Quinze millions de tonnes équivalent carbone, c’est le volume de gaz à effet de serre émis par le numérique français en 2019, selon un rapport réalisé par le Sénat l'été dernier. Si rien n'est fait pour la réduire, cette empreinte carbone pourrait augmenter de 60% d'ici à 2040. Il n'est désormais plus permis de rester aveugle devant les conséquences environnementales engendrées par certaines technologies. Pour aider les entreprises à répondre à cet enjeu, The Shift Project travaille depuis 2017 sur la sobriété numérique. Dans son nouveau rapport, le think tank développe une méthodologie de calcul des bénéfices / coûts environnementaux ainsi qu'un guide pour repenser les systèmes d'information. Les travaux sont destinés à être repris et adaptés par les acteurs publics et privés.
Calculer le véritable coût énergétique des technologies choisies
Recourir à des solutions possédant une couche "intelligente", c’est-à-dire des technologies numériques, est un choix stratégique qui nécessite d'évaluer la réduction réelle de consommation d'énergie permise. Il est donc essentiel de ne pas limiter cette évaluation à l'impact immédiat proposé par la solution technologique mais de prendre en considération son coût de déploiement (environnemental, énergétique, carbone, en termes de besoin de maintenance et donc de formation et d’intrants extérieurs...).
C’est bien cette quantification globale qui permet de mettre en regard de manière objective le coût énergétique et carbone d’une solution avec le réduction qu’elle permet. The Shift Project a ainsi développé la méthode SMERT qui permet d’évaluer la pertinence énergétique d'un projet ou d'une technologie en prenant en compte les paramètres essentiels que sont le coût énergétique de production des composants de la couche connectée, la durée de vie des dispositifs, la consommation électrique associée au fonctionnement des dispositifs numérique, l'économie d’énergie permise par l'introduction de la couche numérique et d'éventuels paramètres pouvant influer sur ces économies d’énergie.
Repenser les comportements et le système informatique
L'introduction d'un nouvel outil, aussi vertueux soit-il, ne suffit malheureusement pas toujours à changer nos habitudes. Pour réussir le challenge d'une transition numérique vertueuse, il est essentiel d’introduire un véritable changement dans les modes de consommation au niveau de l’entreprise. Selon une récente étude d’IDC, cabinet de recherche international dans le domaine des technologies, le volume de données stockées atteindra 175 Zo (zettaoctet) en 2025, soit 5,3 fois plus que ce qui était stocké en 2018. Or, chaque octet supplémentaire nécessite de l'énergie, et induit donc un surplus d’émissions carbonées.
Aujourd'hui, la quasi-totalité des organisations se retrouvent dans une situation "d’obésité" technologique engendrée par la multiplication et l'empilement de différentes architectures, applications, données et technologies. Le système d'information déjà en place peut devenir un frein à sa transformation. À l’échelle d’une organisation, piloter et réduire l’impact environnemental de son système d’information revient à trois choses : mesurer la dépendance à une ressource qui risque de devenir rare et onéreuse, évaluer le risque économique lié à un changement réglementaire futur et estimer l'efficience de son système d’information (rapport valeur / énergie).
Pour maximiser la contribution à la neutralité carbone du secteur numérique, il est donc nécessaire d’optimiser l’usage de l’énergie mais aussi les ressources naturelles (ressources minières …) selon The Shift Project. Pour y arriver, les directions métiers des entreprises devront s’atteler à sélectionner les offres les plus efficaces sur le plan environnemental, de la fabrication à la consommation. Les applications choisies devront être économes en ressources tant sur les serveurs de l’organisation que sur les terminaux des clients. Les données stockées devront être gérées de façon rigoureuse et économe, et leur présence justifiée par leur plus-value réelle.
Ce travail ne doit surtout pas se limiter à la seule sphère de l’entreprise indique l'association, mais doit faire l'objet d'une collaboration avec toutes les parties prenantes à l'activité de la société, notamment ses fournisseurs et ses clients. Seule l'instauration de ce cycle vertueux, tout le long de la chaîne de valeur pourra être efficace et permettre d’atteindre cette sobriété numérique, conclut The Shift Project.