2 décembre 2020
2 décembre 2020
Temps de lecture : 5 minutes
5 min
20140

À La Courneuve, un incubateur veut faire passer le périph' aux VC

La pépinière d’entreprises de La Courneuve, en Seine-Saint-Denis, mise sur des valeurs de diversité et de partage pour favoriser le développement de startups locales. Portrait.
ÉCOUTER L’ARTICLE
Temps de lecture : 5 minutes

Republication d'un article du 16 septembre 2020

Qui a dit que les projets entrepreneuriaux ambitieux n’émergent pas des banlieues ? À La Courneuve, en Seine-Saint-Denis, une pépinière d’entreprises s’attache à tordre le cou à cette idée. Depuis son inauguration en 2005, en lieu et place d’une barre d’immeubles, elle a joué un rôle important dans le développement d’une poignée de startups aujourd’hui bien installées. C’est notamment le cas de La Fourche, qui propose sur abonnement une sélection des meilleurs produits bio pour 30% moins cher en moyenne que dans le commerce traditionnel. "Leur équipe n’était composée que de trois collaborateurs lorsqu’ils sont sortis de la pépinière. Un an plus tard, la startup en comptait une soixantaine", se réjouit Romain Jullien, responsable de la structure, pointant les réussites du programme d’accompagnement, géré par la Maison de l'initiative économique locale (Miel) et financé à 85% par l'Union européenne.

Faire de la diversité une force

La pépinière ne désemplit pas. Ses 31 locaux – de 15 à 137 mètres carrés, pour un loyer échelonné de 325 à 1200 euros selon la surface – sont occupés par des jeunes pousses très variées. "En tant que structure généraliste, nous faisons le choix de ne pas nous borner à certains secteurs d’activité. La liste d’attente est longue, mais le renouvellement est permanent puisqu’un tiers des locaux se libèrent tous les ans" , indique à Maddyness Romain Jullien. Un comité de sélection, somme toute assez classique, se met en place pour choisir les futurs locataires. Sont ainsi étudiés la viabilité du projet entrepreneurial, son adéquation avec la structure, mais aussi son impact sur l’économie et la vie locale. "La diversité est au coeur de notre modèle. Cela sous-entend de recruter des talents du coin" , souligne le responsable.

C’est, en partie, ce qui a motivé les entreprises membres à s’installer. "Notre présence ici permet de réduire les inégalités territoriales, d’autant plus qu’il existe des techniciens très qualifiés" , rappelle Karino Kang, président directeur-général de Leviathan Dynamics, qui met au point des pompes à chaleur éco-énergétiques et a rejoint la pépinière en janvier 2020 après un séjour au sein de l’incubateur des Arts et Métiers (Paris). La jeune pousse a installé ordinateurs et machines industrielles dans l’un des ateliers au rez-de-chaussée du bâtiment, comme quatre autres entreprises. À l’étage, ses homologues se répartissent entre bureaux ou espace de coworking. "Ce dernier nous permet de repérer, puis de mettre à l’épreuve les projets qui intégreront peut-être demain la pépinière" , confie Romain Jullien.

Une philosophie du partage

Lors du confinement, la plupart des entreprises ont préféré adopter le télétravail. Elles n’ont cependant pas tardé à réinvestir le site. "J’y vois le signe du besoin qu’elles ont de travailler socialement, d’échanger leurs bonnes pratiques" , juge Romain Jullien. Des temps de partage, il y en a régulièrement. Si un tiers des sociétés accompagnées sont des startups, les deux autres tiers sont des TPE. Une taille qui devient intéressante pour conseiller les derniers arrivés. La pépinière a mis en place des réunions trimestrielles ainsi que des ateliers, au cours desquels des sujets aussi divers que ceux des aides à l’embauche ou de la prospection commerciale sont abordés. "La plupart du temps, une société expose le problème qu’elle rencontre… et dix autres ont des conseils à lui donner" , précise le responsable, satisfait.

Au-delà de cet échange de bons procédés, les unes commercent souvent avec les autres. Agipaie, dont le logiciel Openpaye est utilisé par 200 entreprises pour verser les salaires de leurs employés, compte des clients parmi les sociétés de la pépinière. "C’est ce soutien que nous sommes, entre autres, venus chercher ici" , explique Daouda Diallo, co-fondateur de la startup, mettant également en avant la possibilité de bénéficier des avantages fiscaux prévus pour les entreprises établies dans les Zones Franches Urbaines (ZFU) et la volonté réelle de diversifier le tissu économique de ville de La Courneuve. Les startups, qui peuvent rester jusqu’à six ans au sein de la pépinière, font d’ailleurs souvent le choix de rester dans le département lorsqu’elles quittent cette dernière – au bout de trois ans en moyenne.

Quelques difficultés se font cela dit ressentir, de l’autre côté du périphérique. Les sociétés membres, qui affichent un chiffre d’affaires moyen d’environ 300 000 euros, tendent à entrer précocement sur le marché… par obligation. "Nous leur faisons part de l’importance de levée des fonds. Un problème subsiste : ce n’est pas toujours une évidence pour les investisseurs de mettre de l’argent dans des boîtes de banlieue. Les solutions mises au point sont pourtant aussi intéressantes qu’à Paris" , regrette Romain Jullien, qui insiste néanmoins sur le fait que le taux de pérennité des entreprises à trois ans se situe autour de 90%. Ce chiffre doit beaucoup au soutien sans faille de la puissance publique, qui investit par le biais de Bpifrance et accorde davantage de bourses FrenchTech – c’est le cas d’Agipaie. "Nous regrettons, par ailleurs, de ne compter à l'heure actuelle que deux sociétés dirigées par des femmes" , confesse Romain Jullien, citant l'exemple de la startup Madame La Présidente et de ses compléments alimentaires naturels. Un déséquilibre qu'il s'agira de réduire au maximum à l'occasion des prochaines sélections.

Partager
Ne passez pas à côté de l'économie de demain, recevez tous les jours à 7H30 la newsletter de Maddyness.
Légende photo :
Pépinière d'entreprises de La Courneuve