Article initialement publié en février 2020
Lors d’une rencontre organisée par l’Institute for the Future (IFTF) en mars 2017, les experts invités ont affirmé que 85% des emplois qui seront occupés en 2030 n'ont pas encore été inventés. Si le chiffre peut sembler légèrement aventureux (on voit mal comment se passer d’infirmières et de cuisiniers d’ici 10 ans), il est évident que les nouvelles technologies et la robotisation vont bouleverser le marché du travail. Mais les futurs jobs devront aussi rendre aux nouvelles attentes des consommateurs. Nous avons imaginé à quoi pourraient bien ressembler ces emplois.
ESO (Ethical sourcing officer)
Réduire ses déchets ou encore s’approvisionner localement : plus de la moitié des entreprises françaises sont engagées dans une démarche RSE (responsabilité sociétale des entreprises) selon l’organisme Ecovadis. Si le thème de l’environnement semble bien pris en compte, celui des "achats responsables" n’obtient une note que de 38 sur 100. L’Ethical sourcing officer devra rédiger une charte fournisseurs intégrant la RSE et vérifier que les pratiques de l’entreprise y répondent.
Exemple : la startup 1083, qui s’approvisionne auprès de fournisseurs exclusivement français pour fabriquer ses jeans et chaussures (à l’exception du coton bio).
Nettoyeur de données
La donnée est l'or noir des entreprises : fichiers clients, indicateurs financiers, historiques de ventes : il est tentant de vouloir tout conserver. Sauf qu’à peine 22% de ces données sont en réalité stratégiques selon une étude Veritas de 2016, les autres étant redondantes ou n’ayant aucune valeur. Coût annuel pour l’entreprise : 600 000 euros par an. Pire : une mauvaise gestion des données expose à une infraction avec le RGPD où à un risque de piratage. Le nettoyeur de données est chargé de faire le ménage parmi toutes les data récoltées, d’établir un programme d’archivage et de suppression et de sécuriser les accès aux données sensibles.
Exemple : la startup DataGalaxy cartographie les données de l’entreprise, automatise leur traitement et s’assure de leur conformité réglementaire et de leur traçabiité.
Broker en déchets
Objets en plastique, téléphones portables obsolètes, emballages en carton, nourriture… Selon la Banque mondiale, la production d’ordures ménagères va tripler d’ici 2050, pour atteindre 3,4 milliards de tonnes par an. Et c’est sans compter les déchets industriels, notamment ceux issus du bâtiment, ou encore les pales d’éoliennes et panneaux solaires obsolètes. Face à cette montagne de déchets, il va falloir organiser une économie circulaire, ou chaque matériau pourra être réemployé selon le meilleur usage possible. Pour cela, le broker en déchets achète et revend les déchets afin d’optimiser leur réemploi ou leur recyclage.
Exemple : la startup britannique Powervault, qui récupère les batteries de véhicules électriques plus assez performantes pour la route afin de servir de stockage l’énergie dans les maisons.
Organisateur de voyage virtuel
Entre la montée du "flygskam" (la honte de prendre l’avion), les déplacements de plus en plus couteux et la saturation de certains sites touristiques comme Venise ou Angkor, le tourisme mondial risque de connaître un coup de frein dans les prochaines années. Pas question pour autant de renoncer à l’évasion : la réalité virtuelle va permettre un accès à n’importe quel lieu sauvage reculé ou n’importe quelle collection de musée sans quitter son canapé. L’organisateur de voyage virtuel organise pour vous un périple sur mesure, à la rencontre de baleines au Canada ou dans les coulisses des grands musées sans fil d’attente !
Exemple : le château de Versailles qui propose de revivre la visite de l'ambassade du royaume de Siam à la cour de Louis XIV ou le Bal des Ifs sous Louis XV grâce à un casque de réalité virtuelle.
Contrôleur climatique
Même en accentuant les efforts de réduction des émissions de CO2, le réchauffement climatique est désormais inévitable. Pour y faire face, de nombreux pays envisagent le recours à la géoingénierie, afin de limiter le réchauffement ou de faire pleuvoir. Le projet SCoPEx (Expérience sur la Perturbation Stratosphérique Contrôlée), mené par l’université de Harvard, projette par exemple l’ensemencement des nuages avec du carbonate de calcium afin de réfléchir une partie des rayons solaires. Le contrôleur climatique ou géoingénieur est chargé de piloter ces projets, en veillant à leur impact sur les écosystèmes et le climat local.
Exemple : la Thaïlande a ensemencé des nuages pour faire pleuvoir et drainer les particules fines lors d’un sévère épisode de pollution en janvier 2019.
Concepteur d’homme augmenté
Grâce aux techniques de modification génétique et aux implants, il sera possible de concevoir un individu sur mesure, débarrassé des maladies et disposant de qualités "augmentées". Envie d’être pilote de chasse ? Profitez de la vision infrarouge en vous injectant des nanoparticules dans la rétine. Vous envisagez une carrière sportive ? Reprogrammez vos gènes pour produire plus d’EPO. Le concepteur d’homme augmenté envisage la meilleure combinaison possible de ces modifications, tout en limitant les risques de mauvaises interactions.
Exemple : la société américaine Medtronic et le chercheur Michael Kahana de l’Université de Pennsylvanie ont mis au point un implant cérébral capable d’améliorer la mémoire de 15% à 18%.
Architecte de maison intelligente
Selon le cabinet d’étude suédois Berg Insight, 82,3 millions de foyers européens seront équipés d’un système d’automatisation ou d’un équipement connecté pour leur maison d’ici 2023. L’architecte de maison intelligente devra réfléchir en amont à intégrer le plus harmonieusement possible tous les équipements domotiques (volets, ampoules, thermostat, caméras, réfrigérateur…) et repenser l’organisation de la maison, avec par exemple un miroir se transformant en écran ou un meuble aménageable en mini potager intérieur pour cultiver ses légumes.
Exemple : le système Velux Active par Netatmo, une fenêtre de toit connectée et motorisée qui s’ouvre ou se ferme en fonction de la température, l'humidité ou la concentration en CO2 intérieure.
Auditeur d’algorithme
Banques, réseaux sociaux, cabinets de recrutement, compagnies de transport, et même fisc et police : plus en plus d’entreprises et d’organismes s’appuient sur les algorithmes pour leurs décisions stratégiques. Mais attention au retour de bâton : fin 2019, l'algorithme utilisé par la carte de crédit d'Apple a été accusé de défavoriser les femmes dans l'obtention d'un crédit. L’auditeur d’algorithmes devra veiller à "épurer" les données de façon à ne pas introduire de biais dans sa conception (par exemple avec une surreprésentation d’hommes blancs) et à le rendre "explicable" donc plus transparent.
Exemple : le label ADEL (algorithm data ethics label), premier label sur l’éthique des algorithmes garantissant les bonnes pratiques numériques d’une entreprise.