En quoi consiste le poste de directeur des startups en France ?
Aujourd’hui, 180 millions d’entreprises sont présentes sur la famille d’applications Facebook (qui comprend Instagram et WhatsApp). En France, nous avons mis en place des formations gratuites pour les TPE-PME. Et quelques entreprises sont directement gérées par les employés de Facebook. Parmi celles-ci, on distingue deux catégories d’entreprises : les petites entreprises, gérées par un account manager à Dublin ; et des comptes plus sophistiqués, parfois des grands groupes, verticalisés et gérés par des équipes locales. Pendant longtemps, Facebook a été perçu uniquement comme un partenaire business : avec 39 millions d’utilisateurs actifs par mois en France, les entreprises avaient besoin d'une présence sur Facebook.
Mon rôle est de changer ce positionnement pour que Facebook devienne un partenaire de croissance des entreprises françaises. Cette transition accompagne la montée en puissance du rôle de Head of growth, créé il y a quelques années déjà au sein des entreprises. On ne parle plus de présence en ligne mais d’acquisition client : les investisseurs donnent de l’argent aux startups pour acquérir des clients au meilleur coût possible pour avoir les bons KPIs en vue d'une prochaine levée. La façon dont les startups utilisent les plateformes est donc très différente de ce qu'elles pouvaient y faire avant.
Il faut donc pouvoir identifier les startups très tôt pour les aider dans leur croissance, identifier ces disrupteurs qui changent radicalement la façon dont on fait du business. Nous avons des critères de sélection pour cela : nous épaulons des entreprises françaises, qui ont levé au moins 3 millions d'euros et qui disposent déjà d'une équipe acquisition en place. Nous sélectionnons entre 10 et 15 startups tous les six mois, parce que nous sommes persuadés que ce sont elles qui dessineront les grandes verticales de demain.
Qu’est-ce qui a décidé Facebook à créer ce poste, il y a quelques mois seulement ?
J'ai grandi à Paris, puis je suis parti faire mes études à Boston. J'ai travaillé pour Capgemini à New York, puis pour Goldman Sachs, où j'ai notamment dirigé l’acquisition de Clarity Money. En 2018, cela faisait dix ans que je m'étais expatrié aux États-Unis et j'ai eu envie de revenir en France. L'écosystème startup était devenu l’un des plus importants en Europe. J'ai alors rencontré les équipes de Facebook France, qui avaient envie d’en faire plus pour les startups. On observait la même dynamique en France que ce qui s'était passé en Israël, où il y avait déjà un directeur des startups. La décision a alors été prise de créer ce poste. C'était parfait pour moi, je n'allais pas être trop dépaysé en rejoignant une entreprise américaine en France (rires).
Vous évoquez le modèle israélien. Mais est-ce vraiment possible de le répliquer en France ?
Ce qui fait qu’Israël est une startup nation, c'est cette idée que le marché local est tout petit et qu'il faut penser très vite à l’international. Les produits et services des entreprises sont créés en anglais, ils n'existent parfois même pas en hébreu, avec l’objectif d'une commercialisation aux États-Unis. Les équipes tech restent en local, où il y a beaucoup de très bons ingénieurs, et les équipes commerciales sont basées aux États-Unis.
En France, mais c'est aussi valable pour le Royaume-Uni, l'ambition des entrepreneurs est plus grande que jamais, avec des perspectives d'internationalisation très rapide. On a envie de faire partie de cette aventure ! Les startups vont grossir très rapidement, parce qu'il y a davantage d’argent injecté, plus d’ambition et des projets qui se développent de plus en plus rapidement. L'écosystème français est plus mature que jamais.
Vous portez un regard très positif sur l'écosystème français
Il y a dix ans, si on m’avait proposé de revenir, j'aurais eu l'impression de revenir en arrière. La France était alors très en retard par rapport à ce que je voyais aux États-Unis. Mais en 2018, j'ai été ébloui par l’émancipation des entrepreneurs et des startups tricolores.
Ce qui a changé, en dix ans, c'est aussi l'émergence des réseaux sociaux et leur puissance de frappe : aujourd'hui, on peut créer une entreprise en étant freelance. Ce sont des outils très faciles d’utilisation, tout est numérisé. Les réseaux sociaux comme Facebook avec des millions d’utilisateurs en France, des milliards dans le monde, offrent désormais avec leurs algorithmes la possibilité de trouver très facilement des cibles qualifiées de consommateurs. Il y a donc encore plus d’entrepreneurs, de boîtes qui se créent grâce à cela.
Que peut apporter Facebook à l’écosystème startup français ?
