4 juin 2020
4 juin 2020
Temps de lecture : 6 minutes
6 min
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Entrepreneurs, après le choc, comment réengager votre équipe ?

Face à un choc ou une crise, les dirigeant·e·s sont plus que jamais capitaines de leur bateau-entreprise. Devant l'inconnu et l'imprévisible, comment faire pour réengager ses équipes ? Éric Albert, psychiatre spécialisé dans l'étude des comportements et des mutations culturelles, livre quelques conseils.
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Le 11 mai a sonné comme une libération. Le déconfinement acté, certains magasins ont rouvert et le ballet des salariés revenant au bureau a repris lentement son rythme. L’émulation, l’adrénaline ou l’angoisse engendrées par le confinement ont laissé place à une nouvelle période. Managers et dirigeants font alors face à un second challenge : réussir à réengager leurs équipes. Éric Albert, psychiatre et fondateur d'Uside, un cabinet spécialisé dans les mutations culturelles et des comportements, livre ses conseils pour activer les bons leviers d’engagement.

Interroger vos collaborateurs 

Le premier choc est passé, le confinement est terminé et un retour (presque) à la normale s’organise grâce à la réouverture prochaine des écoles. Mais cela ne signifie pas pour autant que tous vos salariés se portent bien. Chacun d’entre eux a vécu la crise de manière différente et il est important de continuer à les interroger sur leur ressenti. Sont-ils angoissés à l’idée de revenir travailler ? De prendre les transports en commun ? Craignent-ils pour leur emploi ? Sont-ils psychologiquement fatigués ? Ce premier bilan est essentiel pour mettre en place des solutions et des actions dont vos collaborateurs ont besoin pour se sentir bien et conserver toute leur motivation. 

Ré-unir ses équipes 

Cette période a pu engendrer des tensions, parfois non dites, entre les collaborateurs. L’absence de rencontre, de partage, de vision de l’autre pendant toute cette période a pu créer des jalousies. Seul·e chez soi, on peut avoir avoir facilement tendance à ruminer tel mail un peu sec, telle attitude ou tels propos “car nous ne disposons pas du langage verbal des autres collaborateurs” , explique Éric Albert. Or, un des éléments de régulation du stress au travail est le collectif, la “capacité de se soutenir les uns les autres”. Il est donc primordial de réussir à réunir les équipes pour "ré-enclencher cette dynamique de groupe”. Et pourquoi ne pas commencer par faire un bilan de la crise ?

Capitaliser sur la crise 

Une fois le gros du choc passé, il est important de clore cette période en réalisant un bilan de ce qu'il s’est passé. “Dans toute crise, il y a des éléments positifs à tirer et sur lesquels nous devons capitaliser” , estime le psychiatre. Tous les salariés doivent alors participer à cet échange pour donner leurs impressions, souligner ce qui a fonctionné comme ce qui a échoué. Il faut ensuite réussir à expliciter ces points, leur donner un poids dans l’entreprise : est-ce qu’ils ont permis d’améliorer la relation client ? ont fait perdre de l’argent ? est-ce qu’un effet de balancier a eu lieu ? Concernant les points négatifs, le chef d’entreprise fait face à un double travail. S’il est en capacité de modifier un process ou d’apporter une solution, il doit le faire. Dans le cas contraire, il doit passer à autre chose et faire en sorte que ses équipes ne ressassent pas ce point.

