Saisi par par la ministre de la Transition écologique et solidaire et le secrétaire d’État chargé du numérique en février dernier, le Conseil national du numérique a élaboré une feuille de route sur les transitions numériques et écologiques. Réalisés en partenariat avec le Haut conseil pour le climat mais aussi des think tank, chercheurs et chercheuses, expert·e·s et associations, ce travail s’inscrit dans la lignée du livre blanc “Numérique et environnement” 2018. Cette nouvelle feuille de route détaille 50 mesures qui doivent permettre d’aboutir à un numérique au service de la transition écologique et solidaire, capable de répondre aux 17 objectifs de développement durable des Nations Unies. La stratégie établie repose sur trois piliers : élaborer un numérique sobre, mobiliser le potentiel du numérique au service de la transition écologique et solidaire et sensibiliser l’ensemble de la société à ce numérique responsable.
Réduire l’empreinte environnementale du numérique
Le succès des objectifs fixés par l’Accord de Paris est conditionné par le développement d’un numérique sobre, à la fois dans sa conception mais également dans son utilisation. Les producteurs et les consommateurs que sont les entreprises, les administrations et les particuliers devront être impliqués dans ce projet. L’objectif est d’atteindre zéro émission nette de gaz à effet de serre sans compensation et 100% de biens et services numériques éco-conçues d’ici 2030. Quatre grands leviers seront à actionner pour réussir ce challenge.
- Evaluation : il faudra généraliser le calcul de l’impact environnemental du numérique. Cette quantification permettra de sensibiliser plus facilement les parties prenantes,
- Conception : les services et biens numériques devront être pensés et fabriqués dans une logique de durabilité,
- Recyclage : le réemploi et la répartition devront être privilégiés. Les produits en fin de vie devront être collectés et recyclés à travers de nouvelles filières dédiées,
- Consommation : réduire et améliorer sa consommation.
Un numérique au service de la transition écologique et solidaire
Si le numérique est très critiqué pour son impact environnemental, il peut également être un formidable outil au service de la transition écologique et solidaire. Son potentiel est, par exemple, remarquable en agriculture où il permet d’améliorer la gestion de l’eau ou la surveillance des cultures. Pour favoriser l'émergence d’un numérique responsable, trois grands chemins devront être tracés :
- Ouvrir les datas : comme souvent dans le digital, la donnée est le nerf de la guerre. Il est essentiel de les mettre à disposition des startups ou projets qui souhaiteraient être développés,
- Mobiliser les technologies du numérique autour de projets sur l’innovation durable, les low tech, l’économie coopérative, l’agriculture, l’industrie du futur, la mobilité, l’énergie et les territoires durables et intelligent,
- Développer une intelligence artificielle européenne responsable, en cohérence avec la transition écologique et les ODD des Nations Unies.
En associant sobriété et responsabilité, l’objectif est de fortement réduire les émissions de gaz à effet de serre du numérique d’ici 2040 et d’associer high et low tech dans une logique commune et responsable.
Développer des outils pour un numérique responsable
Le rapport est clair : transition numérique et écologique doivent être actionnées ensemble pour être efficaces. Afin de les faire converger, il faut favoriser la rencontre des acteurs dans le cadre national mais aussi européen. Plusieurs conditions sont essentielles pour parvenir à la réalisation d’un numérique responsable :
- Créer un réseau coordonné d’acteurs du monde du numérique et de la transition écologique et solidaire pour favoriser les échanges,
- La pédagogie sera également au programme. L’ensemble de la société, des entreprises aux citoyens en passant par les politiques, devra être sensibilisée à l’usage d’un numérique plus responsable afin de leur inculquer les bons réflexes,
- Renforcer la formation et la recherche autour d’un numérique responsable,
- Elaborer un plan de financement des recommandations effectuées pour faire émerger un écosystème national et européen fort.
Les équipes à l’origine de cette feuille de route appellent à ce qu’elle soit mise en oeuvre “par une stratégie interministérielle sur le numérique responsable qui pourrait être copilotée par le Commissariat général au développement durable, la Direction générale des entreprises et la Direction interministérielle du numérique” .
Un avis sur les données environnementales d’intérêt général
Le Conseil national du numérique a également émis un avis sur le caractère juridique des données environnementales. Face à l’urgence que représente le réchauffement climatique, les membres du Conseil proposent que “les données environnementales soient considérées comme des données d’intérêt général et constituent ainsi une brique de la transition écologique et solidaire” . Par données environnementales, le Conseil entend “toute donnée par nature ou par destination, relative à l’environnement, à son état et/ou à ses flux d’interaction”. Globalement, le Conseil appelle à leur reconnaissance des données environnementales comme des données d’intérêt général. Il propose ainsi :
- D’inciter le partage de données d’intérêt général en facilitant l’approche contractuelle et par projet. Si cela est justifié, le partage de données environnementales d’intérêt général pourra être imposé en permettant leur reconnaissance par le juge ou par la loi,
- La construction d’un régime conciliant maîtrise et ouverture des données environnementales d’intérêt général afin de favoriser leur circulation dans le respect des droits fondamentaux tout en prenant en compte des principes éthiques et techniques forts (notamment pour garantir l'interopérabilité des données et le pouvoir d’agir des citoyens).
En réussissant à développer un numérique durable et responsable, la France pourrait s’imposer comme un acteur de premier plan sur la scène internationale. C’est pourquoi le Conseil appelle le gouvernement a imaginé un plan de relance économique sous le prisme de ses recommandations. Cette feuille de route servira également aux négociations sur les enjeux environnementaux auprès de la Commission européenne. Plus qu’une contrainte, le développement d’un numérique écologique et sociale est une opportunité à ne pas négliger.