Tribunes par Geoffroy de Lestrange
7 mars 2020
7 mars 2020
Temps de lecture : 6 minutes
6 min
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Notre cerveau peut-il encore apprendre ?

Comment recréer une culture de l'apprentissage à l'heure où nos capacités d'attention semblent décliner ?
Temps de lecture : 6 minutes

C’est la " révolution neurologique " , plus que technologique que l’on clame en ce moment un peu partout sur les réseaux sociaux. Ce concept veut incarner le rapprochement entre l’éducation et les sciences cognitives, initié par le Conseil Scientifique de l’Éducation Nationale en 2018. Depuis, les expérimentations de neurosciences dans les écoles et entreprises se sont multipliées.

C’est à la lumière des résultats de ces observations que les programmes de formations sont révisés. Que faut-il alors retenir du cerveau du consommateur en 2020 ? Sans surprise, et non des moindres : son attrait pour les satisfactions immédiates depuis l’explosion de la bulle internet en 2000.

Cliquer ailleurs lorsqu’une vidéo ne se charge pas, maudire son ordinateur ou son téléphone lorsqu’une application ne s’ouvre pas… les anecdotes montrent que le cerveau est devenu impatient. Et c’est loin d’être fini, assure Cornerstone, parce-que le cerveau développe des propriétés au fur et à mesure que les technologies progressent. Rien, ou presque ne les arrête, même devant les effets controversés.

Alors quand tout va toujours plus vite, et que la question de l’influence du numérique fait parler d’elle, les outils d’apprentissage aujourd’hui sont-ils toujours efficaces pour préparer la future génération ? Pour parvenir à se projeter, à l’école comme en entreprise, il faut d’abord arriver à décrypter les informations que le cerveau " scanne "  afin d’optimiser la formation dans les prochaines années.

Le cerveau est-il devenu fainéant ? 

Des psychologues des universités d’Harvard, de Columbia et du Wisconsin ont démontré qu’internet changeait notre façon d’utiliser notre mémoire et était devenu " une sorte de mémoire externe ou transactive " . Les sujets de leur étude montraient des taux de mémorisation plus bas lorsqu’ils pensaient pouvoir accéder aux informations en ligne. A contrario, ils développaient une meilleure mémorisation de l’endroit où trouver ces informations. Cela ne veut pas dire que notre cerveau n’a plus les capacités nécessaires pour mémoriser, mais simplement que nous ne les utilisons plus. Toutefois, le rôle de la mémoire sur le cerveau ne doit pas être sous-estimé. Une étude réalisée au sein de l’armée suédoise a mis en évidence une augmentation du volume de différentes parties du cerveau chez les recrues qui apprennent une langue étrangère. Preuve, s’il en fallait, de l’intérêt d’entraîner régulièrement sa mémoire.

Pour les entreprises, ce changement de paradigme est loin d’être anodin. Peut-être est-il aujourd’hui opportun de renoncer aux formations axées sur la mémorisation de grandes quantités de connaissances, car la nouvelle génération en sera moins réceptive. Les entreprises doivent envisager d’investir dans des formations qui donnent à leurs effectifs les compétences nécessaires pour accéder aux informations, les évaluer et les utiliser, plutôt que de simplement les mémoriser. Cela passe par le recours à la gamification ou encore le nano-learning, des matières plus adaptées à la nouvelle génération.

Le cerveau face à l’automatisation

Tout le monde nous dit que l’on est aux commandes de notre vie. Pourtant, notre expérience personnelle nous dit le contraire et les incertitudes politiques, sociales et économiques sont sources d’insécurité. Une inquiétude qui n’est pas infondée lorsque l’on constate que 62% des dirigeants/managers estiment qu’ils devront requalifier ou remplacer plus d’un quart de leur personnel d’ici 2030 en raison de la tendance à l’automatisation et à la digitalisation. Alors comment les collaborateurs peuvent-ils reprendre le contrôle dans cette ère incertaine ?

L’une des solutions est la formation, qui permet d’optimiser leur valeur au sein de leur entreprise et sur le marché du travail. C’est un point particulièrement important dans un contexte où les connaissances deviennent rapidement obsolètes et les soft skills essentielles. De même, l’adaptabilité, la reconversion et l’actualisation rapide des compétences sont des critères clés. Dans tous les secteurs, être un bon leader, développer son intelligence émotionnelle et favoriser la créativité sont des compétences indispensables qui ne seront jamais remplacées par l’IA ou l’automatisation.

Les outils collaboratifs tels que Slack, ainsi que les méthodes de travail agiles comme Scrum, donnent déjà un avantage concurrentiel à ceux qui y sont formés. En même temps, les entreprises doivent trouver le bon équilibre entre donner le contrôle à leurs collaborateurs par la formation et veiller sur ce que ces collaborateurs apprennent. À l’avenir, la technologie facilitera cet équilibre et appuiera la formation et le développement personnel à travers des contenus plus personnalisés et plus efficaces, à partir de données plus précises.

Le cerveau... toujours plus agile, flexible et ouvert

Si tout change dans cinq ans, comment savoir de quelles compétences on aura besoin à ce moment-là ? Pour parvenir à se projeter, regardons déjà les produits et entreprises qui ont vraiment changé la donne au cours des vingt-cinq dernières années, tels qu’Amazon, Google ou Facebook. Ou même les métiers qui ont vu le jour grâce à des innovations : développeurs d’applis, concepteurs UX, data scientists… Si les évolutions de ces dernières années ont donné lieu à toutes ces avancées, quelles seront pour les travailleurs les conséquences des changements encore plus rapides liés à l’arrivée de l’IA, de l’informatique quantique, de l’IoT ? Google, IBM et une poignée de startups sont déjà dans la course à la création de la prochaine génération d’ordinateurs quantiques. Et une étude menée par le Boston Consulting Group indique que 83% des personnes interrogées considèrent l’IA comme une priorité stratégique.

En vérité, nul ne sait ce que l’avenir nous réserve. Mais il ne sera pas fait uniquement de suppressions d’emplois. Il appartiendra à de nouveaux secteurs d’activité et à de nouveaux produits – et aux cerveaux et esprits agiles, flexibles et suffisamment ouverts pour saisir ces opportunités. Si l’avenir est incertain pour les entreprises comme pour leurs collaborateurs, il nous appartient de mettre en place des systèmes de formation rapides et flexibles qui évoluent avec ces changements.

Néanmoins, inutile de craindre une surcharge du cerveau…ni l’impact de la technologie sur celui-ci. D’ailleurs, le développement du cerveau et l’évolution des technologies ont toujours été liés. Le langage, l’écriture, la télévision et internet sont des révolutions technologiques qui, utilisées à bon escient, nous permettent de partager nos connaissances, d’apprendre différemment et sur divers sujets. Ce qui compte vraiment, c’est notre capacité d’adaptation.

Avec l’accélération des évolutions technologiques, la souplesse d’esprit est capitale. Il devient primordial de proposer des programmes de formation qui prennent en compte l’équilibre travail/vie personnelle. Les entreprises qui choisissent les bonnes formations seront celles dont les collaborateurs inventeront la nouvelle génération de produits. Mais pour parvenir à ce résultat, il faudra créer une culture de l’apprentissage dont les bénéfices seront clairs, avec des opportunités accessibles et qui génère un bien-être intégral.

Geoffroy de Lestrange est Product Marketing et Communications Director EMEA à Cornersone OnDemand

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