Faire justice à la musique. C'est ce qui a motivé Yves Riesel à fonder Qobuz, fin 2007. Le service de streaming, bien moins connu que ses concurrents Spotify ou Deezer, fait la part belle à la qualité sonore. Et, pour poursuivre cette ambition, il boucle une levée de fonds à hauteur de 10 millions d'euros auprès de ses actionnaires historiques – parmi lesquels figure Québecor, un géant du divertissement outre-Atlantique. "Une opportunité commerciale commune existe, relève Georges Fornay. Québecor possède des stations radio, un opérateur télécoms et une plateforme de visionnage de vidéos... mais pas de service de streaming musical. Nous opèrerons le sien et il nous aidera à nous imposer sur le marché nord-américain."
Adapter le service tout en préservant sa différence
66 millions d'euros ont été investis depuis la création de l'entreprise. Les investissements tendent d’ailleurs à s'accélérer, puisque le tiers de cette somme a été levé ces deux dernières années. Une recette qui semble savérer payante : Qobuz indique avoir enregistré "une croissance de 45 %" au cours de sa dernière année fiscale. "Le confinement a joué sur le nombre de téléchargements de morceaux, pointe Georges Fornay, qui se réjouit de constater que le cœur de cible du service réunit les deux conditions essentielles pour transformer l'essai. Ils ont le temps et l'argent, car les Français ont épargné en début d'année." Le client de Qobuz a un profil type. La moyenne d’âge tourne autour de 50 ans et les genres musicaux les plus écoutés sont le jazz et le pop-rock. Signe de l’intérêt d’un public plus jeune, l’électro commence aussi à monter en puissance selon l'entreprise.
Qobuz pense avoir toutes les cartes en main pour rivaliser avec certains acteurs majeurs, bien installés sur un marché mature. Fort d'un catalogue de 60 millions de titres, soit l'équivalent d’Amazon, Apple ou Spotify, le service vend sa qualité sonore. Un critère technique qui, selon lui, "est aujourd’hui bien moins intéressant pour les audiophiles qu'il ne l’était il y a 40 ans". Certains des derniers formats de fichiers audio, tels que le MP3, sont parfois compressés à tel point que la musique en pâtit. Qobuz a fait le pari de mettre sur pied une offre de niche, pour les plus passionné·e·s.
Une ambition mondiale face aux géants du secteur
Le Français a choisi de proposer un son 24 bits, au plus proche de la qualité des studios d'enregistrement. "On atteint les limites de ce que peut distinguer l'oreille humaine", souligne Georges Fornay, directeur général délégué du service de streaming et ancien président de Sony Computer Entertainment France entre 1995 et 2011. Trois types d'offres ont été imaginées, allant de 199,99 euros à 299,99 euros pour l’abonnement annuel – des déclinaisons mensuelles existent aussi, mais sont moins avantageuses. "Nous sommes le seul service de ce type à proposer du téléchargement dans les offres de base, sans surcoût, affirme le directeur général délégué, indiquant proposer quelque 300 000 critiques d'albums et 130 000 textes biographiques retraçant la carrière des artistes disponibles. Cela représente 13 années de travail pour mettre sur pied une offre taillée pour les connaisseurs."
C'est pour conquérir l'Amérique du Nord que l'entreprise a ouvert une filiale aux Etats-Unis, courant 2019. Ce douzième marché marque son ambition mondiale, alors qu'elle s'est jusqu'ici concentrée sur l'Europe de l'Ouest. "Nous ouvrirons six nouveaux pays d'ici à la fin décembre 2020", confie Georges Fornay, qui entend capitaliser sur l’image "luxueuse" renvoyée par la France à l'international pour vendre ce produit de niche. Pour se développer, la société dit vouloir embaucher "tous azimuts". "Il va s’agir d’évangéliser, en montant de grandes opérations marketing, tout en investissant dans la R&D", explique le directeur général délégué, rappelant que Qobuz compte aujourd'hui 70 salarié·e·s à plein temps et fait appel à 20 rédacteur·rice·s indépendant·e·s pour écrire ses contenus éditoriaux.
L'équipe dirigeante a, elle aussi, été consolidée. Après l'arrivée de Georges Fornay en juillet, Raphaël Awóṣéyìn cumulera la fonction de directeur de la relation clients avec celle de responsable de l’assurance qualité qu’il occupe depuis l’an dernier. La nouvelle directrice des ressources humaines, Céline Gallon, sera elle chargée d’étoffer les équipes en vue de l’internationalisation croissante du service. Un·e responsable de la marque sera, entre autres, recruté·e pour traduire cette stratégie en actes ces prochains mois.