Republication du 27 avril 2020
Cette procédure de prévention confidentielle (issue de la loi n°2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises) se distingue des procédures collectives et publiques que sont la sauvegarde, le redressement judiciaire ou la liquidation judiciaire. Outre sa confidentialité, elle présente les caractères suivants : elle est facultative, volontaire, personnelle et repose sur un mécanisme contractuel. Visant à résoudre des difficultés de trésorerie par un accord amiable de restructuration de l’endettement, et le cas échéant capitalistique, cette procédure est particulièrement adaptée aux sociétés en croissance rencontre une crise de cash, précisément dans le contexte de crise actuelle.
Un sauvetage rapide et confidentiel
À l’instar du mandat ad hoc, la procédure de conciliation vise à aboutir à un accord amiable, a priori confidentiel et avec l’aide d’un conciliateur nommé par le président du tribunal, entre le débiteur, ses créanciers et également ses actionnaires, lorsqu’ils font partie de la solution de sortie. Cet accord doit permettre d’assurer la pérennité de l’exploitation et d’éviter ainsi l’ouverture d’une procédure collective.
Son but est clair : prévenir les difficultés prévisibles de l’entreprise sans demander l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, y compris en cas de cessation des paiements.
Une procédure largement accessible…
Conformément aux articles L. 611-4 et L. 611-5 du Code de commerce, toute entreprise (individuelle ou société) exerçant une activité commerciale (telle que la vente de biens ou de services, quel que soit le secteur) ou artisanale, personne morale de droit privé, personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris les professions libérales, peuvent bénéficier d’une procédure de conciliation devant le tribunal.
En revanche, sont exclus du bénéfice de cette procédure les particuliers, syndicats de copropriété, agriculteurs, personnes morales de droit public et groupements de droit privé non dotés de la personnalité morale.
… y compris en cas de cessation des paiements
Les débiteurs éligibles peuvent solliciter l’ouverture d’une procédure de conciliation lorsqu’ils éprouvent une difficulté juridique, économique ou financière, avérée ou prévisible, et ne se trouvent pas en cessation des paiements depuis plus de quarante-cinq jours.
Ainsi, si des difficultés seulement " prévisibles " peuvent justifier l’ouverture d’une telle procédure, celle-ci peut également être ouverte plus tardivement, lorsque l’entreprise se trouve déjà dans l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible depuis moins de quarante-cinq jours.
Concrètement, lorsque la société a créé du passif public ou fournisseur pour faire face à ses échéances urgentes, ce qui traduit un état de cessation des paiements obligeant normalement le dirigeant à solliciter un redressement ou une liquidation judiciaire, la conciliation lui permet, si cet état de cessation des paiements est récent, de solliciter en lieu et place une procédure amiable et confidentielle pour tenter de résoudre les difficultés.
Une procédure conduite sous l’autorité du conciliateur
La procédure de conciliation est déclenchée à l’initiative dirigeant d’entreprise qui doit formuler sa demande par le biais d’une requête " exposant sa situation économique, sociale et financière, ses besoins de financement ainsi que, le cas échéant, les moyens d’y faire face " (art. L. 611-4 C. com. ; art. R. 611-22 C. com.).
Cette requête est adressée au président du tribunal qui appréciera ensuite l’étendue des difficultés alléguées pour décider d’ouvrir ou non la procédure. Lorsqu’elle est ouverte, la procédure de conciliation s’étend sur durée de quatre mois, mais peut être prorogée à la demande du conciliateur pour une durée d’un mois supplémentaire. Sa durée totale ne peut toutefois excéder cinq mois (art. L. 611-6 al. 2 C. com.).
À cet égard, il convient de relever que dans le cadre de l’ordonnance n° 2020-341 du 27 mars 2020 rendue pour adapter temporairement le droit des entreprises en difficulté dans le contexte actuel du Covid-19, cette durée est prorogée de cinq mois pour toute conciliation ouverte jusqu’au 24 août prochain (sous réserve d’une prorogation de l’état d’urgence).
