Face à la mutation de l’écosystème assurantiel, l’année qui débute poussera les acteurs à poursuivre leur transformation et à continuer à se réinventer. Dans un contexte économique marqué par la baisse des taux, les enjeux majeurs concerneront la recherche de relais de croissance, la différentiation et l’expérience client. Les nouveaux usages de consommation des produits d’assurance couplés à la connaissance fine des clients sera le point de départ des évolutions pour adapter les offres, les services et la relation client.
API & Plateformes : s’ouvrir à de nouveaux relais de croissance
Interopérabilité des systèmes d’informations via API
C'est la grande tendance qui se dégage chez les acteurs du monde de l’assurance. Initiée par le domaine bancaire à travers la DSP 2. Cette réglementation oblige les banques à donner aux acteurs externes comme les agrégateurs l’accès aux données des comptes. Cette modernisation des SI doit permettre de brancher sur un système existant des applications Fexternes via des API. Les assureurs, sans réglementation à date, ont suivi ce mouvement pour rester compétitifs et tirer avantage de cette stratégie d’architecture ouverte en allant chercher des services externes. Par exemple, la Maif a ouvert son système avec mesdepanneurs.fr qui propose à ses clients une solution de dépannage complémentaire quand un sinistre n’est pas pris en charge par le contrat du sociétaire.
Un double objectif : trouver des relais de croissance et réduire le time to market
Dans un premier temps, Cette ouverture des SI pour les assureurs a permis d’intégrer des solutions innovantes pour optimiser les cas d’usages internes, comme Natixis avec le chatbot Nico (Natixis Insurance Collaborator) en proposant un chatbot à destination des salariés non vie en facilitant l’accès aux informations nécessaires pour répondre au mieux au client.
Mais les assureurs ont vite compris que cette technologie API permettait d’aller chercher des partenariats pour trouver de nouveaux relais de croissance, comme Generali qui en s’alliant avec Otherwise propose une offre d’assurance santé chien et chat pour dynamiser un secteur à fort potentiel. L’autre objectif de cette intégration de solutions partenaires est le gain sur le time to market offert par les acteurs innovants permettant de lancer un produit ou une offre en un temps record. C’est le modèle choisi par la Parisienne Assurance qui apparait comme un des pionniers dans la conception de produits d’assurance en marque blanche. En témoigne l’exemple de conception de l’offre pour Luko, qui propose des offres d’assurances 100% en ligne, dont l’intégration a pris moins d’une semaine.
D’une architecture ouverte vers des plateformes d’assurances comme des marketplaces
Si la technologie via API permet d’ouvrir son système à des partenaires, le modèle distributif des GAFA comme Amazon via des marketplaces digitales a donné des idées aux assureurs pour initier des travaux vers des modèles de distribution 100% digitaux portés par le basculement progressif des flux de contacts vers le digital et d’un contexte favorable à la proposition d’offres globalisées.
Plusieurs modèles de plateforme voient le jour et des stratégies commencent à se dégager. Certains acteurs s’orientent vers des plateformes destinées au BtoC en s’adressant au client final comme la plateforme d’assurance Wefox mettant en relation les clients particuliers avec plus de 300 compagnies d’assurances pour des assurances dommages, épargne et santé en proposant un parcours client 100% digital associé à un conseiller dédié disponible en visioconférence. D’autres privilégient la distribution BtoB auprès de professionnels à l’instar d’Eloa avec sa plateforme collaborative de distribution de crédit et d’assurance mettant en relation tous les professionnels du moment de vie client autour d’un dossier partagé pour optimiser le suivi. Au-delà de la cible client, l’autre différence entre les plateformes réside dans le niveau d’intégration dans la chaîne de valeur. Si Wefox, +Simple interviennent depuis la conception du produit jusqu’a sur la gestion du contrat , d’autres acteurs tels que Eloa et Nortia ne se positionnent pas sur les actes de gestion. Le niveau d’intégration est donc devenu un réel levier de la stratégie des acteurs pour se différencier.
