7 avril 2022
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Temps de lecture : 7 minutes
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La SpaceTech française, entre exploitation de données et infrastructures

[LE DÉCOLLAGE DE LA SPACETECH TRICOLORE 1/6] Les startups de la SpaceTech, dont les solutions reposent sur l’exploitation des données spatiales, ont les reins de plus en plus solides. L’accessibilité de l’information, doublée de nouveaux financements, porte le secteur. Ces derniers mois, ce domaine a vu émerger des fabricants de satellites et de lanceurs que l’on regroupe sous l’appellation de New Space.
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On serait tenté de croire que les cas d’usage liés aux données spatiales sont très limités. Mais, depuis une poignée d’années, la diversité tend à s’exprimer au sein de l’écosystème français. La SpaceTech est à l’origine de solutions multiples, à même de répondre à des problématiques soulevées par des domaines aussi variés que l’agriculture, les transports ou les assurances. Signe de cette percée : entre début 2018 et fin 2020, quelque 35 startups ont levé un total de 260 millions d’euros, selon les calculs du Centre national d’études spatiales (Cnes). Cette structure publique, créée en 1961 dans le but de coordonner les activités et financements français du secteur, anticipe ainsi une forte progression de l’intérêt pour les données satellitaires. De quoi favoriser l’émergence de champions tricolores, alors que des difficultés persistaient encore jusqu’aux années 2020.

Soutenir la croissance des startups

Les informations spatiales prennent une autre tournure avec l’avènement de l’intelligence artificielle. De plus en plus d’acteurs s’en emparent en vue de finalités diverses, poussant la SpaceTech à sortir peu à peu du seul champ du développement d’infrastructures – au premier rang desquelles, les satellites. "Nous constatons une accélération de l’exploitation des données produites dans le cadre des programmes européens Copernicus et Galileo, depuis six ou sept ans. Une cohorte de startups s’est constituée pour mettre ces dernières au service des professionnels et particuliers" , explique ainsi Christelle Astorg-Lepine, précédemment chargée de projet Connect by Cnes, une structure visant à démocratiser et stimuler le développement de ces usages nouveaux, et désormais à la tête du programme d’accélération de startups du domaine Blast.

L’exploitation des données spatiales en temps réel permet, par exemple, à l’AssurTech Descartes Underwriting, qui a levé 125 millions d’euros depuis 2019, de modéliser l’évolution du risque climatique selon les régions. "Des investissements si importants dans des jeunes pousses du secteur étaient encore inimaginables, il y a peu. Cela commence à prendre, du fait de la pédagogie réalisée pour expliquer l’intérêt des données spatiales et faire connaître les innovations, juge Christelle Astorg-Lepine, regrettant que, "passé le cap de la série A, cela reste compliqué. Il faut parfois six mois pour avoir une réponse des investisseurs, quand cela n’est que 15 jours outre-Atlantique. Nous manquons de grands fonds pour financer la croissance de ces jeunes entreprises [Starburst compte, en partie, pallier ce problème en lançant son propre véhicule prochainement, N.D.L.R.]. Ce qu’il se passe pour Doctolib est formidable. La SpaceTech doit jouir de la même force de frappe."

Répondre aux enjeux du XXIe siècle

Pour faciliter la prise en main des données spatiales par les entrepreneurs, le Cnes s’est doté d’un programme capable de parler "le langage des startups" . "L’idée est de faire mûrir des projets à présenter pour convaincre les investisseurs privés et collectivités territoriales du potentiel de ces informations" , indique celle qui était chargée de projet au Cnes, affirmant que cette structure spécifique "aborde les choses différemment" . Celle-ci a, par exemple, appuyé la jeune pousse francilienne SpaceSense par le biais de son "Space Ticket" . "Cela nous a donné accès à du financement avec Bpifrance, ainsi qu’à un suivi technique sur certaines solutions que nous développons" , détaille Sami Yacoubi, co-fondateur, mettant en avant la levée de fonds d’un million d’euros réalisée fin 2020.