Si une telle procédure est ouverte, celle-ci sera conduite sous l’autorité du conciliateur. Nommé par le juge, le conciliateur peut être librement choisi par le débiteur qui indiquera son nom dans sa requête, éventuellement après avoir recueilli l’avis de ses créanciers. Le président du tribunal fixera alors les conditions de sa rémunération sur la base de la convention de mission établie entre la société et le conciliateur.
La mission principale du conciliateur est d’œuvrer à la conclusion d’un accord amiable entre le débiteur et ses principaux créanciers, et le cas échéant, ses cocontractants habituels, visant à mettre fin aux difficultés de l’entreprise (art. L. 611-7 al. 1 C. com.). Le conciliateur réalisera avant tout un diagnostic de la situation financière, sur la base de prévisions d’exploitation et de trésorerie afin d’identifier la solution adaptée : report des échéances bancaires, moratoire de remboursement du passif public, abandon partiel des échéances bancaires, apport en capital, processus de cession etc.… La palette des solutions est large, l’enjeux est d’y faire adhérer l’ensemble des parties prenantes sur la base d’un diagnostic objectif de la situation financière.
La loi prévoit d’ailleurs spécifiquement que la société peut confier au conciliateur la recherche d’investisseurs tiers, le cas échéant en vue de mettre en œuvre cette reprise dans le cadre d’une procédure collective, mais dans un délai extrêmement court, si jamais un accord avec les créanciers n’a pas pu être trouvé.
Pendant toute la durée de la procédure, le débiteur est protégé contre une assignation éventuelle d’un créancier sollicitant l’ouverture d’une procédure collective ou d’une demande du ministère public (art. L. 631-5 alinéa 1 et 2 C. com.). De même, le débiteur " mis en demeure ou poursuivi par un créancier peut demander au juge qui a ouvert [la procédure de conciliation, à savoir le président du tribunal] " de lui accorder un délai de paiement d’une durée maximum de vingt-quatre mois, sur le fondement des articles 1343-5 et s. du Code civil (art. L. 611-10-1 C. com.).
Un accord traduisant le succès de la procédure
La réussite de la procédure de conciliation se matérialise par un accord conclu entre le débiteur et ses principaux créanciers, et le cas échéant ses actionnaires actuels ou nouveaux. Cet accord, constaté par le président du tribunal, demeure confidentiel. Cette confidentialité présentant un avantage certain pour les entreprises qui souhaitent rester discrètes sur leurs difficultés.
Pendant la durée de son exécution, l'accord constaté interrompt ou interdit toute action en justice et arrête ou interdit toute poursuite individuelle du débiteur dans le but d'obtenir le paiement des créances.
Les personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent également se prévaloir des termes de l'accord constaté.
Cet accord peut par ailleurs être homologué à la demande du débiteur lorsque celui-ci " n’est pas en cessation des paiements ou l’accord conclu y met fin ; les termes de l’accord sont de nature à assurer la pérennité de l’activité de l’entreprise ; l’accord ne porte pas atteinte aux intérêts des créanciers non signataires " , les trois conditions étant cumulatives (art. L. 611-8 C. com.). Cependant, contrairement à l’accord constaté, l’accord homologué est soumis à publicité.
En présence d’un accord homologué, les créanciers ayant consenti au débiteur en difficulté un nouvel apport en trésorerie ou un nouveau bien ou service, en vue d’assurer la poursuite de son activité et sa pérennité, bénéficient du privilège de conciliation. Ce privilège leur permet d’être payés pour le montant de leur apport ou du bien ou service par préférence en cas d’ouverture subséquente d’une procédure collective, ce qui constitue une garantie très forte pour les créanciers et de nature à faciliter l’octroi de financement en conciliation.
Tout comme l’accord constaté, l'accord homologué suspend, pendant la durée de son exécution, toute action en justice et toute poursuite individuelle en vue d'obtenir le paiement des créances qui en font l'objet. Les coobligés, cautions ou garants autonomes pouvant également s’en se prévaloir.
David Smadja est avocat au Barreau de Paris, Théophile Fornacciari est Of counsel chez FHB Administrateurs judiciaires