Promulguée il y a toujours juste un an, la loi PACTE a introduit la qualité de société à mission dans le droit français, donnant la possibilité aux sociétés d’inscrire leur raison d’être et les objectifs stratégiques qui vont avec dans leurs statuts. La Communauté des entreprises à mission - association initiée par la Camif, Citizen Capital, Mines Paris Tech et Nuova Vista pour promouvoir ce statut - a choisi cette date d’anniversaire pour publier son premier baromètre des entreprises à mission et faire un tour d'horizon de sa mise en place.
Un statut qui séduit de plus en plus
"Entreprise à mission", le statut est un peu flou. Quelle valeur quand il est adopté par des géants de l’agroalimentaire ou des financiers ? En réalité, cette absence de cadre strict a pour ambition de toucher le plus grand nombre d'entreprises possibles. Il était donc nécessaire de lui laisser assez de flexibilité. Pour devenir une société à mission, il convient de définir sa raison d’être, c’est-à-dire "qui je suis et à quoi je veux contribuer, détaille Anne Mollet, directrice générale de la communauté des entreprises à mission, et traduire cela en objectifs statutaires" et donc contraignants.
Vous l’aurez compris, on ne peut pas s’autoproclamer société à mission sans l'être vraiment, uniquement pour une question de marketing. "C’est un travail de longue haleine qui prend entre 6 et 18 mois et nécessite d’effectuer tout un cheminement" sur sa stratégie, son management ou encore ses process, poursuit Anne Mollet.
Ce qui explique pourquoi le pays ne comptabilise pas une déferlante d’entreprises à mission mais un peu plus de 100 en ce mois de janvier 2021. Un chiffre néanmoins encourageant pour le Comité des entreprises à mission qui n’en comptabilisait que 8 fin 2019 et 50 en octobre 2020 et note une hausse de 60% entre le troisième et le quatrième trimestre 2020. À titre de comparaison, "le California social purpose corporation, qui est une sorte de statut équivalent en Californie, n’ été adopté que par une centaine d’entreprises en cinq ans" , met en relief Kevin Levillain, enseignant-chercheur à Mines ParisTech, co-titulaire de la chaire Théorie de l'Entreprise.
Une hétérogénéité dans les structures et des secteurs
Sur la centaine d’entreprises ayant adopté le statut au cours de l’année écoulée, deux tiers ont moins de 50 salarié·e·s et 33% sont des micro entreprises, soit 11 fois plus que les grands groupes qui ne comptent que pour 3%. "Dans ces petites structures, les prises de décision sont plus rapides que dans les grands groupes" , commente Anne Mollet. Ce phénomène s’explique aussi par la jeunesse des sociétés à mission - la moitié ont moins de 10 ans - et par l’engouement des néo-entrepreneurs·euses pour ce statut. Une entreprise à mission sur cinq l'était dès sa naissance.
Ces données dressent un profil général des sociétés à mission : moins de
50 salariés, statut SAS/SASU et implantées en Île-de-France. Cette région regroupe, en effet, 62% des sociétés à mission, suivie par La Nouvelle Aquitaine et la région Auvergne Rhône-Alpes. À l'inverse, la Corse, la région PACA et le Grand Est en dénombrent très peu par rapport à leur dynamisme économique.
Au niveau des secteurs d’activité aussi, on observe une grande disparité. Ainsi, 79% des sociétés à mission en France relèvent des activités de services. Deux secteurs se détachent : le conseil (31%) et celui de la finance et des assurances (18%). Le commerce (12%) et l’industrie (9%) arrivent ensuite. Les entreprises relevant de l’ESS, dont au premier plan les mutuelles et les coopératives, correspondent à 11% des sociétés à mission.
Un projet interne qui se partage
Si les raisons d’être intègrent un prisme social dans 75% des cas, les enjeux environnementaux sont présents pour 66% des sociétés et souvent combinés aux enjeux sociaux, pour la moitié d’entre elles. Les objectifs statutaires majoritairement sociaux et environnementaux (75%). Les dirigeants s’adressent à des enjeux de transition comme la préservation des écosystèmes naturels ou des biens communs, la consolidation de leurs relations avec écosystème ou encore l’amélioration des l’engagement des collaborateur·rice·s et de la marque employeur.
Pour initier leur transformation, les entreprises mobilisent plutôt leurs forces internes. Le projet est initié par la vision du dirigeant auquel contribue l’équipe de direction générale, les actionnaire et les salarié·e·s. Si la définition de la mission s’élabore en interne, le comité de mission fait la part belle à l’externe puisque 4 entreprises sur 5 ont intégré au moins une partie prenante externe dans la gouvernance de la mission. Ce comité est mis en place pour vérifier que l’entreprise tient bien ses promesses et l’aider à faire évoluer ses pratiques. Dans le cas contraire, elle peut perdre son statut.
Dans ces réunions, on retrouve ainsi la direction générale, des expert·e·s et des chercheur·euse·s, des client·e·s, des actionnaires, des fournisseurs mais aussi des représentants de la société civile. Une composition somme toute logique car l’impact environnemental et sociétal d’une entreprise dépend aussi de ses fournisseurs, de ses clients et de son écosystème.