écrit le 5 novembre 2020, MÀJ le 5 juin 2023
5 novembre 2020
Temps de lecture : 6 minutes
6 min
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La classe du futur remplie de technologie devra encore attendre un peu

Les États généraux pour le numérique dans l'éducation viennent de s'ouvrir. Convaincu des atouts des nouvelles technologies pour faciliter l'apprentissage, l'État a pourtant du mal à faire une place aux Edtech du secteur malgré des solutions qui pourraient enrichir les méthodes actuelles.
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Engagée depuis plusieurs années dans la numérisation du système éducatif, la France a développé des ressources et des plateformes pour aider les enseignant·e·s à intégrer de nouvelles solutions technologiques dans leur méthode d'apprentissage. À l'occasion des États généraux du numérique pour l'éducation, Maddyness a discuté avec Pixminds et Holy Owly pour comprendre comment de telles solutions numériques pourraient trouver leur place dans la classe du futur.

Les méthodes doivent évoluer 

Avec le confinement du printemps dernier, on a pu voir l'opportunité que pouvaient représenter les nouvelles technologies dans l'enseignement mais aussi le fossé que leurs usages créaient de fait entre les enfants, leurs parents et enseignant·e·s.  "D'après des discussions que j'ai pu avoir avec des professeurs enseignant l’histoire, la géographie et les maths au lycée, il existe une cassure entre les différentes générations d’étudiants qui se sont succédées et elle tend à être encore plus forte avec les plus jeunes" , relate ainsi Leo Giorgis, associé chez Pixminds. Les méthodes d’apprentissage "n'ont pas assez évolué ces dernières années et il est devenu très difficile de capter l’attention des élèves aujourd'hui".

Selon les multiples études réalisées sur le sujet, le temps d’attention d'un étudiant oscillerait entre 10 et 15 minutes avec de fortes fluctuations suivant les personnes. Au-delà de leur rôle principal d'enseignant, les professeurs ont désormais la lourde responsabilité de captiver et conserver l’attention de leur public comme Twitter, Facebook et Pinterest tentent de le faire pour nous garder sur leur plateforme. Sans succomber aux méthodes utilisées par ces géants, le numérique pourrait bien être un allié de taille, non seulement pour garder en éveil les cerveaux des élèves et des étudiant·e·s mais aussi les aider à avancer à leur rythme, pensent les startups positionnées sur ce segment de marché.

Donnez moi envie d'apprendre  

Jouer aux jeux vidéo a longtemps été considéré comme une activité réservée aux geeks et aux nerds. Pourtant, son usage dans l’enseignement n’est pas nouveau. Certaines générations se rappelleront peut-être d’Adibou, un jeu video ludo-éducatif sorti en 1992 proposant aux plus jeunes des défis et des challenges pour apprendre à lire ou calculer. Lier le jeu et l'apprentissage est aujourd'hui encore utilisé par des startups comme PowerZ ou Holy Owly qui intègre de la reconnaissance vocale et du gaming pour apprendre l’anglais aux enfants de 3 à 12 ans. "L'aspect gamification permet aux élèves de rester motivés car le jeu stimule leurs émotions, tous leurs sens et les aide à mieux mémoriser" , détaille Stéphanie Bourgeois, co-fondatrice de la startup. Une étude réalisée par Paola Vianez et Guilhem Olombe met en lumière différents avantages proposés par le jeu dans l'apprentissage (notion de groupe, de responsabilité, de réflexion...). Mais elle pointe également que la réalisation de tâches classiques apporte d'autres atouts qui peuvent finalement s'avérer complémentaires. C'est finalement le mix du numérique et des apprentissages classiques qui pourraient être les plus pertinents.

L’expérience proposée par Holy Owly va même plus en loin. "Nous venons d’intégrer à notre nouvelle version de l’apprentissage différencié permettant à chaque enfant d’avoir son propre parcours afin de le garder motivé" . Demain, des algorithmes bien entraînés pourraient repérer les principales difficultés des étudiant·e·s et leur pousser des exercices supplémentaires à faire à la maison pour combler leurs faiblesses ou simplement en avertir le professeur.

