Trois ans après sa deuxième - et jusque-là dernière - levée de fonds, en 2017, Yomoni remet ça avec un tour de table de 8,7 millions d'euros. Celui-ci a été bouclé auprès de ses investisseurs historiques, Weber Investissements et Crédit Mutuel Arkea mais aussi du management de la startup qui profite de l'opération pour se renforcer au capital. Une véritable déclaration d'indépendance, alors que plusieurs FinTechs ont été absorbées par des grands groupes ces derniers mois, la dernière en date étant Shine, passée sous la coupe de Société Générale avant l'été. "Nous avons estimé que ce n'était pas le moment de s’intégrer dans un groupe quel qu'il soit, que cela n'avait pas de sens aujourd'hui au niveau capitalistique" , tranche Sébastien d'Ornano, fondateur de Yomoni.
S'il a tenu à rester maître de son capital, l'entrepreneur n'exclut cependant pas de développer des synergies business avec les acteurs traditionnels de la finance. En effet, le service d'aide à l'épargne et à l'investissement proposé depuis 2015 par la jeune entreprise, qui a obtenu le statut de société de gestion dès ses débuts, pourrait aisément se combiner avec l'accompagnement proposé par les banques, qui peinent à cibler et retenir les profils qui trouvent au contraire leur bonheur chez Yomoni : "des cadres trentenaires, de catégories socio-professionnelles supérieures, des médecins ou des consultants, qui ont suffisamment mis de côté pour avoir une épargne de protection et souhaitent désormais investir le reste de leurs économies mais ne savent pas comment" , liste Sébastien d'Ornano.
Encore beaucoup à faire sur le marché français
L'entrepreneur rappelle que ces synergies ont constitué un important levier de développement pour ses concurrents européens, citant le robo-advisor allemand Scalable Capital, qui s'est rapproché d'IMG, et la plateforme italienne Moneyfarm qui s'est appuyée sur Allianz. De son côté, Yomoni a signé des partenariats de distribution avec Suravenir, une filiale de son investisseur Crédit Mutuel Arkea, ainsi qu'avec le courtier en assurance-vie Linxea. Pas encore de quoi faire de l'ombre aux géants bancaires en matière de gestion de patrimoine pour autant.
Des discussions sont engagées, souligne Sébastien d'Ornano, qui reste néanmoins pragmatique : "les banques françaises réalisent des marges plus importantes sur la gestion d'actifs que leurs concurrents étrangers, ce qui rend des synergies moins évidentes à mettre en place" . Mais estime que "la démonstration de notre performance permettra de basculer progressivement vers ce modèle de partenariats" .
Un nouvel axe de croissance, encore au stade embryonnaire donc, qui permettrait à Yomoni d'élargir considérablement ses horizons dans un marché français "extrêmement profond" , du fait de l'attachement des Français à l'épargne - les Français épargnent en moyenne 14% de leur revenu disponible, l'un des taux les plus hauts d'Europe. Un développement au-delà des frontières n'est donc pas à l'ordre du jour pour la startup, qui préfère s'atteler à son objectif du moment : "talonner les banques en ligne en matière d'ouvertures de comptes et de mandats signés" . D'autant que les règles fiscales européennes étant loin d'être harmonisées, une internationalisation s'avérerait particulièrement complexe. Mais, dans le sens inverse, cette complexité érige également une barrière quasi-infranchissable à l'entrée du marché tricolore, dont Yomoni espère bien profiter pour s'arroger la part du lion.
Maximiser les possibilités de placements
Et c'est peu dire que l'activité de l'entreprise a explosé ces derniers mois : le nombre de clients signés a bondi de 40% depuis fin 2019 pour atteindre les 21 000 mandats, tandis que les encours ont grimpé de 35% pour s'établir à 250 millions d'euros sous gestion. "On a vu arriver pendant la crise des clients opportunistes qui ont estimé que c'était le bon moment d'investir parce que les marchés étaient bas. Et d'autres qui, délaissés par leur banque, cherchaient simplement à être accompagnés" , évoque Sébastien d'Ornano. Le dirigeant se montre particulièrement confiant puisque, souligne-t-il, l'épargne massivement générée pendant la crise - quelque 100 milliards d'euros - n'a pas encore été investie, les Français manquant encore de visibilité pour la transformer en investissements à long terme.
Afin de capitaliser sur ces nouveaux arrivants et les accompagner au mieux sur la durée, Yomoni va ainsi profiter de sa levée de fonds pour diversifier son offre : historiquement positionnée sur les produits d'assurance-vie, la startup avait déjà étoffé son portefeuille avec l'épargne salariale et le mandat thématique Emergent ETF et travaille désormais à une offre de plan d'épargne retraite, qui devrait être opérationnelle d'ici la fin d'année. "Les clients qui nous rejoignent cherchent la performance avant tout, explique Sébastien d'Ornano. Le but est donc de pouvoir les accompagner au plus tôt dans leur cycle de vie puis de les conserver tout au long de leur vie patrimoniale, pour les accompagner dans le temps."