23 avril 2020
23 avril 2020
Temps de lecture : 5 minutes
5 min
8227

Lancer sa startup en pleine crise, bonne ou mauvaise idée?

Faut-il attendre que tous les indicateurs soient au vert pour lancer sa startup ? La croissance est-elle vraiment mère de sûreté ? Une crise est toujours un moment de rupture qui signe la mort de certains concepts et laisse la porte ouverte à d’autres.
Temps de lecture : 5 minutes

Les médias martèlent en boucle des informations sur le coronavirus et le confinement, le président de la République parle de guerre, le gouvernement sort de son chapeau 100 milliards d’euros pour aider les entreprises. Pléthore de petites (et plus grandes structures) cherchent un appel d’air grâce à un prêt garanti par l’État, un refinancement ou une renégociation avec leurs fournisseurs. Le doute n’est plus permis : c’est la crise. La croissance envolée, le moment ne paraît pas des plus opportuns pour lancer sa startup. Et pourtant, “il  est toujours temps d’entreprendre et différemment” , estime Cédric Denoyel, président de l’incubateur lyonnais H7. En effet, la période que nous vivons remet en cause de nombreux acquis et nous questionne sur le monde que nous voulons créer demain. Mais entre remise en question et opportunités économiques, le Covid-19 pourrait bien constituer un terreau fertile pour le lancement de nouvelles startups. 

Le confinement fait émerger de nouveaux besoins

En nous obligeant à rester confinés et à travailler à distance pratiquement du jour au lendemain, la crise a bouleversé plus d’un pan de notre vie. Pour pouvoir continuer à interagir avec nos proches et surtout à travailler à distance, une “digitalisation des grands groupes s’est opérée” , estime Eric Burdier, co-fondateur d’Axeleo et président d’Axeleo Capital. Même si l’opération s’est effectuée à marche forcée pour ces mastodontes peu habitués au remote, il y a fort à parier que ces outils s’imposent comme une nouvelle manière de travailler. Et le manque de flexibilité de certaines entreprises au début du confinement montre qu’il y a encore du boulot pour y arriver en toute sérénité ! “Toutes les startups des technologies d'entreprise sont donc sur un segment propice, avec des preneurs de décision plus conscients que jamais de la nécessité de s’équiper d’outils adaptés” , estime Eric Burdier. Le déploiement de ces outils numériques entraînera avec lui d’autres besoins liés à la cybersécurité et au développement de nouveaux modes de management. Diriger une équipe à distance et organiser des réunions de brainstorming à 15 de son salon nécessitent, en effet, un peu d’organisation.

Le secteur de la formation et de l’éducation a aussi sa carte à jouer. La plateforme de cours de soutien SchoolMouv a récemment réalisé un partenariat avec une chaîne de télévision pour diffuser des programmes scolaires pendant le confinement. De manière plus globale, “les outils numériques ne sont pas encore tous là dans le secteur éducatif” , estime Pierre-Emmanuel Struyven, président de SupernovaInvest. “Or, la continuité d’éducation entre la maison et l’école est une thématique qui ne va pas disparaître après la crise” . Anticiper pour mieux s’adapter à une prochaine crise devient déjà l’enjeu d’un avenir qui pourrait bien se dessiner sous des auspices plus responsables.

Et de remise en question 

Contrairement à la crise de 2008, essentiellement économique, celle qui nous touche aujourd’hui pousse de nombreux Français·es, particuliers comme dirigeants, à s’interroger sur la valeur de leur travail et le monde qu’ils veulent construire pour les générations futures. Les sujets liés à la RSE, à la quête de sens et aux défis environnementaux devraient être renforcés au sein des entreprises. Pour Cédric Denoyel, quatre valeurs essentielles sont à prendre en compte pour entreprendre aujourd’hui : la technologie, la créativité, l’impact et le business (la rentabilité).  “Les entreprises innovantes ont la possibilité d’améliorer le quotidien” , estime t-il. Les composantes environnementales ou même sociales devront faire partie de tous les projets qui émergeront demain.

Au sein d’Axeleo aussi, le sujet est au centre des préoccupations. Cette période devrait nous pousser à nous “concentrer sur les défis climatiques et environnementaux d’où émaneront nos futures crises” , souligne Eric Burdier. L’impact, la RSE et l’ESG ont toujours été des critères importants dans le choix des investissements opérés par Axeleo Capital et devraient l’être encore plus à l’avenir. “Nous sommes en train de retravailler la mesure d’impact pour nos futurs projets” , reconnaît Eric Burdier. 

Continuer à avancer et avoir les nerfs solides 

“Pour autant, si les opportunités sont réelles, le capital se faisant rare, le business sera plus difficile. Ces opportunités ne pourront être captées que par des entrepreneurs qui n’auront pas froid aux yeux et feront preuve d’un maximum de cran, d’abnégation et de courage. Il n’y aura pas de demi-mesure” , poursuit le co-fondateur d’Axeleo. En somme, il ne faudra pas avoir peur de nager en eaux troubles pour y arriver. Mais plus encore, il faudra réussir à apporter “un produit ou un service qui répond réellement à un besoin” , pour lequel les entreprises seront prêtes à dépenser de l’argent car elles y trouveront un gain financier immédiat. Le cash ne coulera pas à flot pour les startups qui n’ont pas encore fait leurs preuves et celles-ci devront donc minimiser leurs coûts de lancement.

L'inutilité et le folklore n’auront pas leur place, les projets devront être bien ficelés. Cette période est peut-être le moment idéal pour repenser son produit ou vérifier son adéquation avec le marché. Bien définir son projet, consulter de potentiels clients, discuter avec des entrepreneurs aguerris, travailler sur son réseau seront des éléments d’autant plus essentiels pour se lancer demain. “Il n’y a pas de raison de différer ces démarches, ni d’attendre pour se lancer dans une levée de fonds car c’est un processus qui prend beaucoup de temps” , estime Pierre-Emmanuel Struyven. Les VCs continuent d'ailleurs à "étudier les dossiers qu'ils reçoivent". Le fonds Heartcore vient même de lancer Fellowship, un programme de pré-amorçage dédié aux porteurs de projets qui n'ont pas encore monté leur entreprise. Toutes les démarches se feront à distance. Comme aime le rappeler Pierre-Emmanuel Struyven, il est essentiel de “toujours rester en mouvement” et de préparer l’avenir dès aujourd’hui. 

Partager
Ne passez pas à côté de l'économie de demain, recevez tous les jours à 7H30 la newsletter de Maddyness.