2 avril 2020
2 avril 2020
Temps de lecture : 5 minutes
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L'art du pivot en temps de crise, servir pour survivre ?

Pour coller au mouvement de solidarité nationale mais aussi pour combler les pertes de leur activité principale, de nombreuses startups ont été forcées de pivoter. Pour le meilleur et pour le pire ?
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Pivoter, c'est la clé ? Pour certaines startups, c'est en tout cas le plan B. Alors que la crise liée au coronavirus a obligé un certain nombre de jeunes pousses à mettre leur activité en pause, d'autres ont fait le choix de pivoter. Certaines par désoeuvrement - autant optimiser les lignes de production à l'arrêt - ou nécessité financière, la plupart par souci de solidarité nationale.

C'est ainsi que la marque de cosmétiques La Rosée a réussi à produire, en quelques jours à peine, 150 000 tubes de gel hydroalcoolique. Ses produits étant d'ordinaire vendus en pharmacie, la marque a bénéficié d'un canal d'information privilégié dès le début de la crise. "Les 1500 pharmacies avec lesquelles nous travaillons nous ont rapidement alerté qu'elles étaient en rupture de gel. De notre côté, la production de nos produits traditionnels était affectée par le ralentissement des lignes de production", raconte Mahault de Guibert, cofondatrice de la marque et elle-même pharmacienne. Ni une ni deux, la marque met la main sur une formulation homologuée de gel et se met en quête de contenants et des matières premières nécessaires. Une petite galère mais qui porte ses fruits : toute la fabrication s'est écoulée en une seule journée. La startup essaie même de renouveler sa production pour répondre à la demande.

Répondre à l'urgence...

Également fortement touchée par la crise, l'activité des plateformes de mise en relation qui opèrent dans les secteurs des services à domicile s'est réorientée vers de nouvelles cibles pour préserver le revenu des indépendants. "Nous travaillons avec de nombreux indépendants et c'est très dur pour eux, parce qu'ils ne sont pas encore certains de pouvoir bénéficier des mesures de solidarité annoncées" , souligne ainsi Pierre André, COO de Wecasa, qui a vu les prestations esthétiques à domicile s'arrêter brusquement. Même constat pour Tuto's Me, dont les formateurs se sont subitement retrouvés inoccupés, la plupart des centres de formation ne bénéficiant pas d'outils pour un travail à distance ; mais aussi pour Jobday, qui met en relation des travailleurs indépendants et des clients dans le domaine événementiel, ou Brigad, qui fait le même travail dans l'univers de l'hôtellerie-restauration.

Tous ont dû s'adapter, le plus rapidement possible. Wecasa s'est ainsi diversifiée dans le coaching sportif en vidéo, Tuto's Me a lancé une offre de cours de soutien scolaire à distance, Jobday démarche les acteurs du secteur alimentaire pour combler leurs besoins de main d'oeuvre et Brigad s'est tourné vers le secteur agricole, qui peine à trouver des bras. "Cela apporte de l'activité et des revenus à nos partenaires indépendants et nous a permis de remobiliser l'équipe autour d'un nouveau projet" , s'enthousiasme Pierre André. En les réorientant vers l'agriculture, Brigad se targue de pouvoir assurer jusqu'à 75% de leur revenu à ses indépendants, de quoi leur permettre de se rapprocher d’un mi-temps.

Le positif est en effet davantage à aller chercher du côté social de ces projets que du côté financier. Les gels de La Rosée sont vendus aux pharmacies sans aucun bénéfice pour la marque, par souci de solidarité. Et les offres payantes des plateformes ne compenseront pas les pertes essuyées sur leurs activités principales. "On ne peut pas rattraper en trois semaines sur un nouveau marché les pertes d'un marché qu’on a mis trois ans à construire" , reconnaît, philosophe, le COO de Wecasa, dont une partie des salariés a été placée en activité partielle. "Au niveau financier, ce n'est pas le bon pari, tranche de son côté Anthony Brice, président de Tuto's Me. Il nous faudrait entre 2000 et 3000 inscriptions payantes pour équilibrer le projet."

... tout en se développant à long terme

Si ces pivots n'auront pas forcément d'impact financier à court terme, ils pourraient se révéler bénéfiques à moyen et long termes. Car la plupart des entreprises prévoient d'intégrer cette nouvelle branche dans leur offre classique. "Nous allons peut-être continuer à produire du gel hydroalcoolique après la crise, alors que ce n'était pas du tout dans nos plans. La demande devrait perdurer durant au moins un an, les habitudes des clients vont durablement changer" , prévoit la cofondatrice de La Rosée. "On ne pensait pas se tourner vers l'alimentaire mais un client qui est content, pourquoi ne pas essayer de le fidéliser ?" , s'interroge opportunément Romy Eisemberg, cofondatrice de Jobday.

D'autres, comme Wecasa ou Tuto's Me, avaient prévu cette diversification mais ont dû considérablement prendre de l'avance sur leur feuille de route. "Avant la crise, nous prévoyions de nous concentrer sur l'internationalisation mais nous nous sommes recentrés sur l'intégration des cours de soutien à l'entreprise. Nous allons même monter une structure dédiée à cela" , déclare Anthony Brice. Des pivots provisoires qui se transforment donc en diversification pérenne, c'est peut-être là l'avantage de la crise. "C'est une forme de résilience, concède Pierre André. Il faut trouver des chemins pour s’en sortir le mieux possible... et être astucieux !"

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