257 millions d’euros pour Mirakl en septembre, 372 millions pour Ynsect et 140 millions pour Sendinblue en octobre… et la liste n'est pas terminée. En 2020, neuf startups ont levé 100 millions d’euros ou plus auprès de fonds de capital-risque. Bien qu’elles soient souvent adossées à de la dette bancaire, les levées de fonds ont le vent poupe après avoir été longtemps boudées par les entrepreneurs qui rechignaient à voir leurs parts diluées avec l'arrivée de nouveaux actionnaires. Mais ces opérations clinquantes occultent les difficultés de plus petites entreprises à trouver des lignes de financement plus modestes.
Certes, les fonds d'amorçage sont montés en puissance et les établissements bancaires ont structuré des offres dédiées mais les barrières restent nombreuses pour les entreprises qui n'entrent pas toujours ni dans les codes traditionnels des VCs ni dans ceux des banques. "Aujourd’hui, on sait très bien financer le numérique et les logiciels, qui nécessitent peu d’investissements de départ" , constate ainsi Aymeric Wuidart, président de Compoz, nouvelle marque made in France, naturelle et engagée qui prétend révolutionner notre lien aux odeurs avec son compositeur de parfum intelligent permettant de composer naturellement une infinité d’émotions olfactives, améliorant ainsi le bien-être au quotidien. "L’innovation brevetée en hardware exige une approche différente. Pour pouvoir être mis sur le marché, surtout sur un produit haut de gamme, ce dernier doit être très mature pour répondre aux exigences utilisateurs. Cela demande des investissements plus lourds et des immobilisations conséquentes” . Des financements plus difficiles à obtenir qu’il n'y paraît.
Des financements traditionnels moins adaptés en temps de crise
Plusieurs outils financiers existent pourtant pour combler les besoins des entrepreneurs : les subventions, l'ouverture du capital et l'endettement bancaire. Mais les premières ne sont souvent pas suffisantes pour couvrir une phase de production et d’industrialisation et la seconde implique que l'entrepreneur accepte de se diluer à un stade encore très précoce du développement de son entreprise. Reste donc le prêt auprès d’une banque. Mais, là encore, deux écueils majeurs peuvent rebuter les innovateurs.
D’abord, les banques exigent la plupart du temps des garanties personnelles des entrepreneurs pour limiter leur exposition au risque. Garantie sur les biens ou caution personnelle des fondateurs font donc grimper le tensiomètre de ces derniers. Ensuite, les délais d'obtention de ces prêts peuvent être longs… et donc peu compatibles avec les timings serrés des startups. "Nous avons mis quatre mois à débloquer un prêt classique avec notre partenaire bancaire historique” , relate ainsi Aymeric Wuidart. Une éternité, alors que la startup se trouvait au printemps dans une situation délicate suite à l’apparition de la crise du COVID. En mars, l’entreprise devait ainsi impérativement commander son matériel de production pour préparer ses ventes de fin d'année, véritable temps fort dans l'univers du parfum.
Une levée de fonds devait lui permettre de financer ces investissements mais la crise a refroidi les ardeurs des capitaux-risqueurs, qui préféraient alors se concentrer sur le soutien aux entreprises déjà présentes dans leur portefeuille. "Nous avons choisi de retarder l’ouverture de notre capital à une période qui nous offrirait des conditions plus avantageuses” , précise le fondateur de Compoz. Mais comment couvrir ses besoins en fonds de roulement et finaliser l’industrialisation de son innovation sans cette manne financière ?
Peu de contraintes pour les entrepreneur·se·s
La réponse est venue de sa rencontre avec Aurélien Valet, chargé d’affaires PME et entreprises innovantes et responsable Néo Business à la Caisse d’Epargne Normandie, qui lui a soumis l'idée de souscrire le prêt innovation de la Caisse d’Epargne, garanti par le Fonds Européen d'investissement (FEI). Contrairement à d'autres établissements bancaires, la Caisse d’Epargne bénéficie d'un partenariat avec le FEI qui lui permet de distribuer directement ce prêt à ses clients. "C’est un dispositif très peu connu car peu de banques le proposent” , constate Aurélien Valet.
Il présente pourtant des atouts non négligeables. "Il ne nécessite aucune caution personnelle" , souligne Aurélien Valet, ce qui accélère d'autant l’étude des dossiers et "cible tout type de dépenses : les CAPEX corporels, ce qui n'est pas le plus difficile à financer pour un banquier traditionnel, mais aussi les CAPEX incorporels. Ça peut être intéressant dans le cadre d’une startup B2B avec un modèle SaaS qui présente des besoins en fonds de roulement pour financer l’acquisition clients, par exemple.”
Enfin, last but not least, le prêt innovation bénéficie de la garantie FEI à hauteur de 50 % du montant du prêt, ou même à 80 % depuis le début de la crise si l’entreprise qui contracte le prêt peut justifier d'un impact du Covid sur son activité. Cette garantie est compatible avec d’autres dispositifs de garanties publiques.
Un dispositif souple
Une aubaine pour Compoz face à cette crise inattendue. "Limiter la caution personnelle du dirigeant est toujours important et c’est le seul dispositif qui nous proposait une garantie à 80 %, précise Aymeric Wuidart. On a obtenu l’agrément en environ une semaine ce qui nous a permis de finaliser notre tour de financement bancaire et d’engager sans attendre les investissements nécessaires pour sortir nos produits à temps pour Noël et assurer notre plan de commandes.” Un soulagement pour la startup qui a ainsi pu traverser sereinement la crise et lancer son produit au Bon Marché Rive Gauche pour les fêtes de fin d’année.
Le dispositif pourrait ainsi être utile à d’autres startups qui traversent cette période compliquée. "Il y a eu beaucoup de communication autour du prêt garanti par l’Etat, qui est un dispositif majeur de soutien aux entreprises mais ne peut pas répondre à tous les besoins, rappelle Aurélien Valet. Pour y avoir droit, il faut pouvoir justifier d’une baisse de chiffre d’affaires, alors que le prêt-innovation FEI peut aussi s’adresser à des entreprises dont l’activité a été positivement affectée par le Covid et qui ont besoin de faire des investissements pour se développer.”
Reste que si le prêt-innovation FEI est un levier de financement rêvé pour les entrepreneurs, il faut tout de même remplir quelques conditions pour y prétendre : être une PME ou une ETI au sens de la réglementation européenne de moins de 3 000 salariés, pouvoir justifier d’une activité innovante (avoir reçu des aides publiques liées au financement de l’innovation, avoir déposé un brevet ou produire un projet innovant documenté) et couvrir vos dépenses d’innovation qu’elles soient matérielles et immatérielles. Sa durée est de dix ans maximum, avec une possibilité de différé d’amortissement.
Maddyness, partenaire média du dispositif Néo Business à la Caisse d’Epargne