25 mai 2020
25 mai 2020
Temps de lecture : 5 minutes
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En période de crise, l'État devance le capital-risque pour soutenir les startups

La crise met en valeur le rôle encore crucial de l'État dans le financement des entreprises innovantes, alors même que le réseau d'investisseurs privés ne cesse de s'étoffer.
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Republication du 9 avril 2020

Dans l'écosystème startup, l'État reste un gros mots. Vivre aux crochets de celui-ci, n'en parlons pas. Certains esprits malicieux objecteront que Bpifrance reste de loin le premier levier de financement des startups à grands coups d'aides et de prêts d'honneur. Mais, une fois les premiers investisseurs privés convaincus - et signés - il est de bon ton d'oublier les débuts bâtis sur les deniers publics pour mettre en valeur les millions privés. Avec la crise actuelle, les entrepreneurs sont pourtant obligés de composer avec les aides publiques.

Et l'État n'a pas fait les choses à moitié. Le 17 mars, le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, annonçait la " mobilisation totale (de l'État) au service des salariés et des entrepreneurs " et un premier plan d'aide de 45 milliards d'euros - révisé ce jeudi à 100 milliards. Auxquels se sont ajoutés successivement 20 milliards dédiés au dispositif d'activité partielle et surtout 300 milliards pour couvrir la garantie de prêts d'urgence accordés par les banques aux entreprises qui en auraient besoin.

Autant de mesures d'aide que les entrepreneur·e·s n'hésitent pas à cumuler pour maintenir leurs sociétés tout juste à flot. Bien loin des robinets de cash que les fonds d'investissement gardaient jusque-là ouverts et qui avaient abouti à une kyrielle de méga-levées jusqu'à celle de Kinéis, début février. Certaines entreprises ont bien annoncé quelques belles opérations ces dernières semaines (6 millions d'euros pour Qarnot il y a deux semaines, 50 millions pour Dynacure la semaine dernière...) mais les VCs ont prévenu : la coupure d'eau est proche. Les participations en portefeuille seront refinancées, pour les autres, advienne que pourra.

L'État sauveur

Le recours est donc tout trouvé : il sera étatique ou ne sera pas. Et startuppers comme investisseurs s'accordent à applaudir ce soutien public massif. "Les investisseurs prennent des risques en capital mais ils ne peuvent pas supporter ce niveau de risques pour toutes les sociétés, précise Benoist Grossmann, managing partner d'IdInvest et coprésident de France Digitale. Rien ne permet de financer une économie totalement à l'arrêt."  Un point de vue partagé par Éric Chaney, économiste membre de l'Institut Montaigne. "Lors d'une crise comme celle-ci, la bonne réaction du côté de l’Etat est de faire en sorte que les entreprises ne fassent pas faillite. Elles n'ont pas accès à la liquidité puisqu'elles n'ont plus de clients mais que les coûts continuent de s’accumuler. Elles doivent donc continuer d’exister sans fonctionner."

Et cela pour toutes les entreprises, qu'elles soient industrielles ou innovantes. "C'est bien que les dispositifs d'aide de l’État soient proposés à tout le monde, aux startups comme aux industries" , souligne Benoist Grossmann. Reste que les fleurons industriels du pays peuvent bénéficier d'un soutien encore plus important de l'État, qui peut choisir de les nationaliser. Même si Bpifrance a annoncé pouvoir monter au capital de certaines startups via des obligations convertibles, on est loin d'une vague de nationalisations de startups. Et tant mieux, selon Éric Chaney. "Si l'État prenait le pouvoir de pans entiers de l'économie, ce serait catastrophique. Mais la question de la nationalisation ne se pose que pour les entreprises cotées car leur valeur boursière peut tomber à zéro. Le marché estime alors que ces entreprises ne valent plus rien et elles peuvent être rachetées par n'importe qui, ce qui pose un problème en termes de souveraineté économique."

Rendre à l'État ce qui... n'appartient pas à l'État ?

En outre, l'argent public n'est pas cher : les prêts garantis le sont à des conditions exceptionnelles (à prix coûtant, sans marge des établissements bancaires qui les distribuent et avec la possibilité de l'amortir sur cinq ans) et les aides publiques n'ont pas vocation à être remboursées. Pourtant, pour les startups qui auront la chance de résister à la crise, il y a aura probablement de futurs tours de table et d'inévitables sorties qui engendreront des gains pour d'autres que l'État. "Il existe une forme d'éthique dans le monde des affaires, on ne peut pas y faire n'importe quoi" , plaide Benoist Grossmann. On pourrait ainsi imaginer un mécanisme dans lequel les startups qui ont bénéficié d'aides publiques d'urgence verseront l'équivalent des dividendes non pas aux actionnaires mais à l'État.

Pour l'instant, aucune mesure de ce type n'a été annoncée par le gouvernement. Avec le risque que la hausse brutale des dépenses publiques n'aggrave considérablement la dette et pèse ensuite durablement sur les mécanismes de financement public de l'innovation. "L'État va se retrouver sans le sou, prophétise ainsi Éric Chaney. D'ici quelques années, on se rendra compte que la dette publique aura augmenté de 10, 20 ou 30 points de PIB."  Après la crise de 2008, la dette publique avait ainsi explosé : entre 2007 et 2009, elle avait bondi de près de vingt points.

Difficile néanmoins de vouer le capital-risque aux gémonies parce qu'il n'est aujourd'hui pas capable de faire face à une crise dont il faut rappeler le caractère inédit. Sitôt l'orage passé, les investisseurs redeviendront des faiseurs de pluie de - on l'espère surtout - de beau temps. "Dès lors que les activités économiques reprendront, le capital-risque sera une des sources de financement les plus importantes pour faire le tri entre les bons et les moins bons projets, appuie ainsi l'économiste. La rôle des investisseurs sera d'autant plus crucial que le problème de liquidités de la crise aura favorisé la destruction créatrice."

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