C’est un marché qui a longtemps semblé verrouillé à toute disruption. Et pourtant, les secteurs de la finance et de l’assurance font aujourd’hui figures de pionniers en matière d’innovation. Les grands groupes traditionnels se sont adaptés et une première vague de startups Fintechs et Assurtechs ont réussi à se faire une place au soleil. Le Next 40 et le French Tech 120 témoignent d’ailleurs de la vitalité de ces verticales, avec quatre représentants dans l’indice phare de la French Tech (Alan, October, Payfit et Younited Crédit) et six autres au sein du second (Fortia Financial Solutions, Lemon Way, Lunchr, Lydia, Qonto et Spendesk).
Autant de succès qui ont montré la voie à une nouvelle génération d’entreprises, impatientes de confirmer qu’elles peuvent encore bousculer un secteur qui s’est déjà réinventé. Lesquelles deviendront de futurs poids lourds du secteur ? Lesquelles ne parviendront pas à se faire une place au soleil ? Maddyness et platform58, l’incubateur de la Banque Postale qui offre un accompagnement sur-mesure à des jeunes pousses de la Fintech et de l’Assurtech, se sont associés pour recenser les startups early stage de l’Assurtech et de la Fintech et mettre en exergue les verticales qui suscitent le plus l’engouement des entrepreneurs. Nous avons au total dénombré pas moins de 89 startups de moins de trois ans, encore non financées par des fonds d’investissement.
Pas de profil-type de startup à succès
Y a-t-il un profil-type de la startup sur laquelle miser pour dénicher une future licorne ? Pas vraiment. Certes, quelques grandes lignes se dessinent : une majorité des jeunes pousses du panorama sont situées dans la région parisienne (44% à Paris et 27% dans le reste de l’Île-de-France) ; ont été créées par un duo de fondateurs (50%) ; et présentent une équipe fondatrice 100% masculine (72%).
Mais le principal facteur de réussite réside ailleurs. “Nous avons affaire à des profils de fondateurs ou de fondatrices de plus en plus matures aujourd’hui, constate Fabien Monsallier, directeur de l’innovation de La Banque Postale. Beaucoup de Fintechs sont aujourd’hui créées par des non primo-entrepreneur·e·s, comme l’ont été Qonto, Alan ou Pixpay. ” Des talents qui bénéficient souvent d’une première expérience totalement étrangère à la finance ou l’assurance. “Cela témoigne de l’évolution de la société : beaucoup de secteurs ont été bousculés par l’e-commerce et ses nouvelles normes en matière d’expérience client. Pourquoi la finance ou l’assurance ne l’auraient pas été ? Ces profils parviennent à trouver un angle d’attaque, un vrai besoin auquel répondre grâce à un service qui relève ensuite de l’évidence. ”
L’évolution des technologies a également rendu les frontières entre les secteurs plus poreuses. “Le secteur financier est plus accessible aujourd’hui qu’il y a quelques années, relève Fabien Monsallier. Les barrières à l’entrée sont moins nombreuses et il est plus facile de s’adresser au milieu bancaire. ” De quoi susciter l’intérêt des entrepreneurs… mais aussi de certains investisseurs qu’on aurait pu penser éloignés de la Fintech ou de l’Assurtech, à l’instar de Tencent, qui a pourtant récemment pris des participations au sein de Lydia et de Qonto.
La revanche du B2B
Du côté des services, c’est le B2B qui s’impose. Si les technologies pour les professionnels ont longtemps été dans l’ombre des géants du paiement, Lydia en tête en France, les entrepreneurs privilégient désormais les business B2B ou B2B2C, comme en témoigne la répartition dans notre panorama : plus de la moitié des startups (57%) se destinent prioritairement aux banques, assurances, courtiers ou aux entreprises, alors que 43% s’adressent principalement aux particuliers. C’est d’autant plus marqué dans l’Assurtech où les deux tiers des startups sont B2B, contre à peine plus de la moitié pour les Fintechs. “On voit de moins en moins de projets B2C”, atteste ainsi Paul Foucault, responsable du deal-flow de platform58. “Les opportunités les plus évidentes en B2C ont déjà été prises et c’est donc plus compliqué de trouver des modèles viables, d’autant que la concurrence est forte. L’accès au marché est difficile avec des coûts d'acquisition client souvent élevés” , analyse-t-il.
