Dans une période où le tout-numérique a gagné ses lettres de noblesse, les digital-native vertical brands (DNVB) ont été projetées sous les feux de la rampe. Ces marques ultra spécialisées, nées en ligne avant de parfois se développer dans des boutiques physiques, ont elles aussi été éprouvées par la crise mais ont pu mettre en avant les atouts de leur modèle pour résister contre vents et marées à la crise, que listait déjà le cabinet Clipperton dans une étude parue en début d'année,
"Les DNVB sont structurellement organisées sur le web, qui est pour la très grande majorité leur principale source de revenus ; leur coeur d'activité a donc pu perdurer pendant la crise" , appuie Sébastien Tortu, auteur de l'ouvrage DNVB, le (re)nouveau du commerce. Au contraire des retailers traditionnels qui ont dû s'adapter en urgence, les DNVB n'ont pas eu besoin de pivoter pour être performantes en ligne : c'est leur métier, leur principale force, dont elles n'ont pas hésité à tirer parti pendant la crise, alors que l'e-commerce a connu des semaines dorées.
Une chaîne logistique à toute épreuve
Les DNVB peuvent compter sur "une maîtrise de l'ensemble de leur chaîne de valeur, qui est un avantage compétitif certain" , explique Sébastien Tortu. Pas de produits bloqués dans les magasins ou les entrepôts des distributeurs, puisque les DNVB vendent en direct. De quoi leur donner une longueur d'avance également en matière de service client, davantage au fait de la situation des commandes et plus à même d'apporter une réponse rapide et précise aux interrogations des clients. "On a le sentiment que le modèle des DNVB a été un bouclier pendant la période, témoigne Julien Sylvain, fondateur de Tediber et également à l'origine de l'association France DNVB. On a réussi à continuer notre activité parce que nous avons créé un lien direct avec les consommateurs, que l'on fabrique localement sans dépendance à des importateurs pour nos matière premières et avec un modèle logistique simple."
Comme pour les commerces traditionnels, toutes les DNVB n'ont pas connu une croissance à trois chiffres sur la période comme l'a fait Tediber ; le type de produits vendus influe nécessairement sur la capacité d'une marque à résister à la crise. Mais la crise a bel et bien mis en exergue les indéniables atouts des DNVB, à commencer par une chaîne logistique à toute épreuve. "On a plutôt tendance à sur-investir sur le transport pour garantir des délais de livraison courts dans toute la France, détaille Julien Sylvain. Nous avons donc été peu touchés à ce niveau-là par la crise. On s'est d'ailleurs, encore plus que d'habitude, rendu compte de la valeur de nos partenaires transporteurs."
Autre motif de satisfaction pour la marque : les "stocks tampons" , en général utilisés pour anticiper des problèmes de transport, se sont révélés très utiles. "On connait bien notre modèle d’approvisionnement, nous avons toujours un niveau de stock important, de l'ordre de plusieurs millions d’euros. Cela nous a permis de conserver notre qualité d’expérience client, de continuer de livrer en 24 heures à Paris, y compris pendant le confinement." Un "investissement dans la qualité de service" sur lequel peu de DNVB rechignent et qui s'est révélé payant pendant la crise : alors que de nombreux marchands ont dû jongler avec les réclamations de leurs clients, Tediber a eu la (bonne) surprise de composer avec des clients très compréhensifs.
Être une DNVB ou ne pas l'être, telle est la question
Un modèle vertueux qui fait des émules. "On parle beaucoup des DNVB qui réussissent, donc les entrepreneurs pensent que c'est un modèle qui fonctionne forcément, soupire Sébastien Tortu. Mais ils oublient que cela implique des coûts logistiques, la gestion des retours et le management d'importantes équipes." Au risque que tout le monde veuille lancer sa DNVB sans se poser les bonnes questions... "Il faut d'abord lancer une marque pérenne, rentable... peu importe comment ! S’il faut passer par un intermédiaire parce que ça a du sens, notamment pour le client, oui, il faudra le faire comme l'a d'ailleurs fait Feed, par exemple."
Il y a cependant fort à parier que les DNVB devraient connaître un nouvel essor dans les mois à venir, d'autant que le confinement a renforcé leur attrait à l'international, qui était pourtant leur talon d'Achille jusque-là. Ainsi, le site Weglot, spécialiste de la traduction de sites, a recensé une augmentation de trafic de 50% entre mars et avril et même de 70% et 90% entre, respectivement, avril et juin par rapport au mois de février sur les pages traduites des clients DNVB pour lesquels il travaille. Preuve que la fermeture des frontières n'a pas entamé les velléités internationales ni des consommateur·trice·s ni des marques.