Si en matière sanitaire, les plus optimistes proclament - de façon pour le moins présomptueuse - la fin de la pandémie du Covid-19, sur le front de l’emploi, il n’y a malheureusement guère de place au doute : les nuages s’amoncellent au-dessus de nos têtes et l’on n’aperçoit pour l’heure aucune éclaircie à l’horizon.
Grâce aux mesures d’activité partielle qui ont été déployées avec une rapidité historique dans notre pays, nous avons pu contenir la vague qui aux États-Unis a détruit plus de 36 millions d’emplois en seulement deux mois. Mais si notre modèle social a une fois encore démontré son efficacité et sa solidité, la litanie de plans sociaux qui se profile fait peser un risque majeur sur le marché du travail et les fractures qui traversent le pays.
Se former tout au long de sa vie
Face aux innombrables transitions professionnelles que la crise actuelle va entraîner dans son sillage, le gouvernement doit ériger une puissante digue pour préserver nos compétences, fluidifier le marché du travail et préparer l’emploi de demain en investissant massivement dans la formation tout au long de la vie. Pour y parvenir, il faut sans tarder s’atteler à réparer la fracture béante que les 55 jours de confinement ont mis au jour, entre les organismes de formation en mesure d’assurer une continuité pédagogique grâce à l’enseignement à distance, et ceux empêchés de réaliser leur mission faute d’avoir accompli leur transformation numérique à temps. Parce qu’on ne forme plus aujourd’hui comme on le faisait hier, cette modernisation de notre appareil de formation doit être considérée comme un chantier économique prioritaire comme c’est déjà le cas en Région Occitanie.
Cela étant, alors que le confinement a consacré l’essor des formations en ligne, le numérique ne peut constituer l’alpha et l’oméga de cette nécessaire transformation pédagogique. En effet, s’il comporte d’immenses vertus pour offrir une expérience d’apprentissage adaptée aux situations individuelles et lutter contre la fracture territoriale, il ne saurait se substituer aux moyens humains et au présentiel à plus haute valeur ajoutée, notamment auprès des publics les plus fragiles vers lesquels nos efforts doivent être dirigés en priorité. N’en déplaise aux manichéens, il nous faut emprunter le meilleur des outils numériques, du distanciel, et de la formation en salle pour bâtir une pédagogie nouvelle génération dite “phygitale” .
Cette crise souligne également l’urgence de faire converger nos efforts de formation vers la préparation aux métiers de demain, alors que le mouvement de destruction créatrice engagé bien avant le Covid - 85 % des métiers de 2030 n’existaient pas en 2017 - va s’accélérer à la faveur de cette crise. Dans cette perspective, il est indispensable de doter les Français·es d’une palette de compétences adaptée à cette lame de fond, pour faire rempart à la destruction du travail qui menace des pans entiers de notre économie. Cela doit passer par un plan national de formation à l’agilité numérique pour élever le niveau de maturité des Français·es et réduire les fractures face à ces nouveaux usages, ainsi que par la reconnaissance à part entière des soft-skills, dont nous disposons du monopole vis-à-vis de la machine.
Enfin, il est également temps de nous interroger sur l’efficacité des pratiques pédagogiques, des matières et des parcours proposés dans nos écoles, nos collèges et nos lycées à la lueur des transformations des métiers actuellement à l’oeuvre. Dans cette réflexion collective réside peut-être une partie du remède au fléau du décrochage scolaire alors que 100 000 jeunes sortent chaque année sans qualification du système éducatif, selon la dernière évaluation du CNESCO. En cela, les Assises du numérique éducatif du mois de novembre offrent une formidable opportunité de dessiner un horizon commun à l’Éducation nationale et au monde de la formation professionnelle, qu’on a trop longtemps opposés, alors qu’ils doivent concourir à la même ambition.
À l’automne dernier, le gouvernement a doté les Français d’une application mobile pour acheter une formation en quelques clics, une première mondiale. Bien plus qu’on portefeuille en euros, les Français·es attendent aujourd’hui qu’on leur propose un chemin, avec un véritable sens pour se lancer dans la formidable aventure de l’apprentissage tout au long de la vie.
Bruno Sola, Fondateur du Groupe Bizness