"L’accompagnement recoupe plusieurs de nos expertises, des télécoms à l’accès aux jeux de données" , confirme Frédéric Adragna, chargé du soutien aux startups du New Space au Cnes, qui souligne "la tradition culturelle française des services spatiaux" . Et Sami Yacoubi de relever : "Aucune industrie, à l’exception du militaire et des énergies fossiles, n’utilisait pourtant l’imagerie satellite à son plein potentiel jusqu’à il y a peu. Combinée à l’IA, elle représente une technologie puissante pour répondre aux enjeux du XXIe siècle." Le but de SpaceSense est de rendre cette dernière accessible aux petites entreprises de l’agriculture, telle que l’Espagnole Plantae, experte de l’irrigation, qui parvient à déterminer l’humidité des sols à 30 cm de profondeur avec une précision de 90 % , pour permettre aux exploitants de réduire leurs factures en matière d’achats de capteurs et de consommation d’eau. C’est ce type d’initiatives que veut soutenir le président du Cnes, Philippe Baptiste, qui encourage l’établissement public à accepter le risque de signer des contrats avec les SpaceTech afin de permettre à ces dernières de gagner la confiance des investisseurs.

Vers une amplification du phénomène

"L’an prochain, nous irons sur des marchés comme l’assurance et l’environnement" , affirme Sami Yacoubi, qui estime que les progrès de miniaturisation des composants de satellites et la réduction du coût d’accès à l’espace – grâce à Space X, notamment – amplifieront encore la généralisation de l’exploitation des données spatiales par les PME "d’ici à une dizaine d’années" . Même constat pour Kayrros, selon qui "le spatial passe à un usage multiforme pour la prise de décision économique et opérationnelle des acteurs privés" . "C’est une tendance lourde, similaire au passage du GPS d’un strict usage militaire à d’infinis cas d’usage" , illustre Julien Camus, directeur administratif et financier, qui a levé 25 millions d’euros en mars 2022. La startup a mis au point une plateforme permettant aux décideurs de visualiser en temps réel le statut de leurs actifs industriels.

À noter que Connect by Cnes organise tous les deux ans le hackathon "ActInSpace" pour permettre à des startups de s’emparer des brevets de groupes tels que Thales ou Airbus. En 2018, 17 d’entre elles, issues de différents pays, avaient été retenues pour concevoir des applications de toutes pièces. La prochaine édition se tiendra dans le courant 2022. Côté incubation, le programme devrait voir la création de projets dans le domaine de la mobilité – tels que la localisation des trains de la SNCF "au centimètre près" . La structure a aussi élargi son champ d’action début 2022 afin d’intégrer le New Space, qui comprend les fabricants de satellites et de lanceurs. "Le but est de continuer à accompagner les acteurs qui utilisent les données spatiales, mais aussi ceux qui contribuent à les recueillir" , pointe Frédéric Adragna, qui précise qu’un livre blanc sera remis au gouvernement à l’issue des assises du New Space – qui se tiendront en juillet 2022 pour structurer de l’écosystème.

Dans ce domaine, Christelle Astorg-Lépine assure que l’on "assiste à l’émergence du New Space en France, avec des startups opérant dans le domaine des micro et nano-satellites" – à l’image de Venture Orbital Systems, Spark Orbital ou Syrius. La responsable de Blast s’attend, cela dit, à "une consolidation d’ici à trois ans, puisque les entreprises existantes couvrent presque toutes une partie différente de la chaîne de valeur" . D’autant plus que le secteur, peu rentable, ne permet pas à toutes d’obtenir les financements adéquats. Notant qu’il n’existe aucune licorne française dans la SpaceTech, Christelle Astorg-Lépine appelle à un sursaut : "Il faudra imaginer des startups studios spécialisés, à même de faciliter la rencontre entre recherche académique et aventure entrepreneuriale. Ces deux mondes ne se connaissent pas en France, contrairement aux États-Unis, où les thésards savent avant même de passer leur diplôme s’ils sont plutôt attirés par la recherche ou l’entrepreneuriat."

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Crédit : Chloé Passavant - Maddyness