Être reconnaissant et le montrer

Les crises sont révélatrices des comportements des gens de manière générale. Certains collaborateurs vont s’engager à toute vitesse, être très réactifs, d’autres vont vouloir se protéger, en se mettant en chômage partiel par exemple. Ce phénomène s'observe à toutes les échelles de l'entreprise” , reconnaît Éric Albert. En tant qu’entrepreneur ou dirigeant d’entreprise, vous vous êtes appuyé sur les éléments les plus solides et les plus réactifs de votre entreprise, ne l'oubliez pas. Le déconfinement et le retour au bureau doivent être l’occasion de valoriser le travail et l’engagement fournis durant cette période. Attention toutefois à ne pas stigmatiser les autres salariés. Cette mise en avant peut prendre différentes formes : des remerciements, une prime ou l’octroi d’une nouvelle mission, dans l’immédiat ou à l’avenir. “La majorité des salariés ont fait des sacrifices pendant cette période et ont beaucoup travaillé” , souligne Éric Albert. C’est essentiel de leur montrer que ces efforts ont été remarqués et que leur voix compte.

Une nouvelle culture d’entreprise centrée autour du groupe 

Ce moment de “bilan-valorisation" peut-être l’occasion de créer une nouvelle culture d’entreprise en partant des besoins et des envies de chacun. Les dirigeants qui étaient sceptiques sur le télétravail se sont rendu compte que sa mise en place fonctionnait. “Les salariés ont acquis un confort de vie en pouvant travailler dans la tenue qu’ils souhaitent, confortablement”, il sera sans doute compliqué voire impossible de revenir en arrière. Faire la sourde oreille à de telles demandes serait une erreur. Instaurer le télétravail dans votre entreprise ou proposer une plus grande flexibilité à vos salariés nécessitera de mener une grande réflexion pour réussir à conserver une cohésion au sein de l'entreprise. “L’entretien d’une relation se fait de manière informelle avec un bonjour joyeux le matin, le partage d’une anecdote sur sa soirée…” À distance, il sera difficile de l'instituer mais pour autant, il faudra essayer. En attendant de passer au full remote, de nouveaux rituels peuvent déjà être mis en place autour d’un déjeuner hebdomadaire, d’une soirée thématique mensuelle, de cafés “roulette” ou de cours de sport. Alors, laissez libre cours à votre imagination !

Repasser à un mode de management plus horizontal

Dans les périodes de crise, on retrouve souvent un management assez vertical. C’est important d’aller vite dans les prises de décision et c’est au chef de décider”, estime Éric Albert. La plupart du temps, les dirigeants reviennent dans l'opérationnel, avec une certaine délectation. Et tout fonctionne très bien car, durant les crises, les entreprises bénéficient d’une certaine émulation. “Tout le monde subit une grande pression, travaille dans la même direction et doit délivrer très vite. Les tensions disparaissent, tout le monde s’entend" , poursuit le psychiatre. Le piège serait alors de croire que ce mode de management peut être pérenne. En réalité, dès que la crise prend fin, on observe une grande dispersion des acteurs et les tensions oubliées reviennent au galop. “Il est donc indispensable de revenir à un management plus participatif et collaboratif post-crise.” Cela est d’autant plus vrai que le télétravail a souvent permis aux salariés de bénéficier de plus d’autonomie et de liberté. L’entreprise doit à nouveau permettre aux collaborateurs de s’exprimer et d’être force de proposition. 

Prendre du temps pour soi, se préserver

Pris dans le tourbillon de la crise, le stress et l’angoisse de ne pas réussir à protéger son entreprise, le dirigeant s’oublie. Malgré les événements, “il doit impérativement faire des break, prendre des moments pour soi et se reposer” , indique enfin Éric Albert. “De nombreux chefs d’entreprise ou salariés continuent à multiplier les réunions alors qu’ils ne le feraient jamais s’ils n’étaient pas en télétravail ou soumis à une telle pression.” Le psychiatre conseille de réduire les échanges d’une heure à 50 minutes et de prendre 5 minutes pour soi et 5 autres pour fixer les objectifs de son prochain entretien. Sans cette discipline, "salariés et dirigeants risquent l'épuisement".

Prendre le temps de se poser pour être pleinement présent et en lien avec ses équipes et ses clients est essentiel. Être humain et présent, voilà peut-être la seule véritable clé pour motiver ses salariés !

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