En quelques années à peine, l'accompagnement des startups a explosé. Selon une étude réalisée par Roland Berger en 2019, la France comptabilisait 270 structures d’incubation et 56 d’accélération en 2018, soit 12% de plus qu’en 2017 et cinq fois plus qu’en 2009. Entreprises, écoles, universités, structures privées et publiques, tout le monde décide de se lancer dans l’aventure.
Il faut dire qu’à part l’envie de monter un tel projet, aucune diplôme n’est requis. Ce qui pose inévitablement la question de la légitimité des mentors et de l’impact véritable de ces structures sur les entreprises qu’elles accompagnent. Alors comment savoir, lorsqu'on est entrepreneur, si on se tourne vers la bonne structure et si celle-ci va réellement pouvoir nous faire avancer ? Créée par des mentors de l'accompagnement, l'association La Boussole s'est mis pour objectif de mettre un peu d’ordre dans cet écosystème en expansion et d'aiguiller, ainsi, les startups.
Un incubateur dans l’incubateur ?
“Nous nous sommes rendus compte que nos startups passaient d’une structure à une autre et que cela avait un intérêt pour elles” explique Paul Jeannest, membre fondateur de la Boussole et CEO de RaiseLab. Pour autant, il n’existait aucune approche structurée pour permettre ces échanges, ni de modèle pour accompagner les accompagnateurs eux-mêmes.
Aux côtés de neuf autres structures d'accompagnement d'entreprises que sont 50Partners, Google, Le Village by CA, NUMA, Schoolab et URW Link – Unibail-Rodamco-Westfield, Blue Factory ESCP, INCO, Réseau Entreprendre Paris (et la sienne RAISE), celui-ci décide alors de lancer en 2019 la Boussole, une structure pour donner aux accompagnateurs les outils pour améliorer leur efficacité et la transparence de leur offre, mais aussi donner aux entrepreneurs la grille de lecture vers des programmes d’accompagnement adaptés à leurs besoins.
"Nous ne voulions pas engager trop de frais au départ mais plutôt y aller étape par étape" explique Paul Jeannest.
À La Boussole, une seule salariés à temps plein : Klara Peyre, directrice de la structure. "Les fondateurs travaillent comme bénévole en plus de leur emploi sur la stratégie globale et des projets plus précis" souligne-t-elle. Un an après, l'association compte déjà une soixantaine de membres et des partenaires comme Google for Startups ou le Boston Consulting Group. Preuve de l’intérêt des mentors d’améliorer leurs compétences et de partager leurs expériences. "Il y avait un vrai besoin" reconnaît Paul Jeannest.
La Boussole s’appuie sur ses effectifs et le partage d’idées pour faire remonter les bonnes pratiques. Son offre repose sur "trois piliers : l'expertise, la visibilité et la communauté" explique Klara Peyre. Des petits-déjeuners sont organisés mensuellement “chez un membre différent avec deux ou trois intervenants issus de la communauté de la boussole” pour répondre à des problématiques concrètes “sur des points très opérationnels comme les outils de sourcing, la gestion de communauté, les liens avec les pouvoirs publics…” précise Klara Peyre. Une seconde offre d’ateliers va débuter cette année pour approfondir certains sujets abordés lors de ces premiers échanges.
Chaque mois, un coffee bodies est organisé entre deux incubateurs très différents pour leur permettre d’apprendre chacun l’un de l’autre. “Cela a permis à l’incubateur des Arts et Métiers de développer un partenariat avec Raise pour les startups industrielles” explique Paul Jeannest. Un réseau social permet également d’échanger ses best practices et de pouvoir poser des questions aux autres membres sur le cas particulier d’une startup. Car c’est aussi l’enjeu de la Boussole, créer une grande communauté.
Faire partie de la Boussole, un gage de qualité
L’objectif final est donc de réussir à créer une sorte de pool d’accompagnateurs de qualité. “Nous n’avons pas vocation à grandir à l’infini, nous sommes une soixantaine aujourd’hui et si nous arrivons à 80, ce sera très bien. Les autres incubateurs arriveront ensuite au compte-goutte” souligne Paul Jeannest.