C’est donc d’abord une forme de pragmatisme financier qui impose aux entrepreneurs de se focaliser sur le marché des professionnels. “Les startups parviennent mieux à commercialiser des services B2B, souligne Fabien Monsallier. Elles cherchent à travailler avec des clients rentables, pour elles-mêmes atteindre la rentabilité. ” Exit donc les activités sur-consommatrices de cash, comme les néobanques, bienvenue aux positionnements de niche qui permettent de combler les besoins quotidiens des pros. Pour cela, les entrepreneur·e·s n’hésitent pas à exploiter les failles des secteurs financier et assurantiel. “Le secteur bancaire s’appuie encore beaucoup sur des processus manuels et le papier, note Fabien Monsallier. Nous voyons donc arriver beaucoup de startups en lien avec les sujets de la data, qui ont la capacité d’affiner la prise de décisions ou l’évaluation du risque. ”
Serait-ce la fin pure et simple de l’engouement pour les technologies B2C ? Pas tout à fait. Là encore, tout est affaire de positionnement. “Il y a dix ans, on assistait à la première vague de Fintechs, dont beaucoup travaillaient dans le paiement, se rappelle le directeur de l’innovation de La Banque Postale. Le financement a été très dynamique dans ce secteur et il a semblé plutôt bien couvert. Mais il connaît aujourd’hui un retour sur le devant de la scène. ” C’est ainsi que des startups comme Spliiit parviennent à réinventer le paiement - la startup permet de partager à plusieurs le coût d’un abonnement à différents services (médias, plateformes de divertissement ou logiciels). Même constat du côté de l’Assurtech où les rares services B2C ont privilégié l’hyper-spécialisation, à l’instar de l’assurance voyage d’Insurly ou l’assurance d’électronique ou électroménager d’Aio.
Des secteurs précurseurs
La crise actuelle pourrait cependant bien redessiner les contours des deux secteurs, comme le précise Xavier Gomez, directeur général d’Invyo. " Cette crise va sûrement faire émerger de nouveaux acteurs afin de combler les manques et les besoins du marché. Un besoin de consommer autrement les services financiers émerge, favorisant de nouveaux services et la création de nouveaux modèles économiques. L’avenir nous dira si la crise du Covid-19 va bénéficier à de nouveaux acteurs et contribuer à améliorer l’expérience client. " Fintechs et Assurtechs sont en première ligne des entreprises mobilisées pour apporter leur aide aussi bien aux sociétés touchées qu’aux particuliers confinés qui doivent apprendre à consommer autrement.
Et si les pionnières de ces deux secteurs jouent évidemment les porte-étendards, les startups early stage ne sont pas en reste. Mais doivent pourtant composer avec un paysage financier en pleine recomposition. " Les VCs devront jouer leur rôle de dénicheurs de pépites et par conséquent accompagner ces, peut-être, futures licornes ", anticipe Xavier Gomez. Reste à savoir si cette deuxième vague d’entreprises innovantes seront à la hauteur de leurs prédecesseuses. Et la définition du succès pourrait bien, elle aussi, évoluer après la crise. Comme le rappelle Paul Foucault, “aujourd’hui, on estime la réussite à l’aune des levées de fonds mais cela signifie simplement qu’une entreprise remplit les grilles de critères des VCs” . À ce jeu-là, les pionnières du secteur gagnent à tous les coups, comme en témoigne la méga-opération de Qonto qui a levé fin janvier plus de 100 millions d’euros. Mais les investissements se tarissant avec la crise, les nouvelles venues pourraient bien faire bouger les lignes et réserver quelques surprises aux poids lourds qui conjuguaient jusqu’ici succès avec levée de fonds.
Maddyness, partenaire média de platform58, l'incubateur de la Banque Postale