Nos piliers sont le produit, la croissance et la créativité. Notre mission est d'aider les startups à créer des produits sur Facebook, comme des chatbots, en faire des leviers de leur développement et optimiser leurs créations sur la plateforme pour les outils Facebook. Chacun de ces piliers est géré par un account manager de mon équipe, qui devient l'équivalent d'un head of growth externalisé.
Nous cherchons donc des startups qui ont une problématique qui peut être résolue avec les outils Facebook, notamment dans les secteurs de l'e-commerce, de la Fintech, de l'Assurtech ou du luxe, qui commercialisent des produits physiques... Pour cela, nous travaillons beaucoup avec les fonds d’investissement. Nous passons en revue les entreprises de leur portefeuille ou même de leur deal flow. Nous cherchons à la fois des disrupteurs, comme Qonto ou Virtuo, et des entreprises early stage, comme Pennylane ou Agicap, qui ont de vrais sujets de croissance. Avis aux entrepreneurs, nous allons bientôt commencer la sélection pour 2021 !
On voit déjà le résultat de notre travail : le nombre d’applications de startups sur Facebook a doublé en six mois, elles ont réduit leur coût d'acquisition de 50%… Ce sont des KPIs qui sont regardés de près par les investisseurs, notamment pour les startups early stage qui ont des enjeux financiers très présents à l'esprit. D'ailleurs, 30% des startups avec lesquelles nous avons travaillé ont levé de l’argent pendant ou juste après notre accompagnement. Et c'est un accomplissement pour nous, alors que nous avons lancé nos activités récemment, au dernier trimestre 2019.
Ce que nous avons aussi en tête pour 2021 est de créer des ponts entre les grands comptes avec lesquels nous sommes en relation et ces startups. Peut-être qu’un acteur traditionnel a envie de rencontrer ces disrupteurs ? Comme nos équipes travaillent avec ces deux types d’acteurs, elles peuvent apporter du savoir à nos clients traditionnels, tout en respectant les politiques de confidentialité.
Est-ce que l’image de Facebook, qui a été écornée ces derniers mois, peut être un frein pour travailler avec des startups ?
Cela ne nous a posé aucun problème jusqu'à présent. Une des choses que je préfère avec mon poste, c'est la possibilité de rencontrer des entrepreneurs qui ont envie de faire avancer l’économie, de contribuer à l’émancipation de l’écosystème. Ils ont besoin d’aide sur l’acquisition, vont lever de l’argent. Et nous sommes tournés vers les startups avec des objectifs très business. Cela n'est donc pas un sujet.
Quelles sont vos relations avec le Startup Garage, le programme de Facebook à Station F ? Votre activité s'inscrit-elle en prolongation de celui-ci pour les pépites sélectionnées ?
Le programme est géré par une autre équipe chez Facebook, avec l'objectif d'aider les entrepreneurs à créer des produits qui se vendent sur la plateforme Facebook. C'est donc très axé produit, avec un spectre tout particulier sur l'intelligence artificielle et la privacy. Nous évoquons le produit mais notre focus à nous est la croissance et l'acquisition client. Nous voulons avoir un angle plus large parce que c'est aujourd'hui ce dont les startups ont besoin.
Le programme Startup Garage a décidé de basculer en ligne en raison de la crise du coronavirus, lorsque la dernière promotion est sortie, en mars. Notre espace à Station F est fermé et nous réfléchissons à l’évolution de ce programme, afin d'optimiser son impact à la réouverture.
Vous avez travaillé chez Goldman Sachs, où vous avez notamment supervisé des rachats de startups. Est-ce que c’est votre objectif pour Facebook en France ?
On a beaucoup parlé des startups mais on a senti un vrai besoin de la part des investisseurs également. Nous n'avions jamais travaillé avec des fonds auparavant. Alors Facebook s'est posé la question : pourquoi, alors qu’il y a tant d’argent disponible ? Il y a tellement de startups en France que les décisions d'investissement deviennent plus compliquées. Quelles sont les startups early stage qui vont grossir ? Qui seront les futurs disrupteurs ? Nous avons décidé de travailler avec les fonds de façon très rapprochée et avons ensuite dupliqué ce fonctionnement à Singapour, au Royaume-Uni et aux États-Unis. Pour un VC qui investit dans une startup, savoir qu’elle va être accompagnée par quelqu'un chez Facebook, ça change la donne.
C'est notre équipe corporate développement qui gère les opérations de fusions et acquisitions. En 2019, nous avons invité le responsable Europe de cette équipe à rencontrer la plupart des fonds actifs en France. Ils ont pu échanger sur leur portefeuille, sur la manière dont Facebook envisage les acquisitions. Cela fait partie de notre travail de pouvoir connecter les fonds avec différents interlocuteurs au sein de Facebook.