L'heure venue, les entreprises auront un rôle crucial à jouer dans le cadre de la campagne vaccinale contre le Covid-19. La plupart d’entre elles ont mené de telles opérations par le passé, afin de prémunir leurs salarié·e·s de diverses maladies. Elles ont l’expérience qui leur permet d’être efficaces en la matière. Leur puissance de frappe est majeure : elles concentrent, en toute logique, la plus grande part des quelque 30 millions d’actifs que compte la France , selon les chiffres de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).
Certaines entreprises sont rodées à l'exercice
En décembre 2020, avant même que le premier vaccin contre le Covid-19 ne soit autorisé (celui de Pfizer-BioNTech), la ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, Élisabeth Borne indiquait à Franceinfo que les entreprises prendront "leur part" : "Je pense que les entreprises qui participent à la stratégie de vaccination contre la grippe auront, le moment venu, leur rôle à jouer. Quand on généralisera la vaccination, elles seront mises à contribution." De grands groupes, tels que Renault et EDF, n’avaient alors pas tardé à mettre en place des cellules de réflexion en interne pour anticiper cette possibilité. Une organisation que préparent également des entreprises de taille plus modeste, comme l’agence e-marketing montpelliéraine JVWEB.
Cette entreprise de 65 salarié·e·s propose, chaque année, la vaccination contre la grippe saisonnière. "J’ai eu un grand déclic lorsqu’un de mes proches a failli en mourir, expose à Maddyness Jonathan Vidor. C’est l’événement qui m’a conduit à proposer cet acte dans ma société." Le dirigeant, qui regrette de n’avoir pu reconduire l’opération cette année du fait d’une pénurie de vaccins, appuie sur "l’adhésion" de ses employé·e·s. Environ un tiers d’entre eux se serait ainsi porté volontaire lors de la campagne vaccinale de 2019-2020. Un chiffre à comparer avec celui de la population générale, qui s’établissait à 47,8 % sur la même période selon Santé Publique France. "Or l’âge moyen est seulement de 28 ans dans l’entreprise" , assure Jonathan Vidor, qui voit là une forme de mobilisation citoyenne.
Garantir le secret médical
À en croire le dirigeant, la logistique n’est, qui plus est, pas si difficile à mettre en place pour une entreprise de cette taille. "Nous mettons une salle, dans nos locaux, à disposition d’un infirmier le temps d’une demi-journée. L’accès est libre et chaque employé décide ou non de se faire vacciner" , raconte Jonathan Vidor. Un moyen d’assurer le secret médical, puisqu’une société n’a ni droit d’imposer cet acte, ni de connaître le statut vaccinal des uns ou des autres. De ce fait, l’employeur ne connaît pas à l’avance le nombre de doses qui seront nécessaires pour mener l’opération. "Quand le vaccin est disponible en quantité suffisante, nous en réservons donc plus que ce dont nous avons besoin auprès de notre pharmacie de proximité. L’infirmier les récupère avant de venir, puis ramène les doses qui n’ont pas été utilisées" , indique par expérience le patron de JVWEB, qui prend à sa charge les coûts. Pour la gripe, une entreprise débourse en moyenne 7 euros par dose de vaccin auquel il faut ajouter le même tarif à chaque acte infirmier.
D’ordinaire, pour la grippe saisonnière, l’agence e-marketing fait part de l’initiative à ses collaborateur·rice·s par simple mail. Dans le cadre du Covid-19, elle entend profiter d’un rendez-vous mensuel par visioconférence pour lancer la campagne : "Le doute est sans doute plus présent dans les esprits. Procéder de cette façon nous permettra de rassurer, avec notamment une session questions-réponses." Ce sera aussi l’occasion de rappeler que la vaccination ne se fera pas à marche forcée. "Il est hors de question de conditionner des déplacements à un acte médical, pas plus que la présence dans les locaux" , affirme Jonathan Vidor, qui préconisera aux personnes inquiètes de s'entretenir plus longuement avec les ressources humaines (RH).
Des incertitudes demeurent quant au calendrier
Le chef d’entreprise ne doute pas véritablement du futur succès de l’opération. "7 salariés sur 10 disent, à date, avoir l’intention de se faire vacciner. D’abord parce qu’ils veulent protéger leurs proches, plus âgés et donc plus à risque. Mais aussi dans le but de participer à une dynamique générale qui vise à ce que l’on puisse tous retrouver une vie normale" , rapporte Jonathan Vidor, qui juge que "le fait que l’acte soit gratuit et proposé facilite la vie" des employé·e·s – qui n’ont pas à s’en préoccuper sur leur temps libre.
Demeurent plusieurs inconnues. Quand la vaccination sera-t-elle possible en entreprises ? "L'Agence régionale de santé (ARS) et la médecine du travail disent n’avoir aucune visibilité. Ce qui est sûr, c’est que nous ne nous attendons pas à pouvoir lancer l’opération avant la fin du second trimestre 2021" , avance Jonathan Vidor, sur la base du calendrier récemment arrêté par le gouvernement. Les entreprises présentent un intérêt pour la stratégie nationale. "Ce sont des hubs. Elles savent encadrer de larges groupes de personnes et pourraient également permettre à l’État de limiter les coûts, en mettant leurs locaux à disposition de la campagne de vaccination" , souligne le dirigeant, qui incite ses homologues à se préparer par crainte qu’une forme de paralysie s'installe : "Le Covid-19 étant pris en charge par la Sécurité sociale, seul le coût de l’intervention d’un infirmier restera à votre charge."