L’expérience client comme facteur X
L’agrégation de services ou comment faciliter la multi-assurance
Les solutions d’agrégation ont le vent en poupe et permettent de répondre aux besoins grandissants des clients de personnalisation et de flexibilité dans leur expérience. Dans ce domaine, des assurtechs se positionnent en précurseurs sur les fonctionnalités de regroupement de l’équipement assuranciel du client, de combinaison de garanties de contrats différents au sein d’un même document contractuel. Clark est une illustration récente de ce que peut apporter l’agrégation d’assurances aussi bien en termes de valeur pour le client qu’en opportunité business pour les assureurs. La plateforme agrège et analyse les garanties des contrats IARD détenus par le client auprès de différentes compagnies d’assurance. Via un robot IA, Clark identifie les manques ou au contraire les doublons de garanties pour proposer des offres d’assurance alternatives adaptées aux besoins du client. Ce type de plateforme facilite la multi-assurance car il offre un point d’entrée unique au client tout en lui apportant des conseils au plus juste de ses besoins réels malgré la détention de plusieurs contrats. Sur le marché des TPE/PME, +Simple propose une autre approche d’agrégation au service de l’expérience client : le client bénéficie de l’intuitivité du parcours de souscription +Simple et retrouve au sein d’un même contrat l’ensemble des garanties de divers assureurs couvrant ses besoins professionnels : flotte automobile, RC Pro, Multirisque Pro, etc.
La digitalisation des moments de vie
L’axe " moment de vie ", consistant à proposer de manière proactive des offres et services en lien avec un événement de vie du client (études des enfants, déménagement, préparation de la retraite, etc.) est largement exploité par les assureurs pour repenser l’expérience client. Même si cette approche reste souvent un marqueur de démarche commerciale – c’est l’exemple notamment de l’eRoue, outil d’aide à la décision Pacifica utilisé par le réseau Crédit Agricole et LCL. Dans les faits, on constate que l’entrée de leur site web se fait systématiquement par le marché ou segment de clientèle puis par le produit, le moment de vie ne venant qu’en 2ème ou 3ème niveau de présentation des offres. Sur ce plan, les acteurs de l’assurance ont encore des progrès à faire pour appréhender les événements de vie des prospects et clients dans leur ensemble. C’est l’apanage des assurtechs qui surfent sur la vague des assurances contextuelles. D’un acte de gestion client (ex. achat d’un billet d’avion), il est possible de proposer des produits assurantiels et services complémentaires en lien avec le voyage du client, proposés et souscriptibles le jour du départ en quelques minutes. C’est le cas de la Société Générale Assurance qui, en partenariat avec Moonshot-Internet, a lancé une assurance digitale à destination des voyagistes, e-commerçants et acteurs du paiement en proposant de répondre de façon instantanée aux petits problèmes du quotidien de leurs clients via en offrant des services différenciants. En cas de retard de votre avion par exemple, votre voyagiste vous proposera par sms de rejoindre gracieusement le lounge VIP de l’aéroport le temps de l’attente.
L’émergence d’écosystèmes
Les réflexions autour de l’agrégation d’assurances et de l’exploitation des moments de vie poussent les assureurs et acteurs tiers à créer des écosystèmes répondant soit à une cible de clientèle bien particulière, soit à des besoins assuranciels et non assuranciels cohérents. C’est le cas par exemple de plateformes comme Lydia qui, d’un service de paiement largement utilisé par les générations Y et Z, s’est progressivement enrichie de produits et services à destination des jeunes via des parcours de souscriptions rapides, intuitifs et 100% mobile. Les offres des partenaires tiers sont proposées soit en totale distinction du parcours Lydia, soit de manière totalement fluide pour l’utilisateur, via transfert de contexte vers le parcours de souscription du partenaire. Aujourd’hui, il est donc possible sur Lydia de faire un virement immédiat à un de ses proches, souscrire à son assurance habitation Luko mais également d’activer un abonnement de fourniture d’énergie pour son nouveau logement. La frontière entre l’assurance et les autres industries s’estompe peu à peu pour offrir une expérience client sans couture et améliorer la pertinence et donc la transformation des propositions faites au client par les acteurs de l’assurance.
