De quelles problématiques êtes-vous partis pour créer le French Tech 120 ?
Il y a quelques mois, Emmanuel Macron nous posait un objectif de 25 licornes d’ici 2025. Et pas n’importe lesquelles : des jeunes pousses capables d'avoir un impact plutôt positif sur le pays, en termes de création d’emplois, d'une part, mais aussi en termes d'impact écologique et industriel. Un objectif d'hypercroissance et d'hyper-conscience, en somme.
On a donc commencé à créer le programme en se demandant comment on pouvait aider ces fameuses startups à aller vers l’hypercroissance, en répondant à leurs principales problématiques : l'international, le recrutement, mais aussi la gestion administrative.
Tout le monde sait en effet que la French Tech a une très bonne image internationale mais quand on demande à des personnalités étrangères de citer 5 ou 6 entreprises françaises, peu sont capables de répondre. Pareil pour les sujets B2B : la grande majorité des startups de la French Tech sont B2B mais les grandes entreprises sont parfois réticentes à signer avec des jeunes pousses dont elles ne connaissent pas le potentiel et les résultats.
Avec le French Tech 120, on veut les aider à dépasser ces barrières, déjà en faisant avant tout du programme un vrai produit d'export mais aussi en les aidant à s'appuyer sur la marque French Tech pour que les grandes entreprises, françaises ou étrangères, se disent que si l'État les a dans son viseur, elles sont "vérifiées".
Jusque-là, la French Tech était une marque essentiellement institutionnelle, poussée par l’État, pour parler de la grandeur de la France. Désormais on voudrait que ce soit une marque incarnée par nos champions. On voudrait que l’image de la French Tech ait un impact positif sur nos startups.
Les critères de sélection ont été très critiqués dans l'écosystème. Comment expliquez-vous cela ?
La première chose, c’est que les critiques viennent du fait que beaucoup de gens pensent que c’est un classement. Ça n’est pas un classement, c’est un programme. On s’est inspiré de Future Fifty au Royaume-Uni, qui est un programme d’accompagnement pour 50 startups. Nous, on voulait aller plus loin en proposant un programme pour 120 startups.
La deuxième chose, c'est que la plupart des personnes qui ont critiqué estimaient qu’il y avait un comité de sélection. Mais il n’y en a aucun : on a posé les critères, ça a pris du temps, on a paramétré l’analyse, on a tout donné à Bpifrance qui nous a sorti toutes les entreprises qui correspondaient. Ensuite, on a fait du due diligence, on a regardé les procès verbaux des assemblées générales, les contrats d’investissement, les liasses fiscales... Les gens disent que la sélection n'est pas fiable mais on s’est basé sur les documents légaux.
Enfin, beaucoup demandaient ce que l’État "avait à faire de faire des classements". La totalité de l’offre du FT120 est basée sur l’État. Contrairement à ce que l’on faisait dans le passé, en s'axant sur notre communauté, on s'appuie ici entièrement sur l'État pour offrir aux startups le maximum de ce que l'on peut leur donner. Et même quand on est au maximum, on a peur que ce ne soit pas assez.
Comment est amené à évoluer le French Tech 120, dans les prochaines années ?
Pour le moment, notre seul objectif est d'agir pour aider les startups de cette première promotion. Tout est analysé, on regarde combien de temps on met à prodiguer les services promis mais aussi le nombre de services proposés que l'on va pouvoir généraliser et développer à la fin du programme, en fonction de ceux qui ont eu le plus de demandes. Également, quand ça ne fonctionne pas, on doit être capable de réagir et d’adapter presque en temps réel ce qu’on était en train de faire.
Une fois par trimestre, on remonte une note à Matignon pour leur expliquer où on en est. Et éventuellement, plus tard, on envisagera d'élargir.
Comment travaillez-vous avec le gouvernement, et notamment Cédric O ?
La mission French Tech est beaucoup moins isolée qu'avant. Cédric O, c’est notre ministre : le leadership, c’est chez lui. On a beaucoup besoin de lui et c’est grâce à lui qu’on arrive à faire bouger les lignes. C’est un ministre qui se bat pour nous et c'est ce qui fait toute la différence. Car, si tu n'as pas un ministre qui se bat pour toi, ça n’avance pas.
Plus globalement, quelle est la ligne de conduite principale de la mission French Tech depuis que vous la dirigez ?
On aimerait montrer à l'écosystème que la French Tech, ça n'est pas que le Next 40 ou le FT120. La récente couverture presse donne l'impression que l'on ne fait que ça, alors que l'âme de la French Tech n'est pas le FT120, mais plutôt le French Tech Tremplin, avec les lauréats issus de la diversité mais aussi les entrepreneurs qui se sont mobilisés pour les prendre sous leur aile.
On a une logique de portfolio de programmes interdépendants pour s’assurer qu’on atteint nos objectifs économiques et d'impact. Aujourd’hui, je reste l’architecte des programmes de la French Tech et notre ligne centrale, c’est que l’impact de nos programmes serve pour l’ensemble de l’écosystème. Le French Tech Tremplin n’a pas été conçu uniquement pour les 145 personnes qui sont dedans mais également pour que les 20 000 autres puissent oser l’entrepreneuriat suite au succès de ces 145. Pareil pour le FT120, on veut que ça aide à tirer tout l’écosystème vers le haut. C’est expérimental, ça a du sens. C’est la première fois que la mission French Tech fait ça. Aucun autre pays au monde n'a une approche portfolio comme la nôtre.