Jusque là timidement pratiquée en France, remboursée depuis septembre 2018, la téléconsultation médicale connait un essor fulgurant depuis le confinement mis en place pour réduire la dissémination de la pandémie de coronavirus, ce qui devrait l'aider à rattraper son retard. Selon les chiffres publiés par la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) mardi, entre le 23 et le 29 mars près d'un demi-million de téléconsultations ont été facturées, soit plus d'une consultation sur dix réalisées dans l'Hexagone, contre moins de 1% avant l'épidémie de Covid-19.
"C'est sûr qu'il y aura un avant et un après épidémie" , commente auprès de l'AFP Stanislas Niox-Chateau, président et cofondateur de Doctolib. "Il y avait un début d'engouement des professionnels de santé l'an dernier et maintenant que c'est devenu un réflexe pour les patients, ça va changer les usages." Depuis lundi, le leader français de la téléconsultation enregistre 100 000 consultations vidéo par jour, soit cent fois plus qu'avant l'épidémie et propose ce service gratuitement, comme la plupart de ses concurrents, pendant la crise.
Remboursée par la Sécurité sociale depuis septembre 2018 et encouragée par l'État, la téléconsultation devient incontournable au moment où l'épidémie, qui a fait plus de 4000 morts - dans l'attente des chiffres des Ehpad - submerge les hôpitaux de l'Île-de-France après ceux de l'Est du pays. Son utilisation a été facilitée par un décret du 9 mars. Elle permet aux patients atteints de Covid-19, ou présentant des symptômes, d'être suivis à domicile et à ceux souffrant d'autres pathologies d'être soignés à distance en réduisant le risque d'être exposé au virus, tout en allégeant le recours au Samu et aux services d'urgences débordés.
Surveiller à distance
Toutefois les médecins qui ne l'ont jamais utilisée doivent être accompagnés : dans le Grand Est, le groupement d'intérêt public Pulsy - qui réunit Agence Régionale de Santé, Assurance maladie, collectivités territoriales, établissements de santé publics et privés- leur propose une formation, des tutoriels et une ligne téléphonique gratuite. Quelque 2000 médecins libéraux ont opté pour ce service jusque-là développé pour l'hôpital, "parce que nous sommes une structure sans intérêt commercial : ils estiment que cela doit être un service public gratuit. Or il y aura un engagement commercial, avec Doctolib ou ses concurrents, après la crise" , souligne André Bernay, son directeur.
L'épidémie encourage aussi le développement de services comme la télésurveillance à distance : les personnes atteintes de Covid-19 ou suspectant de l'être, reçoivent chaque jour par texto un lien sécurisé vers un questionnaire d'auto-évaluation, et un médecin les contacte si leur état de santé s'aggrave. De son côté le groupe Orpea a déployé dans ses 250 Ehpad "une astreinte médicale de nuit, qui mobilise 45 de nos médecins: chacun d'eux reçoit une vingtaine d'appels par nuit, et répond aux questions de nos aides-soignants afin d'éviter des hospitalisations", indique François Bertin Hugault, directeur médical. Les téléconsultations sont ainsi passées de 2 à 125 par semaine dans ces établissements. Elles se sont aussi généralisées en psychiatrie, pour "éviter des décompensations de malades" habituellement suivis en consultation dans ses cliniques, dit-il.
Si début mars, le syndicat de généralistes MG France alertait le gouvernement contre la tentation de "balayer les garde-fous difficilement mis en place" pour encadrer une téléconsultation qui "augmente le risque dans la prise de décision", ces jours-ci la préoccupation a changé. "La quasi-totalité des généralistes, y compris les plus réticents, sont passés à la téléconsultation" , déclare à l'AFP Jacques Battistoni, président de MG France. "C'est la première mesure-barrière pour éviter la contamination, ce qui explique très largement ce phénomène." Et de fait, "le remboursement à 100%" par la Sécurité sociale "a beaucoup facilité les choses" , dit Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France. "Incontestablement, des habitudes vont être prises", affirme le Dr Hamon, et la prise en charge des personnes âgées et handicapées sera "améliorée" .
Mais face à un coronavirus particulièrement létal pour les personnes âgées et les malades chroniques, une connaissance préalable des patients s'impose. "Ça ne remplace pas, ça s'ajoute et ça complète la consultation au cabinet et la visite à domicile", estime le Dr Battistoni.
Maddyness avec AFP