Car l’objectif de la Boussole n’est pas du tout de “créer un annuaire des structures qui existent” . Les premiers membres sont entrés dans la boucle grâce à la notoriété de leur formation, “désormais, il faut être recommandé” explique Klara Peyre. L’association se laisse aussi le droit de contacter d’anciens entrepreneurs passés par leur structure pour obtenir un feed-back.
Ce service n’est évidemment pas gratuit. Il faut compter un droit de participation de 4000 euros pour les corporates, 2000 pour les structures privées et 500 euros pour les structures ne faisant pas de profit. Une offre de sponsorship dédié à des entreprises qui travaillent avec des startups sera proposée cette année pour pouvoir faire grandir la Boussole et proposer de nouveaux services au fil du temps.
Un permis d’accompagner
Dans cette nuée d'incubateurs et d’accélérateurs, c’est aussi une visibilité que propose la Boussole en mettant en avant des structures “de qualité” précise Paul Jeannest. Mais, sur quels critères se base t-on alors ? Doit-on intégrer un label ?
Choisir un tel système serait “beaucoup trop réducteur et mettrait une trop grande barrière à l’entrée” explique François Bracq, l'un des cofondateurs de la structure. “Cela dépend de ce que cherchent les startups aussi” rajoute Paul Jeannest pour qui “l’important est que les accompagnateurs ne sur-promettent pas la qualité de leur intervention mais proposent une offre claire et cohérente avec les aspirations des startups”.
Pour en arriver là, il devient inévitable de s’intéresser “à l’impact réel de ces structures”. C’est pourquoi l’association mène actuellement une étude avec le BCG sur les critères d’impact à évaluer pour valider la qualité d’un accompagnement. Elle devrait livrer tous ses secrets d’ici le mois d’avril. “L’objectif est ensuite de pouvoir se baser sur eux pour aider les structures à travailler sur ses points et ainsi à trouver un modèle opératoire qui marche pour toutes les startups” poursuit François Bracq, Head of Startups chez Google France.
Pas de label mais peut-être un permis ou un certificat pour les futurs accompagnateurs ? François Bracq ne serait pas contre. L’université de Paris Dauphine en propose déjà un et, à terme, la Boussole désire monter elle-même en compétences pour pouvoir proposer une offre de formation. “Mais pour l’instant, notre objectif est d’atteindre une masse critique pour ensuite être capable d’orienter les startups et améliorer le service pour les entreprises”.
Aiguiller les startups vers les bonnes structures
Les startups se multiplient et les structures d’accompagnement avec. Désormais, passer par un incubateur ou un accélérateur est une solution largement répandue dans la startup nation. Mais le fait est qu’il reste très difficile, comme pour les fonds d’investissement, de savoir vers quelle structure se tourner. Suivant le stade de maturation du projet, son objectif mais aussi son secteur d’activité, il est évident que certains réseaux seront beaucoup plus utiles que d’autres aux entrepreneurs.
La Boussole ambitionne donc de défricher un peu la jungle des structures d'accompagnement pour aider les startups à y naviguer un peu plus “simplement”. “Ce qui nécessitera d’accroître la transparence de l’offre en expliquant le contenu exact de la formation, les contreparties requises (loyer, prise de participation), le temps, les objectifs” souligne Klara Peyre. Il est actuellement compliqué de savoir concrètement combien coûte ce type d'accompagnement, ces structures arguant toujours que le prix est très bas comparé à l’offre de services.
Un peu plus de clarté permettra donc aux entrepreneurs de s’y retrouver, d'éviter de perdre du temps et surtout d’être déçus. “Nous avons aussi vocation à leur proposer un parcours en fonction de leur maturité pour les aiguiller vers tel ou tel incubateur” poursuit François Bracq. La Boussole ne s’envisage pas comme un réseau de concurrents mais plutôt de personnes désirant coopérer ensemble pour permettre aux startups de grandir et de réussir. “De nombreuses startups et structures nous sollicitent déjà quotidiennement pour avoir plus de visibilité et obtenir des conseils sur l'écosystème” reconnaît Klara Peyre.
Pour l’instant, la Boussole est encore en train de se constituer et de roder son modèle. “Nous ambitionnons de devenir une plateforme de formation et de référencement pour d’autres acteurs mais nous avons besoin de grandir” explique Klara Peyre. La Boussole cherche encore son Nord pour pouvoir indiquer le bon cap à la startup nation.