L’interface de Kili Technology permet aux data scientists de "faire communiquer ces dernières avec des modèles d’IA" de leur création. Le but de son amorçage à hauteur de 5,8 millions d’euros sera de rendre la plateforme "plus rapide et intuitive". "Il faut qu’elle devienne aussi simple d’utilisation que la suite Google Workspace. La solution devra être à même d’embarquer les modèles des clients directement, afin de les guider pas à pas" , pointe François-Xavier Leduc, souhaitant notamment rendre possible le "tracking d’objets". Le dirigeant entend, par ailleurs, rendre l’installation de son application "triviale" et qu’elle intègre un écosystème d’outils – du stockage des données à la construction du modèle.
Pour "créer une fusée" dans le domaine, la jeune pousse qui s’était jusqu’ici auto-financée projette de "doubler" ses effectifs d’ici à la fin 2021, passant de 15 à 30 salarié·e·s. Équipes commerciales, produits ou service client… Ces futurs recrutements concernent la totalité des pans de la startup. "Il y a un gros travail à faire pour faire comprendre aux entreprises qu’elles doivent changer leur façon de faire" , indique Édouard d’Archimbaud. Selon le directeur de la technologie, il n’est pas toujours encore "clair dans les esprits" des décideurs que l’IA est avant tout une affaire de données. "Ils continuent majoritairement à être portés là où les informations sont disponibles pour retenir des cas d’usage, alors qu’il est plus judicieux de partir d’une problématique précise" , assure-t-il, plaidant ainsi pour un "changement de paradigme".
Les dirigeants de Kili Technology se disent "convaincus" que la mauvaise annotation des données est à la source de l’échec massif des projets menés par les grandes entreprises dans le domaine de l’IA – la startup affirme que "80 %" de ces derniers sont infructueux."Si l’on dit souvent que les données sont l’or noir du 21e siècle, elles ont davantage à voir avec les diamants, affirme ainsi Édouard d’Archimbaud. Elles ont de la valeur une fois taillées, structurées." Et la jeune pousse a fort à faire, puisque la promesse qu’elle formule à ses clients est ambitieuse : renverser la vapeur. "Ce ne sont plus 20 % des projets qui doivent passer en production à court terme, mais bien 80 %" , plaide le directeur de la technologie, selon qui il faudrait "enfin sortir d’une logique de tests" plus que généralisée en la matière.