Même si le gamification pourrait s'avérer particulièrement intéressante voir efficace pour des élèves, certains collégiens, lycéens et étudiants pourraient s’avérer plus réfractaires à ces méthodes.

L'interactivité au coeur des processus

Tablettes, réalité virtuelle et autres outils technologies ne cessent de se développer pour offrir à leurs utilisateurs·rices des expériences immersives où ils deviennent acteurs·rices. Le temps de l'étudiant·e enraciné·e dans sa chaise serait-il bientôt révolu ? C’est dans cette optique que Pixminds a développé une classe interactive, actuellement testée à l’INSEEC (école de commerce à Chambéry). Ce mur interactif de 20m2 "permet aux professeurs de diffuser leurs cours, de lancer une vidéo ou un quizz d’un seul bouton" au moment opportun, décrit Leo Giorgis. Les élèves sont invités à se lever, à interagir directement avec l’écran. Dans le cadre d'un atelier de brainstorming, chaque groupe peut enregistrer ses pistes de réflexion sur un téléphone et les partager sur l'écran. "Le professeur pourra les lire, les commenter, en débattre avec les élèves" , poursuit Leo Giorgis.

Pour développer cette solution, l’équipe de Pixminds a fait appel à un expert pédagogique également chargé de lancer une série de tests pour identifier ce qui fonctionne et ce qui doit être amélioré. "Nous proposons une nouvelle méthode d'enseignement mais ce n'est pas la seule. Notre idée est de transformer la salle de classe en un lieu où on peut mixer un cours magistral, une séance de TP et de TD en même temps selon les besoins", renchérit Leo Giorgis.

Décloisonner l’espace permettrait ainsi d’ouvrir les esprits et moderniser les méthodes d’apprentissage, estime le dirigeant. D'autres options sont déjà envisagées par Pixminds comme la mise en place de caméra pour connecter le professeur à différents établissements en même temps. Dans ce cadre, des questions pourraient être directement posées par les étudiant·e·s à distance.

Des limites persistantes et un risque d’inégalité grandissant

Le prix de ce petit bijou de technologie (Pixminds) s’élève à 300 000 euros. "Un tarif relativement élevé qui n’est pas à la portée de tous les établissements, reconnaît Leo Giorgis. Nos premiers clients seront d’abord les écoles privées, nous ne toucherons le secteur public que si nous réalisons un accord avec le gouvernement" . Si l'État n'accélère pas sur ce sujet, nous risquons alors de nous retrouver avec une école à deux vitesses, creusant un peu plus les inégalités déjà existantes. Le confinement l'a déjà démontré, certains établissements et professeurs se sont trouvés bien démunis pour rester en lien avec leurs élèves, preuve que le numérique n'est pas entré dans tous les établissements.

Les enjeux sont multiples et touchent à la fois la formation des enseignants, le développement de nouveaux outils et des bibliothèques de contenu qui vont avec. "Le gouvernement s’est focalisé sur le numérique au sein des collèges et des lycées, oubliant le primaire", regrette Stéphanie Bourgeois qui prône pour un élargissement des investissements. L’éducation nationale a, en réalité, déjà noué plusieurs partenariats avec des entreprises et disposent de différentes ressources (plateforme, site) regroupant des contenus pédagogiques même si ceux destinés au primaire restent limités. Ce qui peut s’expliquer par la jeunesse des élèves et les questionnements autour des numérique et des écrans pour de jeunes enfants.

Intégrer les Edtech dans les écoles ne dépend pas que de l'État. Dans un article publié mi-septembre 2020, nous revenions sur le financement des Edtech et les freins qui perduraient. Au-delà d’un manque de maturité des solutions destinées à l'éducation et non aux professionnels, on note une certaine lourdeur administrative doublée de nombreux questionnement comme le choix des solutions proposées aux enseignants dont les besoins peuvent varier.

À l’heure ou les Etats généraux s'ouvrent, Stéphanie Bourgeois note que "la France est très en retard par rapport à des pays comme le Canada " . Le marché reste encore en pleine structuration et les deux parties, startups et administration, ont encore du travail à faire pour réussir à collaborer ensemble et rendre ces technologies accessibles au plus grand nombre.

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