Tribunes par Juan Zamora
11 juin 2020
11 juin 2020
Temps de lecture : 5 minutes
5 min
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Les Legaltech de 2021 : quels enseignements tirer de la Fintech ?

S’il est vrai qu’il existe des points communs entre la legaltech et la fintech, ces deux secteurs émergents n’en demeurent pas moins à des stades de maturité très différents. Comment les technologiques juridiques peuvent-elles s'inspirer du succès des technologies bancaires ?
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Le secteur des technologies juridiques, dit " legaltech " est souvent comparé au secteur des technologies financières, également connu sous le nom de Fintech. S’il est vrai qu’il existe des points communs, ces deux secteurs émergents n’en demeurent pas moins à des stades de maturité très différents. Bien que le secteur de la Fintech ait déjà franchi sa période de perturbations, le secteur legaltech n’en est encore qu’aux premiers stades de ce voyage, même si la crise du Covid a nettement accéléré les choses.

En 2018, les investissements dans les plateformes technologiques juridiques ont franchi la barre du milliard de dollars, et ce chiffre a été dépassé en 2019 avec 1,23 milliard de dollars de financement à la fin du troisième trimestre seulement. Ce montant est un indicateur clair que le secteur connaît une phase de pleine croissance.

Une évolution vers une forme de maturité est nécessaire, au sein de laquelle la fragmentation des solutions et des investissements se consolide et laisse place à la transformation du marché et à l’émergence d’entreprises capables de faire tomber les barrières du domaine traditionnellement conservateur qu’est le secteur juridique, lequel se trouve également confronté au défi posé par la mondialisation.

Selon le rapport Lawtech Adoption Research, une étude sur la mise en œuvre des nouvelles technologies dans le secteur juridique, réalisée en février de cette année par Techmarketview et The Law Society of the United Kingdom, les cabinets d’avocats sont moins propices à adopter les évolutions que les autres secteurs. Face aux avantages potentiels des technologies de transformation, le secteur juridique est enraciné dans un modèle très traditionnel basé sur le nombre d’heures facturées (qui n’induit pas exactement d’efficacité et de gain de temps) tout en restant très attaché à tous les aspects liés au respect de la réglementation et à la sécurité.

Le secteur juridique, cependant, ne peut plus ignorer les changements et les innovations. Face à l’augmentation des coûts d’exploitation et aux graves menaces de perturbation posées par des modèles non traditionnels, le secteur juridique doit nécessairement abandonner les approches obsolètes et accroître son efficacité, en transformant le modèle commercial traditionnel afin de rester compétitif.

C’est dans la cadre de cette mutation que les solutions legaltech entrent en jeu, un secteur qui a connu une croissance exponentielle ces dernières années et a récemment montré des signes de maturité dans certains domaines. Pour autant, on constate toutefois que le marché en est toujours au stade des innovations et des premiers adeptes (ou visionnaires) et qu’il doit surmonter le gouffre qui le sépare des pragmatiques afin de pouvoir s’imposer.

Suivre les évolutions de la Fintech

Les institutions financières, tout comme le secteur juridique, ont souvent du mal à faire comprendre aux non-initiés leur marché, leur mode de fonctionnement, voir même leur langage. C’est pourquoi le secteur financier a tardé à prêter attention au secteur dynamique des startups Fintech qui a commencé à se développer il y a plus de dix ans, préférant générer ses propres solutions en interne. Cette méfiance a conduit à investir des efforts importants et des budgets conséquents afin de développer des outils et des technologies, déjà connues et plus performantes dans d’autres secteurs. La phase suivante a vu l’apparition de partenariats et de collaborations avec des startups, et bien que la méfiance soit restée de mise et le secteur a continué à évoluer jusqu’à atteindre la phase de maturité dans laquelle il se trouve aujourd’hui.

Le secteur juridique, en revanche, ne possède pas la même tradition d’investissement technologique que les institutions financières, lesquelles ont l’habitude d’utiliser des solutions automatisées dans le but d’améliorer leur efficacité, un domaine dans lequel elles ont beaucoup investi depuis les années 1980. Le secteur juridique, au contraire, a traditionnellement rechigné à toute forme d’automatisation, refusant de renoncer à des tâches qui, bien que fastidieuses, sont considérées comme le fondement même de la profession.

Il existe d’autre part des différences notables entre les deux secteurs en termes d’audience majoritaire et de niveau de perturbation qu’ils présentent. Dans le domaine des technologies financières, l’impact le plus important se situe dans l’environnement B2C, car le secteur a profité de la diffusion presque universelle des smartphones pour fournir aux consommateurs des technologies véritablement perturbatrices capables de proposer de nouveaux modèles pour effectuer des transactions financières. Les technologies légales, en revanche, s’adressent principalement aux entreprises et les changements qu’elles apportent aux professions juridiques ne sont pas aussi perturbateurs, car ils reposent davantage sur l’offre et l’amélioration des outils et des modèles existants que sur la création d’une véritable innovation ou de modèles différents.

Les étapes suivantes

Outre le fait que la plupart des marchés sont touchés par la crise du Covid-19, les revenus des services juridiques n’ont cessé de croître et devraient continuer à progresser à l’avenir. Dans ce contexte, il est logique de supposer qu’une partie de ces revenus sera affectée à l’innovation et à l’acquisition de nouvelles technologies.

Selon les prévisions de The Law Society, l’impact le plus important de la technologie juridique dans les années à venir se verra dans le domaine du B2B, en particulier dans les technologies liées à l’intelligence artificielle et à l’apprentissage automatique, les services à la demande dans le cloud, l’analyse et les recherches juridiques, ainsi que la gestion et l’analyse des contrats.

D’autre part, il existe d’autres domaines de développement vers lesquels les efforts de la majorité des startups ne sont pas encore dirigés et qui représentent un champ d’opportunités intéressantes : il s’agit de la conformité réglementaire et de la gestion des risques, deux secteurs où les effets de la mondialisation et l’augmentation de la charge réglementaire sur les cabinets juridiques se feront sentir plus intensément à l’avenir. Que ce soit dans ces domaines d’opportunité, ou dans d’autres domaines plus développés où existe une grande concentration d’innovations, il est clair que le changement connaît une accélération et, bien que le secteur juridique ait tardivement rejoint la révolution technologique, tous les experts s’accordent pour exprimer leur confiance dans la technologie juridique et leur optimisme pour l’avenir.

Juan Zamora est PDG de Signaturit

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Légende photo :
Noah Buscher