C'est un sacré trompe-l'oeil que nous offrent les entreprises. Alors que la crise frappe depuis plusieurs mois et que le pire - à savoir des vagues de licenciements à la suite de fermetures - est régulièrement annoncé, les entreprises semblent être à la fête.Si on s'en tient aux chiffres bruts. Les créations ont ainsi encore été nombreuses en septembre, en hausse de 2,3% par rapport au mois d'août. Après une chute vertigineuse en avril-mai, le nombre de nouvelles immatriculations d'entreprises avait rebondi de 38,2% en juin, puis de 9,1% en juillet, ce qui leur avait permis de retrouver leur niveau d'avant-crise. Au total, 83 825 entreprises ont été créées en septembre en France, dont 25,8% de sociétés et 74,2% d'entreprises individuelles. De juillet à septembre 2020, le nombre cumulé d'entreprises créées est en "nette hausse", pour l'Insee, par rapport aux mêmes mois de 2019.
Pour compléter cette vision idyllique, les défaillances d'entreprises, elles, sont en nette baisse : au troisième trimestre, la société Altares a observé une baisse de 35% des défaillances par rapport à la même période en 2019, le chiffre tombant à "seulement" 6700. Depuis janvier, 24 000 ouvertures de procédures collectives ont été prononcées par les tribunaux, soit le plus bas niveau de défaillances depuis 1989. Une statistique qui peut sembler étonnante au regard de la crise économique qui se prolonge.
Un pansement sur une plaie béante
Paradoxalement, c'est bien la crise qui fait artificiellement baisser le nombre de défaillances : d'abord parce que le moratoire décidé fin mars par le gouvernement sur les procédures collectives courait jusqu'au 24 août, ce qui a mécaniquement limité les décisions des tribunaux ; ensuite parce que les nombreuses aides accordées aux entreprises, des PGE au report de charges, les maintiennent sous perfusion.
Le trompe-l'oeil est donc parfait, la situation à court terme semblant s'améliorer alors qu'elle se détériore à long terme.
Si en surface, tout va bien, la face cachée de l'iceberg est donc moins reluisante. Alors que depuis 2016, le taux de liquidations judiciaires parmi les défaillances s'était stabilisé au troisième trimestre autour de 67%, il a cette année bondi à plus de 75%. Ce qui signifie que la situation financière des entreprises en difficulté est bien pire qu'à l'accoutumée. Accroché·e·s à l'espoir d'obtenir une aide d'urgence ou aveuglé·e·s d'en avoir eu le bénéfice immédiat, les entrepreneur·se·s tardent à prendre des mesures de long terme pour la trésorerie de leur société, comme la restructuration de leur dette.
Une vague de faillites n'est donc pas à exclure dans les prochains mois. Elle interviendra plus tard qu'initialement annoncée, retardée par les aides d'urgence mais pas évitée pour autant. Pour ne pas sombrer dans ce scénario catastrophe, il faudra aux entreprises certes beaucoup de résilience mais surtout une véritable prise de conscience sur la nécessité d'être accompagnées, notamment par les tribunaux. Pour surmonter les difficultés, il faut commencer par y faire face !
Maddyness avec AFP