Tribunes par François Many
28 septembre 2020
28 septembre 2020
Temps de lecture : 5 minutes
5 min
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Pourquoi devenir CEO n’est pas une fin en soi quand on créé sa startup

Trop de startuppeurs et startuppeuses se rêvent en Jeff Bezos, à la fois fondateur et PDG de leur propre entreprise. Comme si devenir CEO était une fin en soi ! L’expérience montre qu’être à la fois un grand visionnaire et un gestionnaire hors pair n’est pas donné à tout le monde… L’heure de vous regarder en face est venue : et si vous n’étiez pas les mieux placés pour diriger vos entreprises ?
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Dans l’histoire d’une startup, tout commence toujours par une idée, une illumination, un eurêka ! Dans le jargon, c’est ce que l’on appelle la vision, cette sorte d’ambition inspirante qui ne prétend rien moins que changer le monde ou les hommes ! Point de départ d’un projet d’entreprise, elle est aussi sa raison d’être, son pourquoi, le sens donné à ce qui est entrepris, bref le socle sur lequel tout repose. Le fondateur ou la fondatrice de startup est donc visionnaire ou n’est pas. Soit. Mais que se passe-t-il ensuite ?

Pour qu’une vision se convertisse en réalité, il faut qu’elle quitte le monde des idées et s’incarne dans un projet concret dont il va falloir manager les différents aspects opérationnels. Et c’est là en général que le bât blesse… Car, comme se le dit trop souvent – à tort – le fondateur ou la fondatrice de startup : qui mieux que lui, ou elle, pourrait prendre les rênes du projet né dans son esprit ? Une fausse question qui, parce qu’elle fait l’économie d’une vraie réflexion –  voire même d’une introspection, nous reviendrons sur ce point – mène souvent les principaux intéressés droit dans le mur.

Président, PDG, CEO : le titre ne fait pas le moine

Si faute de vision, de liberté, de goût du risque, tout le monde n’est pas capable de fonder une entreprise, tout le monde n’est pas non plus capable de la diriger. Pour s’en convaincre, arrêtons-nous quelques instants sur les qualités indispensables à celui qui sera au quotidien aux commandes, à savoir le Directeur Général ou plutôt le CEO (Chief Executive Officer), comme on aime à le nommer aujourd’hui dans l’écosystème de la startup.

Ce profil pourrait se résumer en trois mots : chef d’orchestre, gestionnaire et manager. En mesure de négocier, de recruter, d’acheter ou de vendre, le CEO doit en effet assurer la gestion de l’entreprise et de ses ressources tout en obtenant le meilleur de chacun des membres de son équipe. Leader dans l’âme, il doit savoir fédérer ses troupes pour suivre le cap indiqué par le fondateur. Rien d’étonnant donc à ce que ce titre fasse rêver plus d’un entrepreneur en herbe…

Attention, mélange des genres !

Pourtant, le fondateur et le CEO, que bien souvent l’on confond par ignorance, n’ont donc clairement pas le même rôle dans l’entreprise. Est-ce à dire que l’un est forcément distinct de l’autre ? Pas nécessairement. Il peut arriver que, né sous une bonne étoile, l’on cumule les qualités de visionnaire, de manager, de leader et que l’on soit suffisamment bien organisé pour jouer tous les rôles en même temps. Toutefois, quand bien même la nature nous aurait à ce point avantagé, l’histoire nous montre qu’il n’est pas toujours bon de tendre vers le mélange des genres.

Et pour cause : parce qu’elle est en charge de l’opérationnel, la direction générale d’une entreprise se doit d’être agile, flexible… et donc potentiellement renouvelable, que ce soit pour sortir d’une impasse, pour insuffler de nouvelles idées ou pour prendre un nouveau cap. Il n’est par exemple pas rare de voir les fonds d’investissement proposer (imposer ?), en même temps que leur soutien financier, un changement de management. Or exclure de la direction générale d’une entreprise le fondateur de cette dernière n’est jamais un bon signal !

Savoir faire de la place

A ce point de la réflexion, on pourrait se dire que la solution la plus simple pour un fondateur consiste à intégrer un profil extérieur pour s’adjoindre les compétences dont il ne dispose pas. Une fois encore, attention, les choses ne sont pas simples. Car trouver la bonne personne au bon moment pour occuper une fonction clé de l’entreprise ne s’improvise pas. Outre la délimitation du périmètre des compétences attendues, cette quête de la perle rare ne peut se passer, côté dirigeant, d’une réflexion sur sa capacité à faire de la place tout en continuant à donner le cap, à déléguer des fonctions opérationnelles sans pour autant les perdre de vue, mais aussi à faire confiance à celui qui par définition ne lui ressemblera pas. 

La légitimité en question 

Autant de réflexions qui pourraient se résumer en une seule question, celle inscrite à l’époque de Socrate au frontispice du temple de Delphes : Connais-toi toi-même ! Autrement dit, dans le contexte qui est le nôtre : connais tes forces et tes faiblesses, connais tes zones de confort et tes besoins, connais ta capacité à t’ouvrir et à accepter l’autre. Or, parce que nous sommes souvent de très mauvais juges de nous-mêmes, il me semble indispensable que chaque entrepreneur puisse être mis en contact avec des spécialistes cognitifs et comportementaux pour se faire une idée plus précise du profil psychométrique qui est le sien et des profils qui pourraient lui être complémentaires. Alors seulement, il saura si oui ou non il est légitime pour occuper telle ou telle fonction, pour porter tel ou tel titre.

On pourrait penser que l’Homme peut évoluer, apprendre, comprendre, se bonifier, etc. Soit, sans aucun doute, mais à quelle échéance ? La startup n’attend pas, le marché encore moins.

François Many est directeur général adjoint d'IncubAlliance

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