Evolution des métiers et recherche de nouvelles compétences
Des changements organisationnels dus à la digitalisation
Le virage de la transformation digitale accélère la mutation organisationnelle des acteurs de l’assurance, du hiérarchique au fonctionnel, avec un changement culturel et une évolution profonde des compétences. En plus de générer des économies de coûts et de temps au niveau des tâches de production et de consolidation des données, les nouvelles technologies offrent l’opportunité pour les acteurs de l’assurance de se recentrer sur leur cœur de métier, ce qui crée davantage de valeur dans le service rendu au client. C’est le cas de CNP Assurances, en partenariat avec l’assurtech Zelros, qui a développé un assistant conversationnel capable de faire remonter rapidement et efficacement des données utiles aux gestionnaires de relation client, avec un impact direct sur la productivité. Cette évolution pousse les métiers à devenir davantage transverses, ce qui nécessite une collaboration accrue entre les équipes. Les bénéfices ? Stimuler l’innovation, être plus productifs, s'orienter ensemble vers une “vision client”. C’est le cas de la solution d’Akur8 qui transforme le monde du pricing en proposant un outil de modélisation et de tarification des risques d'assurance.
La montée en compétence des collaborateurs sur les nouvelles technologies
Les directions RH jouent un rôle déterminant pour accompagner les collaborateurs dans cette transformation avec pour défi de maintenir et valoriser le facteur humain. Les entreprises d’assurance attachent désormais une importance particulière au digital, tant dans les recrutements que dans le développement professionnel des collaborateurs. Plusieurs solutions sont proposées, notamment l’orientation des collaborateurs vers des programmes de formation sur des sujets majeurs de transformation digitale. De nombreuses initiatives sont prises aussi bien en interne qu’en externe, avec des programmes complets, intelligents et collaboratifs. On parle alors de plateformisation des compétences. Le secteur investit beaucoup dans le savoir et la formation continue de ses salariés. Finance Innovation, en s’associant avec Lamarck Institute et ORT Finance, a lancé son propre institut de formation : la " Digital Academy ", afin de proposer de façon régulière des formations certifiantes. Les acteurs de l’assurance initient également ce type de démarche en interne, comme Allianz, qui a lancé la Sales Academy Allianz France en intégrant à ses parcours de formation plus de digital, de l'intelligence artificielle et du machine learning.
Nouvelles méthodes de travail : la recherche des soft skills indispensables à l’agilité et au collaboratif insufflés par le digital
Face à cette évolution des métiers, les méthodes de travail sont bouleversées : beaucoup plus collaboratives et transverses. De nouvelles compétences dites comportementales émergent et deviennent incontournables. Les softs skills comme la capacité à travailler en mode collaboratif ou l’intelligence sociale et situationnelle sont désormais recherchées dans cet environnement digitalisé. Pour favoriser et accompagner ces nouveaux modes de travail, les aspects digitaux sont également développés en ce sens via des outils innovants déployés au sein des organisations pour faciliter le travail en équipe à distance. Allianz, toujours dans ce souci d’accompagnement des collaborateurs, a capitalisé sur l’outil Glowbl, plateforme collaborative en mode Saas, pour moderniser ses communications internes et externes.
Dans un environnement de plus en plus numérique, les acteurs du secteur devront repenser leur environnement de manière globale, de la stratégie de distribution à leur organisation des métiers. Cette accélération du digital promet d’imposer de nouveaux standards sur lesquels les assureurs devront s’aligner en 2020.
Audric Girard est manager assurance chez Aurexia