Dorothée Barth est tombée un peu par hasard dans l’univers de l’entrepreneuriat et des protections hygiéniques. “Je venais de m’installer à Nantes et j’avais entendu parlé d’un entrepreneur américain qui montait un startup studio. J’ai voulu le rencontrer pour lui proposer d’organiser sa communication” , explique la co-fondatrice de Jho. Mais là, rien ne se passe comme prévu. “Il m’a expliqué que j’étais faite pour être entrepreneure et m’a demandé si je voulais lancer une marque de tampon bio, un concept déjà développé aux États-Unis mais pas en France”.
En tant que journaliste santé, Dorothée Barth s’était déjà intéressée à la question de la toxicité de certains produits mais jamais sous l’angle des menstruations. Pourtant, le projet l’emballe immédiatement. “J’étais la cible parfaite, je comprenais donc le besoin mais j’avais besoin d’un.e associé.e spécialisé.e dans le marketing”. Elle rencontre alors Coline Mazeyrat qui partage la même vision qu’elle.
Le projet est alors incubé pendant trois mois au sein du startup studio Imagination Machine de Nantes et nourrit par les méthodes de développement américaine qui comprennent "d’agressives campagnes de communication sur Facebook" . Pour pouvoir réaliser leur plan marketing et fabriquer leurs premiers produits, les deux fondatrices réalisent une première levée en love money. Jho devient réalité en 2017.
Des produits respectueux des femmes, des hommes et de la planète
En mettant en avant la composition pour le moins inquiétante des protections hygiéniques, le syndrome du choc toxique a fait prendre conscience aux femmes de l’impact des tampons, cups et serviettes sur leur corps. Dorothée Barth et Coline Mazeyrat ont également été frappées par les nombreuses études publiées sur ce sujet et l’appel de l’Agence nationale de sécurité sanitaire à stopper l’utilisation de substances cancérogènes dans les protections périodiques.
En fondant Jho, qui signifie, “juste et honnête”, les deux jeunes femmes ont souhaité symboliser ce changement. Finis le plastique, la cellulose blanchie au chlore et les pesticides dans le coton, la startup utilise des produits respectueux des femmes et de la planète. En effet, le coton choisi est certifié GOTS, c’est-à-dire, garanti sans pesticide. “La France ne dispose pas des ressources nécessaires, nous nous approvisionnons donc en Espagne et nous essayons, petit à petit de diversifier nos sources avec l’Italie et l’Allemagne” , reconnaît Dorothée Barth.
La startup est également labellisée ICEA, ce qui garantit la juste rémunération et des conditions de travail décentes pour les paysans cultivant le coton. L'engagement de Jho ne s'arrête pas là. La startup reverse presque 2% de son chiffre d’affaires à des associations aidant les femmes à obtenir des protections hygiéniques. Au total, 40 000 euros ont déjà été versés à quatre associations en France et à l’étranger. “Nos clientes sont fières de contribuer à ce soutien” , estime également Dorothée Barth.
Un marché en pleine croissance
En moins de deux ans, les deux associés ont réalisé pas moins de 100 000 commandes et comptabilise déjà 50 000 clientes. Jho fonctionne sous forme de commande en ligne. La cliente peut choisir un abonnement trimestriel, les frais de ports sont alors offerts, ou réaliser un achat unique quand elle le souhaite. Dans tous les cas, la flexibilité est de rigueur : des produits peuvent être ajoutés seulement une fois pour les tester, les abonnements peuvent être suspendus et repris facilement. L’essentiel est de pouvoir apporter confort et sécurité aux femmes durant cette période.
Et pour accroître leur bien-être et contribué à briser le tabou sur les femmes, le “packaging a été pensé comme celui d’un produit de beauté classique qui peut être posé dans la salle de bain” , indique Dorothée Bath. Après tout, il s’agit bien d’un phénomène normal qui n’a pas à être caché.
Au départ, Jho touchait surtout des femmes “déjà conscientes de cette problématique, qui avaient une alimentation bio et les moyens de payer des protections hygiéniques un peu plus cher” , reconnaît Dorothée Barth. Mais dès la deuxième année, le cercle des consommatrices s’est élargi. “Le segment des 18-25 ans et des étudiantes est en croissance et les femmes n’hésitent plus à consacrer une partie de leur budget à ce pôle tous les mois” , poursuit-elle. Le succès est tel que la startup a dû recruter cinq personnes pour accompagner son développement. Et l’entreprise ne compte pas s’arrêter là.
Etre présente à tous les stades de la vie d'une femme
Jho veut s’adresser à toutes les femmes, quelque soit leur âge. Un kit “premières règles” a été mis en place cette année pour aider les jeunes filles à faire à cette nouvelle expérience et les aider à s’y retrouver parmi les choix qui s’offrent à elles. “Pour le moment, 80% des besoins des femmes sont satisfaits par notre gamme mais nous ne disposons pas encore des produits pour des femmes qui ont des flux abondants ou super abondants” , reconnaît Dorothée Barth. D’où le besoin de récolter des fonds et d’élargir la gamme. L’entreprise vient de lever deux millions d’euros auprès de Founders Future (le venture studio de Marc Ménasé), Siparex, Bamboo et du startup studio Imagination machine.
Après la culotte menstruelle, la jeune pousse compte s’attaquer au marché un peu plus tabou des fuites urinaires minimes et des femmes ménopausées. Dans un cas comme dans l’autre des produits spécifiques sont nécessaires. “Nous voulons être présents dans tous les moments de la vie des femmes, de leur premières règles à la ménopause en passant par la période post-accouchement”.
En parallèle, l’entreprise mènera un autre combat : apporter les tampons en entreprise. Très répandue aux États-Unis, la pratique prend de l’ampleur en France. “Nous recevons tellement de demandes d'enseignes comme Eram ou Ubisoft que nous allons recruter un.e commercial.e à plein temps”. Et d’autres embauches sont prévues. D’ici la fin de l’année l’équipe espère doubler ses effectifs. "La montagne est encore devant nous" , estime Dorothée Barth mais son ascension est déjà bien entamée.